
15/06/2022
Un des rôles que s'est donné la sophrologie est celui d'intervenir en entreprise pour apprendre aux salariés à gérer leur stress. Logique. Là où il y a du stress et de l'anxiété, la sophrologie peut jouer un rôle. Le problème, c'est quand ces interventions reviennent à expliquer au salarié qu'il est stressé parce qu'il respire mal, à le rendre responsable de son bien être donc de son mal être. Peut-être bien que le stress et l'anxiété sont les réactions saines et normales d'un individu qui évolue dans un environnement anxiogène et stressant. Peut-être que si le salarié est stressé, ce n'est pas parce qu'il respire mal, mais tout simplement parce que son manager est un co***rd. Peut-être que ce co***rd de manager n'est pas vraiment un co***rd par essence, mais qu'il se comporte comme tel du fait d'un environnement qui le pousse à agir ainsi, du fait d'une hiérarchie qui lui met la pression à lui aussi. Parce que les dividendes ne se dégagent pas d'eux mêmes, magiquement guidés par la mains bienveillante du marché. Parce que la croissance, parce que la compétitivité, parce que la dette, le déficit, l'inflation, parce que blabla bla. Nous sommes anxieux et stressés, nous faisons des burn out et des dépressions parce nous évoluons dans un environnement férocement hostile. Les professionnels du bien être (dont je fais partie) ont donc tout intérêt à se rappeler que, même si apprendre aux individus à travailler sur eux, c'est intéressant et utile, certaines situations, exemplairement celle du mal être au travail, nécessitent de penser le problème non pas individuellement mais structurellement. Les salariés peuvent bien respirer aussi bien qu'ils le veulent, cela ne changera rien à la voracité des actionnaires. Que peut faire le sophrologue contre ça ? Directement pas grand chose. En fait, aucun individu n'y peut grand chose. C'est collectivement que ça doit se jouer. Mais entreprendre une démarche collective, comprendre le fonctionnement de la machine à écraser, en connaître les rouages pour décider ensemble où y balancer un sabot, requiert d'être en pleine possession de ses moyens. Cela requiert une prise de conscience de notre capacité d'émancipation, cela requiert de se remettre des blessures, parfois profondes, infligées par le capital (quand c'est possible). Cela requiert de retrouver notre dignité. Et là-dessus, peut-être bien que la sophrologie a un rôle a jouer.