02/09/2025
🌸 Lecture
Mon vrai nom est Élisabeth
Un ouvrage poignant, où se mêle une narration intime, une enquête familiale et une investigation historique de ce que fut la psychiatrie au mitan du XXème siècle.
L'auteure nous entraîne dans ses réflexions, interrogations et ressentis viscéraux, la poussant à comprendre le destin de son arrière grand-mère nommée Betsy, diagnostiquée schizophrène, internée durant 17 ans, ayant subie les cures de Sakel et plusieurs lobotomies.
C'est d'abord pour contenir l'angoisse de devenir f***e qu'Adèle Yon se surprend à s'intéresser à l'histoire de cette femme, puis pour comprendre sa colère. Colère qui semble puiser son énergie dans une histoire familiale où les silences et les non-dits semblent avoir permis l'effacement même de l'identité d'un de ses membres : "maman c'était un non-sujet" témoigne l'un de ces enfants. Elle découvre alors comment le poids des fardeaux transmis de génération en génération peuvent parfois expliquer une part bien plus importante que celle des gènes. Le su***de du fils de son arrière grand-mère, relaté dès les premières pages du roman, acte toute l'importance et l'urgence de cette problématique, démontrant s'il en est besoin les répercussions psychologiques graves pour les générations suivantes. "Toutes les femmes de la famille ont des crises d'angoisse vers l'âge de 30 ans, tu verras ça finira par passer" lui confie l'une de ses tantes.
Puis en découvrant peu à peu les véritables raisons ayant entraînées l'internement de son aïeule, l'auteure nous invite à poser le regard sur la pratique de la lobotomie, comme moyen de coercition, de domination et de maîtrise sociale au service d'une société patriarcale. Elle découvre que plus de 80% des lobotomies semblent avoir été pratiquées sur des femmes, et également sur des enfants.
Elle découvre avec horreur, qu'il s'agissait plus d'un moyen pour contenir l'émotivité, de la dissoudre que de guérir l'âme.
Elle découvre que sa grand-mère ne souffrait pas de schizophrénie, qu'il s'agissait d'une femme qui aspirait à une grande liberté.
A ce titre j'ajouterai à cette publication le plaidoyer de Baruk (1954), médecin spécialiste de neuro-psychiatrie, paru dans le bulletin de psychologie, condamnant fermement cette pratique et démontrant la conscience d'une grande part du corps médical de la violence de cette méthode :
" La psychochirurgie peut constituer un moyen détourné de se débarrasser de malades gênants, violents, récalcitrants et récriminants que l'on envoie au neuro-chirurgien. On croit sa conscience en paix parce qu'on a fait une thérapeutique héroïque, là où un peu de patience et de d'attention auraient peut-être mieux réussi !".
Mon vrai nom est Elisabeth - Editions du sous-sol https://share.google/NOQ7V8JvSj7vAvkSW