25/07/2025
🩺 Les AINS : des anti-inflammatoires pas si anodins, surtout chez le sujet âgé
Il est devenu presque "réflexe thérapeutique" dans certains services de prescrire un AINS face à une douleur articulaire, une lombalgie ou même un syndrome grippal. Pourtant, ce réflexe mérite d'être déconstruit, surtout lorsqu’on parle de sujets âgés, fragiles, polypathologiques, polyprescrits… et souvent, insuffisamment hydratés.
🔴 Rein et AINS : une relation toxique
Les AINS inhibent la cyclo-oxygénase (COX-1 et COX-2), ce qui réduit la production des prostaglandines rénales (PGE2, PGI2) responsables de la vasodilatation de l’artériole afférente.
Chez un patient sain, ce mécanisme est souvent compensé.
Mais chez le sujet âgé, ce mécanisme devient vital pour maintenir la perfusion glomérulaire, notamment en cas de :
- hypovolémie (même modérée),
- usage concomitant d’un IEC ou ARA2 (effet "triple whammy" avec les diurétiques),
_ insuffisance cardiaque,
- pathologies vasculaires diffuses (athérosclérose rénale),
- diabète avec néphropathie débutante.
Résultat attendu mais souvent ignoré ?
📉 Diminution du DFG → IRA fonctionnelle → qui peut basculer en nécrose tubulaire aiguë, surtout si le terrain est déjà affaibli.
⚠️ Et ce n’est pas tout : le risque cérébrovasculaire
Une r***e systématique parue dans The BMJ (2011, mise à jour 2022) a confirmé une augmentation significative du risque d’AVC ischémique et hémorragique chez les patients sous AINS, surtout avec :
- DICLOFENAC (CLOFENAL,RAPIDUS,DIVEDO...)(risque ↑ d'AVC hémorragique),
- Rofécoxib et autres coxib ( CELEBREX,CELECOXIB ) (risque ↑ d’AVC ischémique),
- usage prolongé ou à doses élevées.
Mécanisme suspecté :
- élévation de la pression artérielle (surtout avec Naproxène),
- déséquilibre thromboxane A2 / prostacycline,
- vasoconstriction cérébrale et accentuation de la rigidité artérielle.
🧠 Une réalité clinique souvent ignorée :
- Un patient âgé qui prend un AINS pour "arthrose cervicale" développe un AVC après 10 jours de traitement…
- Une femme hypertendue sous diurétique + ARA2 prend un ibuprofène( XYDOL , ANTALFEN) pour une douleur dentaire et revient avec une IRA sévère…
Et pourtant, ces scénarios ne sont pas rares.
👨⚕️ Leçon pour nous, prescripteurs :
🔹 Ce n’est pas parce que l’AINS est "banal" qu’il est "inoffensif".
🔹 L’ordonnance, surtout chez le sujet âgé, est un acte à risque différé.
🔹 Avant de prescrire un AINS, demandons-nous :
- Le patient est-il bien hydraté ?
- Quelle est sa fonction rénale de base ?
- Est-il sous IEC / diurétiques ?
- Existe-t-il une autre alternative (paracétamol, kinésithérapie, infiltration…) ?
- Est-ce un traitement ponctuel ou chronique ?
- Suis-je prêt à suivre la créatininémie dans les jours qui suivent ?
🧪 Pour aller plus loin (à étudier par les collègues) :
- PGE2, PGI2 dans l’autorégulation rénale
- Triple whammy effect
- Clearance de la créatinine vs DFG estimé chez le sujet âgé
- Half-life des AINS chez l’insuffisant rénal
- Impact des AINS sur le débit sanguin cérébral et l’autorégulation
- Stratégies de déprescription des AINS chez les patients .
📌 En résumé :
L’AINS n’est pas un bonbon.
C’est un inhibiteur enzymatique puissant qui peut provoquer, chez un patient âgé, un AVC silencieux ou une insuffisance rénale irréversible.
Prescrire, c’est anticiper.
Et parfois… ne pas prescrire, c’est déjà soigner.