19/11/2025
Le 18 novembre 1915 naissait le nageur et résistant français Alfred Nakache, qui fut l'une des grandes figures sportives de son temps et qui reste connu comme le « nageur d'Auschwitz ».
Né à Constantine dans une famille juive, il grandit dans cette ville coloniale d'Algérie au sein de laquelle il s'initia à la natation sportive et s'y fit positivement remarquer au début des années 1930. Nous étions alors à une époque où la pratique sportive se structurait de plus en plus avec l'instauration de règlements et avec l'organisation de compétitions officielles qui avaient donné naissance à la plupart des sports que nous connaissons aujourd'hui dans leur version moderne.
C'est ainsi que des championnats de France - d'abord réservés aux hommes - avaient été créés dans divers sports comme l'athlétisme (1888), la gymnastique (1891), le tennis (1891), le rugby à XV (1892), la natation (1899), le cyclisme sur route (1907), le basket (1921) ou le football (1932). Pratiquée par les Hommes depuis l'Antiquité, la natation fut longtemps considérée comme un loisir - avec les bains - qui fit l'objet de plusieurs traités sur « l'art de nager » dès le XVIe siècle, mais elle devint une véritable discipline sportive avec l'organisation de la première compétition locale au Royaume-Uni en 1837 et de la première compétition internationale en Australie en 1858. Celles-ci sont aujourd'hui gérées par une fédération internationale, l'actuelle World Aquatics, depuis 1908.
Alfred Nakache déménagea en Métropole où il devint le nouvel espoir du pays en étant proche de remporter un championnat national à sa première participation avec sa deuxième place lors du 100 mètres nage libre aux championnats de France de 1934, n'étant battu que par Jean Taris (1909-1977) qui était déjà détenteur de multiples records du monde en nage libre et médaillé olympique en 1932. Cette performance lui ouvrit les portes du Racing Club de France - fondé en 1882 - qui était l'un des principaux clubs omnisports du pays et qu'il représenta aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 où il finit 4ème du relais 4x200 mètres nage libre. La natation était, en effet, présente dès les premiers jeux modernes à Athènes en 1896, tandis qu'elle est l'une des disciplines avec le plus d'épreuves.
Alfred Nakache avait ainsi obtenu de nombreux titres et records jusqu'au début des années 1940, malgré les difficultés qu'il devait affronter à cause de ses origines juives. Cela fut particulièrement vrai sous l'Occupation allemande (juin 1940 - août 1944), bien qu'il fût une véritable star, et il finit par être arrêté - à la suite d'une dénonciation - et par être déporté à Auschwitz en janvier 1944. Cependant, les personnes en assez bonne condition physique évitaient les monstrueuses chambres à gaz afin d'effectuer des travaux forcés dans des conditions horribles, et c'est ainsi qu'il avait été affecté à l'infirmerie au sein de laquelle il était régulièrement humilié et torturé par ses bourreaux.
Malgré la surveillance, il existait pourtant de nombreux réseaux de résistance à l'intérieur même des camps comme le Związek Organizacji Woskowej - créé par le polonais Witold Pilecki (1901-1948), interné volontaire - et le Groupe de combat d'Auschwitz. Des soulèvements de prisonniers eurent aussi lieu dans trois centres d'extermination. Alfred Nakache y participa à son échelle en détournant des aliments tout en nageant dans les bassins du camp pour provoquer les gardes, d'où son surnom. Il se trouvait à Buchenwald lorsqu'il fut libéré par l'armée américaine en avril 1945, mais sa femme et sa fille n'eurent pas cette chance puisqu'elles furent malheureusement gazées dès leur arrivée.
Après la guerre, Alfred Nakache retourna dans les bassins et continua d'éclabousser le monde de tout son talent en battant un nouveau record du monde en 1946, en participant aux Jeux olympiques de 1948 - il y était aussi joueur de water-polo - et en portant son immense palmarès à vingt-et-un titres de champion de France qu'il avait obtenu dans diverses catégories de 1935 à 1946. Puis, à la retraite, il ne délaissa pas pour autant sa passion et c'est à la suite de l'un de ses entraînements quotidiens qu'il mourut après un malaise dans le port de Cerbère en août 1983. Il était âgé de 67 ans.