12/11/2025
Aníbal Milhais, héros de la Première Guerre mondiale
Dans la poussière du plateau de La Lys, en avril 1918, un nom entra pour toujours dans la mémoire collective du Portugal : Aníbal Milhais, que ses compagnons baptisèrent « soldado Milhões ». Ce surnom naïf, presque affectueux, voulait dire plus que la fortune ou la gloire : il disait la valeur d’un homme, celle d’un simple berger transmontano devenu symbole d’une nation.
Né à Valongo, dans les hauteurs de Murça, Milhais ne possédait ni titres, ni fortune, ni grande instruction. Il tenait du peuple cette simplicité des gestes et cette loyauté de cœur qu’aucune guerre n’efface. Envoyé en Flandre avec le Corpo Expedicionário Português, il découvrit un monde de boue, de gaz et de feu, loin des montagnes pacifiques de Trás-os-Montes. Mais c’est là, dans cet enfer, que le destin plaça son épreuve.
Le 9 avril 1918, la bataille de La Lys surprit les lignes portugaises sous un assaut dévastateur des forces allemandes. Beaucoup tombèrent, d’autres battirent en retraite. Milhais, lui, tint seul sa position avec sa mitrailleuse Lewis, couvrant la fuite de ses camarades pendant des heures. Il tira sans relâche, se déplaçant de trou en trou, repoussant des vagues d’ennemis bien supérieurs en nombre. Quand les munitions vinrent à manquer, il continua d’avancer, isolé, porté par une obstination presque mystique. On le crut mort. Il reparut quatre jours plus t**d, éreinté mais vivant, après avoir sauvé un médecin écossais et traversé un champ inondé.
Lorsque ses supérieurs apprirent son exploit, il fut décoré de la plus haute distinction militaire portugaise, la Tour et l’Épée, et célébré dans tout le pays comme le « soldado Milhões », parce qu’il valait, disait-on, des millions d’hommes. Pourtant, Aníbal Milhais ne se considéra jamais comme un héros. De retour dans son village, il reprit sa charrue, cultiva ses terres, éleva ses enfants, et garda dans le regard cette gravité tranquille de ceux qui ont vu la mort de près.