05/03/2024
Parfois, le passage de l’adolescence peut être difficile pour nos jeunes. Mettre des mots sur les maux aide à y voir plus clair 🌈✨
L’ADOLESCENCE OU LE DEUIL DES POSSIBLES.
"A quinze ans, j’étais fatigué de vivre. Sans doute faut-il être si jeune pour se sentir si vieux…
De quoi souffre-t-on à quinze ans?
De ça, justement: d’avoir quinze ans. De ne plus être un enfant et pas encore un homme. De nager au milieu du fleuve, une rive quittée, l’autre non rejointe, buvant la tasse, coulant, remontant, luttant contre les tourments du courant avec un corps nouveau qui n’a pas fait ses preuves, seul, suffoqué.
Violents, mes quinze ans, rudes. La réalité frappe, entre, s’installe et trucide les illusions. Gamin, je pouvais me rêver mille destinées - aviateur, policier, prestidigitateur, pompier, vétérinaire, garagiste, prince d’Angleterre -, m’imaginer de nombreuses apparences - grand, fin, trapu, musclé, élégant -, me doter de talents variés - les mathématiques, la musique, la danse, la peinture, le bricolage -, m’attribuer le don des langues, la facilité pour le sport, l’art de la séduction, bref, je pouvais me déployer dans tous les sens puisque je n’avais pas encore de réalité. Qu’il était beau l’univers, tant qu’il n’était pas vrai… Quinze ans, voilà que mon champ d’action se rétrécissait, les possibles tombaient comme des soldats à la guerre, mes rêves aussi. Charnier. Massacre. Je marchais dans un cimetière de songes."
(Ma vie avec Mozart - Eric-Emmanuel Schmitt)