18/12/2023
La personne toxique, c’est moi
Le jour où j’ai réalisé que la personne toxique, c’était moi
Chère lectrice, cher lecteur,
C’est avec joie que j’ai découvert dans Marie-Claire la parution d’un livre de psychologie intitulé : “Le jour où j’ai réalisé que la personne toxique, c’était moi.”
Je trouve ce titre excellent.
Exceptionnel.
Et tellement vrai.
Tellement utile après les tombereaux de titres et les livres sur la toxicité des autres : “Comment repérer les pervers narcissiques ?” “Et si votre meilleure amie était une vampire psychique ?” “5 signes que votre partenaire est toxique” ou encore “Pourquoi votre manager est un sociopathe.”
Oui, ces articles peuvent enseigner des choses utiles. Mais ils peuvent aussi nous pousser à nous victimiser, nous déresponsabiliser, et nous complaire dans une tendance bien ancrée à rejeter la faute sur les autres.
Et pour vous faire une (grosse) confidence, si cet article de Marie-Claire m’a tellement tapé dans l’œil, c’est parce que c’est exactement ce qui m’est arrivé.
Le jour où, moi aussi, j’ai compris que la personne toxique, c’était moi
Il y a maintenant des années, un de mes plus fidèles compagnons a quitté l’équipe, que je pensais pourtant indestructible, de Santé Nature Innovation. Il l’a fait à grand fracas, et bien décidé à prendre sa revanche.
A ma grande surprise, plusieurs de ceux que j’estimais alors être mes meilleurs co-équipiers ont décidé de le suivre. Ils n’éprouvaient manifestement pas la moindre gêne ni regret. Si j’en juge à leurs rires et sourires, c’est avec enthousiasme et soulagement qu’ils sont partis. Ils ont d’ailleurs créé d’autres newsletter de santé naturelle, de toutes sortes, si bien que désormais, la plupart des fois où vous recevez des lettres de santé naturelle, ce n’est plus moi, mais eux.
J’étais en colère et triste. Je m’estimais dépossédé de mon “bébé”. Je m’estimais victime d’injustice.
Je n’avais à la bouche que les mots déception, déloyauté, et même trahison.
“Quand as-tu compris que TU étais le problème ?”
Et puis un jour que je traînais mon amertume près d’une gare aux murs tagués, j’ai lu sur une affichette une question qu’une main anonyme semblait avoir écrite pour moi : “Quand as-tu compris que TU étais le problème ?”
Et en-dessous, une autre main avait écrit la réponse suivante, que je ferai un jour graver sur ma tombe :
“Quand je me suis pris un gros poing dans la figure et que tout le monde a applaudi celui qui m’avait frappé.”
J’ai lu ces mots.
Ils ont mis quelques secondes à traverser mon cerveau.
Je suis tombé à la renverse. Ce graffiti m’a soufflé comme une bombe nucléaire.
Je me suis dit : “Bon sang, c’est mon histoire !!”
Toute ma vie se ré-écrit dans ma tête
En quelques secondes, toute ma vie s’est ré-écrite dans ma tête.
C’était comme une illumination, une conversion, une révolution mentale.
J’ai compris que mon “fidèle” compagnon m’avait mis, symboliquement bien sûr, son poing dans la figure.
J’ai compris que, en quittant Santé Nature Innovation pour aller le rejoindre, les autres m’avaient tout simplement envoyé le message qu’ils étaient d’accord avec lui, et que je méritais mon sort.
J’avais le choix entre continuer à me plaindre et à me victimiser, ou alors commencer à faire, enfin, mon examen de conscience.
Essayer de comprendre pourquoi ces personnes m’avaient trahi. Ou même, plutôt, essayer de comprendre si, vraiment, c’était une trahison, ou si ce n’était pas plutôt une juste réaction, naturelle, logique, normale, face à mon comportement.
Mon cerveau se met à tourner à l’envers
C’est alors que la machine s’est mise en route à l’envers dans ma tête, à rebours du fonctionnement qui avait toujours été le sien :
Au lieu de me servir de mon cerveau pour analyser en quoi j’avais été blessé, trompé, trahi, j’ai commencé à me demander en quoi c’était moi qui avais pu blesser, tromper, trahir.
Au lieu de partir du principe que j’était la victime, je suis parti du principe que j’étais le coupable.
Au lieu de considérer que j’étais tombé sur une personnalité toxique, j’ai commencé à envisager le fait que, la personne toxique, c’était moi.
Une immense bouffée d’air frais entre dans ma vie
Et c’est alors que j’ai ressenti comme une immense bouffée d’air frais qui entrait dans ma vie.
