02/06/2025
"La montée actuelle de l'incertitude géopolitique — marquée par les tensions croissantes entre grandes puissances, les attaques terroristes, l’instabilité économique et la polarisation grandissante des sociétés — nous pousse à poser la question : la paix durable n’est-elle qu’un fantasme ? Alors que le discours civil s’effrite et qu’un climat de peur s’installe, il est essentiel de se rappeler : la paix n’est pas seulement possible — elle est indispensable. Et comme toute compétence, elle peut s’apprendre. Pourtant, cette compétence essentielle est largement absente de nos systèmes éducatifs et du récit dominant.
Une guerre ne commence pas sur un champ de bataille. Elle naît dans l’esprit des gens — d’une menace perçue de « l’autre », de la méfiance, et d’une rupture de la communication. Lorsque la sensibilité et le bon sens disparaissent, le dialogue échoue, et les divisions s’accentuent. Je parle souvent de la guerre comme du Pire Acte de Raison — elle ne reflète pas seulement un échec politique, mais aussi un échec de compréhension humaine.
Quand on analyse même les événements les plus atroces — fusillades de masse, guerres ou attentats — on réalise qu’ils trouvent souvent leur origine dans une solitude émotionnelle ou une fierté déformée, enracinée dans l’agressivité. Les valeurs humaines fondamentales de non-violence et de compassion ont, hélas, disparu de notre langage. Elles ont été reléguées au second plan, voire perçues à tort comme une faiblesse. Mais la compassion est une source de force dynamique qui peut apporter clarté d’esprit et stabilité dans l’action.
Dans les forums internationaux tels que les Nations Unies, nous évoquons souvent la paix et la sécurité d’un même souffle. Si nous nous concentrons sur les stratégies de défense et les budgets militaires, nous devrions également nous pencher sur la résilience émotionnelle et l’empathie. Si une infime partie des budgets de défense était investie dans l’apprentissage de la gestion du stress et des émotions négatives, cela permettrait à des esprits plus lucides de prévaloir lorsque la tension monte. Les politiques fixent la direction, mais ce sont les êtres humains qui bâtissent le monde — seuls des individus épanouis peuvent créer une société véritablement harmonieuse. Voilà le cœur de l’éducation à la paix.
L’éducation à la paix est-elle pour autant pratique ? Absolument.
Depuis cinquante ans, la Fondation Art of Living agit auprès de personnes de tous horizons à travers le monde. Du champ de bataille aux foyers civils, ses programmes, fondés sur des données probantes, favorisent la résilience et soulagent les traumatismes. Ils ont aidé des anciens combattants et des forces de l’ordre à réduire leur anxiété, à mieux dormir et à retrouver un équilibre émotionnel.
La transformation observée chez les détenus dans les prisons du monde entier — aux États-Unis, au Mexique, au Brésil, en Argentine, en Afrique du Sud ou en Inde — est indéniable. Au Danemark, une simple expérience de silence intérieur et de méditation a permis à d’anciens membres de gangs endurcis de devenir des acteurs de changement positif dans leurs communautés. Une chose est claire : derrière chaque coupable, il y a une victime qui appelle à l’aide. Il ne faut pas grand-chose pour faire changer un individu.
Encore et encore, nous avons vu qu’un esprit libre de ses inhibitions et élargi dans sa conscience peut guérir la victime intérieure. Et lorsque la victime guérit, le coupable disparaît — accéder à cet espace intérieur transforme même ceux que l’on croyait perdus.
Après des années de médiation dans certaines des régions les plus tendues du monde, une chose est certaine : un esprit centré s’élève au-dessus du conflit et devient un phare de clarté, de courage et de compassion. C’est précisément pourquoi les personnes en position de pouvoir doivent cultiver le calme intérieur. Cela favorise la présence et la patience — deux qualités essentielles à un dialogue véritable. Lorsque nous sommes fiers de la non-violence, de la compassion et du service aux autres, nous faisons évoluer le récit : de la haine et de la division vers l’amour et l’appartenance.
Cultivons tous ensemble une vision d’un monde plus harmonieux et joyeux — non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les générations à venir. Ce voyage commence en chacun de nous. Et lorsque nous serons suffisamment nombreux à suivre ce chemin, nous ne transformerons pas seulement nos vies… nous redessinerons notre avenir commun."
Sri Sri Ravi Shankar
TIME 03/05/25