24/10/2024
Mémoires d'une jeune fille dérangée, Bianca Lamblin, Le Grand Livre du Mois, paru en 1994, 206 pages.
« J’ai longtemps hésité à raconter ce qui, dans ma vie, a été un drame, auquel furent mêlés étroitement Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. A dix-sept ans, j'ai éprouvé envers Simone de Beauvoir, qui fut mon professeur de philosophie, un attachement passionné. A cette passion s'est ajoutée quelques mois plus t**d une liaison amoureuse avec Sartre : en 1939, nous formions un >, configuration sentimentale rare et hasardeuse, qui a été délibérément brisée d'abord par Sartre puis par le Castor en 1940. Cette double rupture, en un moment historique si lourd de menaces pour une Juive comme moi, m'a plongée dans une gro ve et persistante dépression. Telle fut la première cassure. Après la guerre, j'ai néanmoins repris des relations d'amitié avec le Castor. Pendant quarante ans, et jusqu'à sa mort, je l'ai ren- contrée tous les mois. J'avais (encore) confiance en elle. C'est ce qui explique que la lecture des Lettres à Sartre et du Journal de guerre parus en 1990 m'ait fait à nouveau tant de mal. Ce fut la seconde cassure. Leur contenu m'a révélé sous un tout autre visa- ge celle que j'avais aimée toute ma vie et qui m'avait constam- ment abusée. J'y lisais le dépit, la jalousie, la mesquinerie, l'hypo- crisie, la vulgarité. C'est la raison principale qui m'a déterminée à écrire le récit de cette aventure à la fois banale et exceptionnelle. Que Sartre m'ait sacrifiée à sa quête perpétuelle et vaine de séduction pour m'abandonner ensuite sans vergogne, soit. Mais que Simone de Beauvoir serve de pourvoyeuse à son compa- gnon est plus étonnant. Que dire d'un écrivain engagé comme elle dans la lutte pour la dignité de la femme et qui manipula et trompa, sa vie durant, une autre femme ? Ce livre n'assouvit aucune vengeance; il prétend simplement mettre en lumière la vérité sur celle cachée sous le pseudonyme de Louise Védrine.»