Comme si j’avais toujours vécu dans une cave obscure, et que soudain la porte s’ouvrait pour me permettre d’en sortir, de vivre, de déployer mes ailes.
Car en découvrant que c’est moi qui, le premier, faisait du mal aux autres, j’ai pu découvrir que j’avais la liberté d’agir autrement, de faire d’autres choix et d’influer sur mon destin.
Je ne vais pas écrire toutefois que ce fut un moment uniquement agréable. Quand on réalise qu’il y a, cachés derrière les portes de notre vie, des tas de cadavres dans les placards, et qu’on décide d’ouvrir, ça sent mauvais. Ce n’est pas beau. Ça vous tombe dessus, c’est lourd, ça écrase, et vous ne savez jamais quand ça va s’arrêter. En général, personne ne fait ça sans un solide accompagnement. Il vous faut une ou plusieurs personnes qui vous aident à faire face à toutes les vérités que vous aviez enfouies, et qui ressortent de l’abîme comme des dragons pour vous dévorer tout cru.
Vous vous sentez, bien souvent, comme Hercule qui se bat contre l’Hydre de Lerne et qui, à chaque fois qu’il coupe un tête, en voit trois repousser à la place.
Cela ne s’est pas non plus passé aussi rapidement que je peux l’écrire aujourd’hui. Le processus a duré des mois. J’ai bien souvent eu le rouge qui m’est monté au front, des sueurs froides de honte dans le dos. Voir se briser l’image mirifique que je me faisais de moi-même, comprendre que je pouvais me comporter exactement comme n’importe quel “salaud” ne m’a pas exactement fait rire. Il a fallu apprendre à vivre avec le nouveau Jean-Marc, qui n’était pas du tout aussi formidable que celui avec lequel j’avais vécu jusque-là.
Mais il s’est aussi passé des choses très intéressantes.
Apprendre à vivre avec le nouveau Jean-Marc
Par exemple, j’ai réalisé que, au cinéma, je m’étais toujours assimilé au héros courageux, jamais au méchant.
Quand je regardais le Roi Lion, je me mettais spontanément dans la peau de Mufasa, ou au pire de Simba, jamais dans celle de Scar et encore moins des hyènes.
Quand je regardais Cendrillon, je m’assimilais à la pauvre jeune fille travailleuse et méritante, ou au Prince, pas la belle-mère sadique ni les sœurs jalouses et revêches, qui décrivaient, forcément, les autres (des amies, des cousines, des tantes, des collègues et des voisines…)
Dans Blanche-Neige, je n’étais jamais la Sorcière, ni même un nain maladroit…
Etc.
Je me contentais donc de détester les méchants et de me réjouir de leur destruction, de me moquer des personnages ridicules, sans jamais penser que, en réalité, si souvent dans mon existence, j’avais joué leur rôle.
Je ne réalisais pas que, comme eux, je m’étais pris des pains dans la figure et que cela avait pu faire plaisir aux spectateurs qui avaient pu se dire : “ Bien fait !”, en ayant parfaitement raison de se réjouir de me voir le nez ensanglanté.
Dans les films, nous sommes concernés par tous les personnages, pas seulement les héros
J’ai alors réalisé que, bien entendu, dans tous les contes et films, nous étions concernés par absolument tous les personnages, pas seulement les héros. Chacun des personnages décrit un aspect de notre personnalité, ou plutôt une des nombreuses “sous-personnalités” qui constituent notre personnalité globale.
“Dans les histoires que vous lisez, il y a un gentil et un méchant. Mais dans votre propre histoire, vous êtes le gentil et le méchant”, disait le psychanalyste Carl G. Jung.
Dans la vraie vie, nous ne sommes ni le Chaperon Rouge, ni le loup, mais nous devons choisir, à tout instant, d’être Chaperon Rouge ou Grand Méchant Loup (ou Mère-Grand, ou les parents, ou le Bûcheron…) avec chaque personne que nous rencontrons.
Il n’y a jamais personne qui ait un rôle assigné pour toute sa vie. Nous changeons en permanence de costume pour prendre des rôles plus ou moins glorieux vis-à-vis des personnes que nous croisons.
Et même dans une relation avec une seule personne, nous interagissons à différents niveaux où nous pouvons incarner le rôle de l’ami, l’ennemi, le jaloux, le traître, le sauveur, l’amant, le fou, la reine, le serpent, l’infirmière ou l’institutrice.
Nous pouvons jouer n’importe quel rôle
En fait, nous pouvons incarner tous les rôles décrits dans l’ensemble de la littérature à travers les siècles. Tant est complexe la personnalité humaine (il faut rappeler que notre cerveau est l’objet le plus complexe, de loin, dans l’univers, et qu’il comporte plus de 10 000 milliards de connexions neuronales, ou synapses, par cm3).
