01/07/2025
🗝La construction du monde : un filtre dans la relation à l’autre
En thérapie de couple, il est fondamental de comprendre que la communication entre deux personnes n’est jamais neutre. Elle est profondément influencée par ce que chacun appelle sa "construction du monde".
Cette expression, empruntée à Mony Elkaïm, neuropsychiatre et figure incontournable de l’approche systémique, désigne la manière singulière dont chaque individu perçoit, comprend et interprète la réalité. Autrement dit, chacun d’entre nous vit dans un monde façonné par son histoire, ses expériences, ses croyances, ses émotions, et le contexte dans lequel il a évolué (familial, culturel, social, professionnel…).
Le constructivisme, courant philosophique auquel Elkaïm se rattache, nous rappelle que notre perception du monde n’est pas un miroir fidèle de la réalité, mais une construction mentale. Comme le disait déjà Kant, nous n’accédons pas directement aux choses en soi, mais à une version construite à travers nos filtres internes.
Ces filtres, ce sont nos croyances, souvent inconscientes, qui orientent notre regard sur le monde. Ainsi, comme le souligne Humberto Maturana : « On ne voit que ce qu’on croit. » Nous projetons sur l’autre – et sur la relation – notre manière de lire le monde, parfois sans en avoir conscience.
Il est important de souligner que la réalité, elle, existe bel et bien. Mais chacun en possède une "carte" différente, une représentation partielle et subjective. Et comme aucune carte ne peut refléter la totalité du territoire, les échanges dans le couple peuvent devenir source de conflits lorsque ces cartes sont trop éloignées… ou qu’on tente d’imposer la sienne à l’autre.
Dans la communication, cela se traduit souvent par des malentendus ou des tensions :
lorsqu’on présente son point de vue comme une vérité absolue,
lorsqu’on confond ce que je ressens avec ce qui est,
ou encore lorsqu’on croit que écouter l’autre revient à être d’accord avec lui.
Ce sont des pièges fréquents que nous explorons en thérapie. Et pourtant, il est possible d’en sortir.
L’enjeu, dans la relation, n’est pas de déterminer qui a raison ou tort, mais de comprendre comment deux visions du monde peuvent coexister. Il ne s’agit plus de choisir entre toi ou moi, mais d’oser le toi et moi. D’accepter que ton point de vue puisse enrichir le mien, sans le nier.
Ce changement de posture invite à passer d’un dialogue défensif à un échange ouvert. Il suppose aussi un travail de décentration : sortir de sa propre carte du monde pour aller à la rencontre de celle de l’autre. C’est un mouvement exigeant, mais profondément réparateur.
Pour faciliter cela, nous utilisons parfois en séance des outils comme le recadrage, qui permet de regarder une situation sous un autre angle, en intégrant plusieurs points de vue. Un exemple simple consiste à remplacer les formulations exclusives (« soit tu as raison, soit moi ») par des formulations inclusives (« tu as ta vision, et moi aussi »).
Je reviendrai plus en détail sur cette technique dans un prochain article. En attendant, je vous invite à observer, dans vos échanges, combien nos différences de perception ne sont pas des menaces… mais des opportunités de rencontre.