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08/02/2025

HENRI MICHAUX (1899~1984)

Je suis né troué

Quito, 25 avril.

Il souffle un vent terrible.
Ce n’est qu’un petit trou dans ma poitrine,
Mais il y souffle un vent terrible,
Petit village de Quito, tu n’es pas pour moi.
J’ai besoin de haine, et d’envie, c’est ma santé.
Une grande ville, qu’il me faut.
Une grande consommation d’envie.

Ce n’est qu’un petit trou dans ma poitrine,
Mais il y souffle un vent terrible,
Dans le trou il y a haine (toujours), effroi aussi et impuissance,
Il y a impuissance et le vent en est dense,
Fort comme sont les tourbillons.
Casserait une aiguille d’acier,
Et ce n’est qu’un vent, un vide.
Malédiction sur toute la terre, sur toute la civilisation, sur tous les êtres à la surface de toutes les planètes, à cause de ce vide !
Il a dit, ce monsieur le critique, que je n’avais pas de haine.
Ce vide, voilà ma réponse.
Ah ! Comme on est mal dans ma peau !
J’ai besoin de pleurer sur le pain de luxe, de la domination, et de l’amour, sur le pain de gloire qui est dehors,
J’ai besoin de regarder par le carreau de la fenêtre,
Qui est vide comme moi, qui ne prend rien du tout.
J’ai dit pleurer : non, c’est un forage à froid, qui fore, fore, inlassablement,
Comme sur une solive de hêtre deux cents générations de vers qui se sont légué cet héritage : « Fore... Fore. »
C’est à gauche, mais je ne dis pas que c’est le cœur.
Je dis trou, je ne dis pas plus, c’est de la rage et je ne peux rien.
J’ai sept ou huit sens. Un d’eux : celui du manque.
Je le touche et le palpe comme on palpe du bois.
Mais ce serait plutôt une grande forêt, de celles-là qu’on ne trouve plus en Europe depuis longtemps.
Et c’est ma vie, ma vie par le vide.
S’il disparaît, ce vide, je me cherche, je m’affole et c’est encore p*s.
Je me suis bâti sur une colonne absente.
Qu’est-ce que le Christ aurait dit s’il avait été fait ainsi ?
Il y a de ces maladies, si on les guérit, à l’homme il ne reste rien,
Il meurt bientôt, il était trop t**d.
Une femme peut-elle se contenter de haine ?
Alors aimez-moi, aimez-moi beaucoup et me le dites,
M’écrivez, quelqu’une de vous.
Mais qu’est-ce que c’est, ce petit être ?
Je ne l’apercevrais pas longtemps.
Ni deux cuisses ni un grand cœur ne peuvent remplir mon vide.
Ni des yeux pleins d’Angleterre et de rêve comme on dit.
Ni une voix chantante qui dirait complétude et chaleur.

Les frissons ont en moi du froid toujours prêt.
Mon vide est un grand mangeur, grand broyeur, grand annihileur.
Mon vide est ouate et silence.
Silence qui arrête tout.
Un silence d’étoiles.
Quoique ce trou soit profond, il n’a aucune forme.
Les mots ne le trouvent pas,
Barbotent autour.
J’ai toujours admiré que des gens qui se croient gens de révolution se sentissent frères.
Ils parlaient l’un de l’autre avec émotion : coulaient comme un potage.
Ce n’est pas de la haine, ça, mes amis, c’est de la gélatine.
La haine est toujours dure,
Frappe les autres,
Mais racle ainsi son homme à l’intérieur continuellement.
C’est l’envers de la haine.
Et point de remède. Point de remède.

(« Ecuador », 1929 © Gallimard)

08/02/2025

« La Métamorphose » de Franz Kafka : Un miroir troublant de notre propre existence

Ce chef-d'œuvre n’est pas simplement l’histoire d’un homme qui se réveille transformé en insecte ; c’est une plongée vertigineuse dans l’aliénation, l’identité et l’absurdité de la condition humaine. Kafka ne se contente pas de raconter une métamorphose physique, il nous confronte à une question qui transperce l’âme :

Jusqu’où va notre humanité lorsqu’on cesse de répondre aux attentes des autres ?

Pris au piège de son nouveau corps, Gregor Samsa n’est plus seulement un personnage : il devient le symbole de cette sensation oppressante que nous éprouvons lorsque la vie nous arrache tout ce qui nous donnait un sens. Qui n’a jamais ressenti cette étrange déconnexion avec soi-même, cette impression d’être un étranger dans sa propre peau ? Gregor incarne cette angoisse profonde. En se transformant, il ne perd pas seulement son statut social ; il perd sa place dans le monde, et plus déchirant encore, dans le cœur de sa propre famille.

Kafka et l’isolement existentiel

Incapable de se faire comprendre, incapable d’être accepté, Gregor est la parfaite illustration de ce que Jean-Paul Sartre exprimait en une phrase implacable : « L’enfer, c’est les autres. » Son esprit reste humain, mais son apparence le condamne à l’oubli. Son isolement ne se limite pas à l’espace de sa chambre close ; il devient une blessure existentielle, une solitude qui hurle dans le silence.

L’absurde selon Kafka et Camus

Pourquoi Gregor se transforme-t-il en insecte ? Kafka ne nous en donne aucune explication, et c’est là tout son génie. La vie, elle aussi, est souvent dépourvue de sens, et c’est cette absurdité qui la rend si vertigineuse, comme l’aurait dit Albert Camus. Au lieu de chercher une justification, Gregor tente de s’adapter… mais le poids de l’absurde finit par l’écraser. Et nous ? Ne faisons-nous pas la même chose, jour après jour, en affrontant une réalité qui nous échappe ?

La fragilité de l’identité

Le plus cruel, dans cette histoire, ce n’est pas la transformation de Gregor, mais bien la réaction de sa famille. Dès lors qu’il cesse d’être utile, il cesse d’être important. Il cesse même d’être humain. Kafka nous livre ici une vérité brutale : dans un monde qui valorise ce que nous faisons plutôt que ce que nous sommes, nous sommes tous remplaçables.

« La Métamorphose » n’est pas qu’un simple récit ; c’est un coup de poing à l’âme. Un rappel glaçant de la facilité avec laquelle nous pouvons perdre notre lien avec les autres, et avec notre propre humanité. Kafka nous met face à un miroir, et nous force à nous interroger :

À quel point notre identité dépend-elle du regard des autres ? Que reste-t-il de nous lorsque tout ce qui nous définissait disparaît ?

Par Le monde littéraire

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