Quelqu’un qui serait, par nature, toujours gentil, toujours la bonne poire, avec tout le monde quoi qu’il arrive, non seulement ne serait pas humain, mais serait aussi conduit de toute façon à faire le mal.
Cendrillon a des aspects sombres
C’est ce qui arrive à Cendrillon.
Dans son désir d’être “gentille” avec le chat Lucifer, elle le laisse martyriser son chien sans le défendre. Elle ferme les yeux (volontairement, par manque de courage) sur des sournoiseries qui révoltent le spectateur.
A force de s’occuper des robes de ses sœurs, elle est conduite, en toute inconscience, à laisser faire les petites souris et les oiseaux pour faire la sienne, ou à laisser sa marraine se débrouiller pour lui procurer un carrosse pour aller au bal (heureusement, sa marraine est une fée, et n’a qu’à donner un coup de baguette magique…)
Ou encore : à force d’être trop bonne avec ses sœurs et sa belle-mère, elle laisse commettre contre elle-même des injustices qui pèseront sur le destin du Prince qui l’aimait.
Comment j’ai découvert que j’étais un homme libre
En prenant conscience de ma responsabilité et même, j’ose le terme, de ma culpabilité, j’ai compris que je n’étais pas uniquement le jouet passif de tous les méchants qui étaient autour de moi.
Que, à y regarder de plus près, la première personne responsable des difficultés dans lesquelles je me trouvais, c’était moi.
Et que donc, j’avais la possibilité de me sortir du cercle infernal où je vivais, et où il finissait toujours par m’arriver la même chose.
J’ai compris, donc, que j’étais un homme libre. Que j’avais la possibilité d’éviter de me comporter de la façon qui allait pousser les personnes de mon entourage à me détester puis à me fuir.
Ne pas vivre au pays des Bisounours
Bien entendu, ce que j’ai découvert sur moi-même vaut aussi pour les autres. Eux aussi ne sont pas forcément James Bond qui veut sauver le monde, et peuvent jouer le rôle du méchant qui veut le détruire.
Il arrive donc d’être réellement victime des autres, et il faut savoir alors le repérer, si possible à l’avance, et se tenir à distance des personnalités toxiques.
On ne vit pas chez les Bisounours.
Mais le fait est que nous n’avons pas de télécommande pour changer les autres. Il ne sert à rien de passer toute sa vie à décortiquer tout le mal qui nous entoure. La tâche est si grande que nous n’y arriverons jamais de toute façon. Et il ne sert à rien d’expliquer à quelqu’un comment changer, car personne ne changera s’il ne décide pas lui-même de le faire.
La seule personne sur laquelle nous avons du contrôle, et encore un contrôle limité seulement, c’est nous-mêmes. C’est pourquoi notre intelligence est tellement mieux utilisée à nous observer nous-mêmes, pour comprendre ce que nous faisons et qui mérite d’être corrigé, qu’à analyser les autres.
Le message d’une “drama queen” repentie
Dans l’article de Marie-Claire que je citais au début, on peut lire :
“Mal-être durable et profond, relations amoureuses chaotiques, mésaventures permanentes doublées d’un sentiment d’être en seule face au reste du monde : après avoir passé les deux tiers de sa vie convaincue bec et ongles que personne ne lui voulait du bien, celle qui se décrit aujourd’hui volontiers comme une drama queen repentie réalisa, un beau jour, à la faveur d’une rupture amicale, qu’elle est en réalité elle-même son meilleur ennemi.
“Un jour, c’est une amie qui me dit 'je vais couper les liens avec toi car tu es toxique', raconte Christine Berrou en marge de la promotion de son livre. “Et je ne pouvais même pas lui en vouloir car son argumentaire était plutôt clair et crédible", se souvient-elle avec humour.
Et de donner une liste des comportements qu’elle a soudain repéré, chez elle-même (j’aurais pu, à peu de choses près, faire la même liste pour moi) :
Râler tout le temps ou faire preuve d’un sarcasme à toute épreuve,
se placer au centre de l’attention (surtout pour se plaindre),
se révéler incapable de se réjouir du bonheur des autres ;
prendre un malin plaisir à mettre de l’huile sur le feu face à des situations conflictuelles ;
mentir pour grossir le trait tout en médisant dans le dos d’untel ou unetelle,
exceller dans l’art de la mauvaise foi ;
ruminer non-stop ;
voir le mal absolu partout y compris dans la gentillesse ;
sur-anticiper la trahison ou l’arnaque…
Hé oui, hé oui, hé oui, hé oui…
Alors quand je pense à mon ex-collègue qui m’a mis son poing dans la figure, j’ai juste envie de lui dire un immense… merci.