09/09/2025
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Geneviève Henault
17 août, 13:29
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Sur l'appétence de la droite pour les neurosciences. François Gonon, neurobiologiste et directeur de recherche émérite au CNRS, livre ici une interview passionnante, menée par Thomas Lepoutre.
Après avoir exposé la tendance à l'embellissement de résultats dans des études initiales, repris par les médias qui ne rapportent que très peu les études infirmant l'hypothèse testée, Gonon fait l'hypothèse que l’inégalité des chances est justifiée par les neurosciences - je cite :
« notamment en transformant en déficit cérébral tous les problèmes d’apprentissage, qui sont effectivement beaucoup plus fréquents chez les enfants défavorisés, comme la dyslexie ou le TDAH. »
De là, la dimension politique de l'instrumentalisation des neurosciences apparaît évidente :
« On pathologise un problème parce qu’on ne veut pas voir que le problème est social. Mais est-ce que ça ne fait pas, finalement, de la neuroéducation l’instrument des politiques de droite ? C’est une formule un peu provocatrice, mais pourquoi les discours politiques de droite mettent-elles en avant les neurosciences ? Au fond, qui bénéficie du discours des neurosciences ? »
Il explique l'impact du discours des neurosciences sur l'enseignement :
« ce sont d’abord les enseignants qui travaillent dans les quartiers favorisés qui se saisissent de ces concepts de TND, plus que ceux travaillant dans des quartiers défavorisés. Si bien que dans les collèges des quartiers favorisés, ou les collèges privés, 5 % des enfants ont un aménagement pour les examens en raison de leur TND, alors que dans les collèges les plus défavorisés, en REP (réseaux d’éducation prioritaire), c’est seulement 2 %. (...) Il y a donc bel et bien un discours neuroscientifique qui bénéficie inégalement aux gens, selon le positionnement social de chacun. »
Puis sur les personnes concernées par la souffrance psychique :
« Aujourd’hui, à peu près les deux tiers des habitants sont persuadés que les troubles mentaux sont des maladies du cerveau d’origine plus ou moins génétique. Qu’est-ce que ce neuro-essentialisme produit ? Deuxièmement, si certains patients s’en trouvent mieux et se sentent déculpabilisés (« c’est pas ma faute, bon d’accord »), d’un autre côté, le pronostic intime qu’ils se forgent devient : « je ne vais jamais guérir ». (...) L’effet est contre-thérapeutique ; lorsque dans une grosse étude avec des patients déprimés vous regardez quelles conceptions ils se font de leurs problèmes avant le traitement, qu’ensuite vous prescrivez un traitement antidépresseur et vous regardez qui s’en porte mieux, il se trouve que ceux qui s’en remettent aux médicaments guérissent moins bien que ceux qui adhèrent à une conception plutôt environnementale ou psychogène ! »
Et sur les soignant·es :
« il existe aussi des études démontrant que lorsque les soignants adhèrent à cette conception neuro-essentialiste, ils sont moins empathiques, ce qui n’est pas bon pour la relation thérapeutique »
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François Gonon est directeur de recherche émérite au CNRS, rattaché à l’Institut des maladies neurodégénératives (Université de Bordeaux). Neurobiologiste de formation, il a consacré trente-cinq ans à l’étude de la neuro-transmission, puis a orienté ses recherches vers l’analyse c...