05/23/2025
🔵Un excellent article de Mylène Moisan, avec André Audet, dans le Soleil, qui dénonce l'iniquité en matière d'accès à des pompes à insuline au Québec.🔵
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"CHRONIQUE / Il existe au Québec un formidable programme qui permet aux diabétiques de type 1 de ne pas avoir à payer pour vivre plus normalement grâce à une petite pompe à insuline qui s’occupe de jongler avec le taux de glycémie et qui, en plus, réduit les effets collatéraux du diabète.
Ah oui, un hic, il faut avoir eu son diagnostic avant 18 ans.
Sinon, tant p*s.
André Audet fait partie des «tant p*s», il avait la mi-trentaine quand il a appris, en 2002, qu’il était atteint du diabète, d’abord identifié de type 2. «Ils m’ont mis sur l’insuline à partir de 2008. Mais de 2008 à 2015, ma glycémie était difficile à stabiliser. J’ai vu une endocrinologue, elle m’a dit: “finalement monsieur Audet, vous êtes un diabétique de type 1”.»
La nuance est importante parce que, depuis 2011, le Québec a mis sur pied ce fameux programme de remboursement des pompes à insuline pour ce diabète-là. Non seulement le programme ne couvre pas ceux qui, comme André, ont reçu leur diagnostic passé 18 ans, mais il écarte aussi ceux l’ayant reçu avant 18 ans, avant 2011.
«Moi, je tombe dans la craque. Eux autres sont tombés dans une double craque.» Depuis 14 ans, donc, ceux qui reçoivent leur diagnostic une semaine avant leurs 18 ans ont une pompe gratuite jusqu’à la fin de leurs jours, ceux qui le reçoivent une semaine après doivent payer toute leur vie. «S’il n’y avait pas de programme, c’est tel que tel, tout le monde la paierait. Mais là, il y a comme deux classes de diabétiques.»
Ça fait un paquet de monde, il y aurait au moins entre 15 000 et 20 000 personnes tombées dans les craques, peut-être plus.
«Plus de 70 % des nouveaux diagnostics concernent des personnes de plus de 17 ans», a exposé le Collectif pour la fin de la discrimination selon l’âge dans un mémoire déposé cette année dans le cadre des consultations prébudgétaires.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, fait la sourde oreille.
Il n’accuse pas seulement une fin de non-recevoir à André et aux autres, il ignore carrément les recommandations de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) qui guide habituellement le gouvernement dans sa prise de décision, à savoir si un service doit être couvert ou pas. Sur les pompes, l’INESSS est sans équivoque: «Les mêmes critères d’accessibilité devraient s’appliquer à la population adulte», a-t-on tranché en mai 2022.
Plus encore. «Les membres rappellent que l’équité est une valeur importante pour la société québécoise. Ils sont d’avis que la population diagnostiquée à l’âge adulte fait face à plusieurs défis qui sont les mêmes que ceux rencontrés par la population pédiatrique, sans toutefois avoir accès aux mêmes conditions de remboursement d’une pompe à insuline.»
J’en entends certains maugréer, «c’est bien beau l’équité, mais ça va coûter cher», c’est d’ailleurs l’argument du ministre.
Ça, c’est l’argument à courte de vue qui fait fi de la «réduction des complications à long terme», nuance l’INESSS, le diabète ayant la fâcheuse manie de s’attaquer de façon pernicieuse aux yeux, aux reins, au cœur entre autres. Un diabète mieux contrôlé est une économie nette pour notre système de santé, ça devrait entrer dans le calcul.
André en sait quelque chose, il s’est retrouvé deux fois aux soins intensifs. «Il s’accumule des déchets dans ton système, dans ton sang, des déchets qu’on appelle des cétones. Quand ils viennent trop hauts, à un moment donné, tu perds le cap. Tu as de la misère à respirer, tu deviens confus, tu te ramasses aux soins intensifs à ce moment-là. Puis, moi, j’en ai fait deux, des acidocétoses. Tu te dis, “si ça m’arrive, je vais être capable de contrôler ça”, mais quand ça arrive vraiment, c’est plus toi qui décides, c’est le diabète.»
Depuis qu’il a eu sa pompe en 2018, ça n’arrive plus.
La pompe a changé sa vie. «La charge mentale d’un diabétique de type 1, c’est extrêmement, extrêmement sollicitant.» C’est de toujours calculer, toujours ajuster l’insuline en fonction des taux de glycémie, toujours jouer au yo-yo.
Pour avoir sa pompe, André doit la budgéter à même ses «deux petites rentes» à peu près 5000 $ par année.
«La pompe coûte 6300 $, elle est garantie cinq ans, et ça me coûte 3600 $ par année pour la faire virer. Si on répartit ça sur cinq ans, ça fait 5000 piastres par année de ma poche que je dois payer de façon récurrente.»
André a été pendant 28 ans technicien en loisirs pour les personnes âgées, il a dû arrêter pour des raisons de santé. «J’adorais mon travail.»
Les 5000 $ qu’il doit mettre de côté pour payer sa pompe, c’est l’argent qu’il n’a pas pour s’offrir de petits plaisirs. «Il y a une discrimination terrible. Il y a un individu à côté de moi, qui est un adulte, qui reste dans la même province que moi, qui a la même maladie que moi, mais lui, ça lui coûte zéro p*s une barre.»
Juste à cause du moment où le diagnostic est tombé.
En plus, s’il habitait en Ontario, en Nouvelle-Écosse ou au Yukon, il n’aurait pas ce problème-là, comme l’écrit l’INESSS dans son rapport de 2022. «Le Québec est la seule province canadienne qui couvre uniquement l’accès aux systèmes de pompes à la population pédiatrique.»
Société distincte, va."