01/08/2025
LE COIN DE L’APOTHICAIRE : épisode 46
Je représente 15 % de la population mondiale, par le passé j’ai souvent été considéré comme une anomalie maléfique, mais suis aussi un atout, j’ai été parfois malmené mais je suis maintenant tranquille, en France du moins, je suis, je suis ?
Je suis gaucher ! Faisons connaissance avec cet anticonformiste.
Certains de nos aînés se souviennent encore douloureusement de la stigmatisation exercée à leur encontre sur les bancs de l’école. Leur tort ? Utiliser leur main gauche pour écrire… Du coup, ils pouvaient subir fort harcèlement jusqu’à la brutalité pour leur faire abandonner ce « vice » et les obliger à écrire avec la main droite...
Pour le monde occidental, on fait remonter l’origine du sort peu enviable réservé au côté gauche à l’interprétation des Écritures de la Bible qui seront, au fil du temps, majoritairement en faveur de la valeur positive de la main droite ; au Moyen-Age, cette main gauche est ainsi considérée comme la main du Diable.
Malgré tout cela, les gauchers vivent plutôt tranquillement jusqu’au 17ème siècle, date à partir de laquelle l’instruction commence à se généraliser, voyant du coup le développement de l’apprentissage de l’écriture ; il devient alors difficile pour eux de cacher cette tendance naturelle. Mais c’est le passage à l’école obligatoire, à la fin du 19ème siècle, qui va entraîner une phase de répression de plus en plus marquée avec mise en place de sévères mesures de correction de cette « déviance ». La 1ère Guerre mondiale va avoir au moins un effet salutaire quand de nombreux soldats reviennent du front amputés de la main droite : ils n’auront d’autre choix que d’utiliser leur autre main valide qui est en quelque sorte réhabilitée. Il faut malgré tout attendre les années 1960-1970 pour que cette stigmatisation d’un autre âge disparaisse (sauf exception…)
De nombreuses expressions ne rendent d’ailleurs pas grâce à ce pauvre côté gauche : se lever du pied gauche, être gauche (autrement dit être maladroit), passer l’arme à gauche (être mort), le mot « sinistre » (du latin sinister, qui est à gauche), par contre être le bras droit de quelqu’un ou bien être adroit.
Pour comprendre le mécanisme qui régit l’usage de la main gauche ou droite, il faut savoir que le cerveau humain est divisé en deux parties : l’hémisphère cérébral droit et le gauche ; on naît et on est gaucher ou droitier selon que l’un ou l’autre de ces deux hémisphères a pris le dessus sur l’autre : ainsi l’hémisphère droit est dominant chez le gaucher et inversement. Or l’hémisphère droit est celui qui régit les mouvements du côté gauche du corps donc la tenue du crayon.
Revanche du gaucher, cet hémisphère héberge également les fonctions d’analyse spatiale et artistique, ce qui explique que les gauchers ont des prédispositions naturelles dans les domaines créatifs comme la musique, l’architecture, la peinture… De même, dans certains sports comme le tennis, l’escrime ou la boxe (où le gaucher se voit attribuer par les droitiers le qualificatif peu flatteur de « fausse patte »), il est avantagé car son temps de réaction serait plus court d’une infime fraction de seconde par rapport à son adversaire droitier.
Enfin gloire suprême, les gauchers ont droit à leur journée internationale, le 13 août. C’est Léonard de Vinci, Angelina Jolie et Kurt Cobain qui s’en réjouissent… ainsi que Curiositophil !
Le mois prochain, l’histoire d’un bois qui ne rouille pas...
Curiositophil