
16/07/2025
Je vous partage ci-dessous ma nouvelle newsletter, intitulée "au fond de mon jardin". Une réflexion et un partage d'expérience sur l'art de s'informer sans s'intoxiquer.
"Les informations que nous recevons des journaux, en grande partie, n'apprennent rien à notre intelligence profonde." Henry David Thoreau
Il y a cette mare en bas de mon jardin, à l'orée de la forêt. Trois présences y nagent depuis quelque temps — trois flammes liquides que j'ai appelées Bouddha, Dharma et Sangha — comme si ce petit écosystème ne respirait pas déjà suffisamment le sacré.
Bouddha porte le noir de l'encre divine, éclaboussé d’orange comme si le soleil l’avait embrassé par surprise. Il est d’une beauté qui saisit, de cette beauté qui nous rappelle que nous avons oublié de regarder. Dharma brûle rouge — rouge sang, rouge coquelicot, d’un rouge qui témoigne de l’intensité du Vivant. Et Sangha, lui, c’est l’or en mouvement, l’or de septembre, l’or du miel et des cheveux de mon fils.
Ils jouent entre les nénuphars — ces fleurs qui ont appris à marcher sur l’eau — et les iris, qui se tiennent droits comme des sentinelles végétales. Ils chassent les larves invisibles, se poursuivent avec cette gravité joyeuse des êtres qui savent vivre. Parfois ils se disputent, comme nous tous, pour des riens qui sont tout.
L’autre jour, un crapaud est venu. Un petit prince marron qui s’est posé avec flegme au bord de leur royaume. Et les libellules — incroyables ces libellules ! — elles viennent danser leur danse de soie et de lumière, surtout celle aux reflets violets, qui invente des ballets que seuls les esprits de l’eau semblent pouvoir comprendre.
Cette mare, c’est un monde entier qui tient dans une cuvette d’eau. C’est l’univers qui se souvient de ce pour quoi il est advenu.
Voilà. J’avais envie de vous donner des nouvelles de la mare qui dort au fond de mon jardin, parce que je crains que les journaux ne s’en fassent pas l’écho — bien que cela me paraisse fondamental.
Oui, c’est fondamental de témoigner de cette vie extraordinaire qui émane de ce modeste trou d’eau, tout comme de celle qui se déploie dans l’intimité des jardins, dans les gestes tendres des amoureux, les cris des maternités, les rires des salles de spectacle, et tant d’autres lieux encore.
Je ne sais comment cela se passe pour vous, mais pour ma part, je ne sais plus très bien comment m’informer. Je reste convaincu de l’importance de rester attentif aux événements du monde : cette conscience nourrit notre sentiment d’appartenance à la grande communauté humaine, et entretient la flamme de la compassion.
Mais je constate aussi qu’il devient de plus en plus difficile de trouver une information simple, fiable, sans agenda caché — une information qui ne cherche ni à diviser ni à saturer, mais simplement à éclairer.
Alors je me suis fixé quelques repères, que je partage ici avec vous :
La sobriété : je n’ai pas besoin de tout savoir. 15 minutes par jour me suffisent pour rester relié sans me laisser submerger. Un peu plus si je veux approfondir un sujet.
L’impact intérieur : je m’interroge sur ce que l’information produit en moi. Est-ce qu’elle nourrit mon amour et éclaire mon action pour le monde ? Ou bien est-ce qu’elle effracte ma conscience, excite ma haine et me contracte dans l’impuissance ?
La double écoute : j’apprends à équilibrer l’écoute extérieure (celle des médias) avec une écoute plus subtile, plus intérieure. J’apprends à me fier à ce que mes sens — visibles et invisibles — me transmettent. Dans le silence, je m’exerce à ressentir les frémissements du monde. Je n’excelle pas encore, mais je progresse.
Et surtout, la vérité vécue : dans mon expérience directe, non médiatisée, ce qui se passe dans la mare au fond de mon jardin possède pour moi plus de vérité — une vérité phénoménologique, dirait-on — que ce qui m’est rapporté de l’autre bout du monde. Cela ne nie en rien ce qui se passe ailleurs, mais cela m’invite à ne pas laisser ces récits lointains éclipser la beauté toute proche, que seul mon regard peut révéler.
Il ne s'agit pas de se replier sur soi, mais de cultiver une ouverture différente — une ouverture choisie, capable d’inspirer l’action depuis un lieu de calme et de présence, plutôt que depuis la réactivité ou le tumulte des émotions.
Plus que des flux d’information en continu, c’est peut-être de cela dont le monde, au fond, a vraiment besoin : apprendre à regarder comme on écoute, avec lenteur, attention et amour.
Et vous, comment faites-vous pour rester ouverts au monde sans vous y perdre ? Comment naviguez-vous dans ce flot d’informations souvent imposées, parfois étouffantes ?
Je serais heureux de lire vos façons de faire, vos doutes, vos ajustements. N’hésitez pas à partager en commentaire ci-dessous !
Johann Henry
Psychologue, formateur, superviseur et auteur
Fondateur de Holoniis - Formations et transformations