22/09/2025
Imagine. Tu as passé des années à enfiler des manteaux qui ne t’appartiennent pas. Des manteaux cousus main par ta famille, par tes amours, par tes profs, par tes patrons. Chaque fois que tu rencontres quelqu’un, tu changes de tissu.
Tu t’en rends pas compte… Pourtant, t’ajustes la couleur, la coupe, tu prends la posture qui plaît, tu souris avec la bouche de l’autre, tu t’inclines comme si tes épaules appartenaient au vent. On appelle ça l’effet caméléon, le faux self... Les psys disent que c’est normal. S’adapter, s’intégrer, être fluide. Le bébé commence par là. Décoder le visage de sa mère, calquer son rire, ses larmes. L’humanité tient debout grâce à ça.
Et puis il y a ce moment où l’adaptation déraille. Où tu deviens tellement habile que tu ne sais plus ce que tu veux, ni même ce que tu ressens. Tu t’imprègnes de tout comme une éponge sale qui ne choisit rien. Le corps frémit à chaque humeur étrangère. Tu entres dans une pièce et tu changes de peau. Tu ressors vidé•e, lessivé•e, coupé•e de ton axe. C’est le crash… Tu deviens l’ombre de ceux que tu rencontres. Tu n’as pas de filtre, tu prends tout :leurs rages, leurs hontes, leurs désirs! Tu dis oui à des choses qui te déchirent. Tu dis non avec un sourire. Tu sais même pas pourquoi ou comment, mais tu le fais!
Certains appellent ça hyperempathie, d’autres trauma, d’autres TSA (autisme). Les noms comptent peu. Ce qui compte c’est cette sensation de disparaître dans la foule, de se nier pour survivre, de s’oublier dans la peur qu’on ne t’aime plus si tu respires trop fort. Tu deviens ton propre cambrioleur. Tu te voles toi même mon vieux • ma vieille!
Puis un jour tu commences l’autre chemin. Le travail d’individuation. T’enlèves les manteaux un par un. Le premier tombe, il fait froid. Le deuxième tombe, tu trembles. Le troisième tombe, tu crois crever. Tu découvres que tu n’as plus autant d’amis, que tes soirées rétrécissent, que certains liens se dissolvent comme de la craie sous la pluie. L’élagage fait mal. Tu te demandes si tu n’es pas en train de creuser ta tombe sociale. Et pourtant, sous la pile de manteaux et le (beau) makeup, il reste quelqu’un. Toi.
Toi sans les reflets.
Toi sans les grimaces d’emprunt. Toi sans la peur de déplaire.
Alors le monde change. Tu rencontres moins de gens, mais les conversations respirent. Tu ne remplis plus les silences par devoir. Tu commences à enfin manifester ton ipséité (identité personnelle, individualité). Tu marches plus léger•e. La vie prend une saveur de simplicité presque indécente. C’est vraiment bon! On t’avait vendu la complexité comme une preuve d’intelligence. En vérité, la clarté est une arme tranchante. Elle coupe les illusions, elle coupe les faux-semblants.
Être soi, ce n’est pas une revendication. C’est un retour. C’est un feu calme. Tu n’as plus besoin de mille manteaux pour avoir chaud. Tu découvres que ta peau suffit. Que ta voix suffit. Que ton regard est entier. Et alors, enfin, tu respires sans filtre. Tu laisses tomber le mimétisme comme une vieille habitude. Tu n’es plus l’écho de quelqu’un d’autre. Tu deviens la présence qui ne cherche rien.
Dans cette nudité, il y a la plus grande élégance : la simplicité de vivre ! " Auteur inconnu" photo : Ana Nobrega
Ce texte fait tant réfléchir,
Belle journée,
Laetitia 🐝
Laetitia Tinor - Butineuse de bonheur