18/04/2024
CORRIGE CAS PRATIQUE -REFUS DE SOINS PAR LA FAMILLE
Une patiente de 65 ans est admise aux urgences de votre hôpital dans un état marqué par une perte de connaissance. Les premiers tests réalisés par l’équipe de garde montrent que la patiente est diabétique et est en train de faire un coma diabétique.
Face à ce diagnostic, comme le recommande le protocole de traitement, le médecin décide faire une perfusion intraveineuse et prescrit une ordonnance contenant du sérum salé et du sérum glucosé.
A la lecture de l’ordonnance, la famille refuse les soins sous prétexte qu'un diabétique ne prend pas de perfusion de sérum glucosé. Ainsi, elle souhaite signer une décharge pour sortir la patiente et l’emmener chez un guérisseur.
La malade décède quelques heures après sa sortie contre avis médical. Un membre de la famille établi à l’étranger décide de porter plainte contre le médecin pour faute médicale.
QUESTION 1
Le médecin doit-il accepter la signature par la famille d’une décharge pour la sortie de la patiente contre avis médical ? Argumentez
RÉPONSE 1
Le médecin ne doit pas accepter la signature de la décharge de sortie contre avis médical par la famille. Il faut savoir que la décharge (Art 6 Charte du malade) est applicable à la personne majeure capable consciente alors qu’ici nous sommes en face d’une personne inconsciente qui ne peut donc donner son consentement.
Face à cette situation où la vie de la patiente est en danger et que la famille s'oppose à ce que les soins nécessaires lui soient fournis, le médecin doit avertir l'autorité judiciaire afin que les dispositions utiles soient prises pour la sauvegarde de la vie du patient. (Art. 26 et 33 Code Déontologie)
Toutefois, le médecin doit éviter d'en découdre avec un patient ou sa famille.
Dans certains pays, la législation prévoit que l'avis de la personne de confiance (Art. L1111-6 du Code de la Santé Publique France) soit pris dans les situations où le patient ne peut pas donner son consentement. Le Sénégal n'a pas encore légiféré dans ce sens.
QUESTION 2
Pensez-vous que le médecin peut être coupable d’une faute ? Argumentez.
RÉPONSE 2
Il y a décès suite à une opposition aux soins par la famille ; ce qui engage leur responsabilité s'il est avéré que la mort est la conséquence du défaut de traitement. La responsabilité du médecin peut être engagé s’il n’avait pas informé l’autorité judiciaire afin que les soins nécessaires puissent être délivrés. Par conséquent, le médecin peut être couple de non-assistance d’une personne en danger pour n’avoir pas informé la justice (Art. 49 code pénal) et de mise en danger de la vie d’autrui pour avoir autorisé la sortie (Art. 307 bis code pénal).
TEXTES REGLEMENTAIRES CITES EN REFERENCE
Article L1111-6 du Code de la Santé Publique (France)
Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment.
Si le patient le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.
Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, ou dans un hôpital des armées ou à l'Institution nationale des invalides, il est proposé au patient de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues au présent article. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation, à moins que le patient n'en dispose autrement.
Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s'assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l'invite à procéder à une telle désignation.
Article 6 Charte du malade
Le malade hospitalisé dans un établissement public de santé peut à tout moment le quitter, sauf exceptions prévues par la loi, après avoir été informé des risques éventuels qu’il encourt et signé une décharge.
Article 26 Code de déontologie médicale
Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec la plus grande attention, sans compter avec le temps que lui coûte ce travail. Il doit faire appel, s’il y a lieu aux conseils les plus éclairés et aux méthodes scientifiques les plus appropriées. Après avoir posé un diagnostic et formulé une thérapeutique, le médecin doit s’efforcer à veiller à l’exécution du traitement, particulièrement si la vie du malade est en danger. En cas de refus du patient, il peut cesser ses soins dans les conditions de l’article 33.
Article 33 Code de déontologie médicale
Le médecin peut se dégager de sa mission à condition de ne jamais nuire de ce fait, à son malade. Il doit s’assurer de la continuité des soins et fournir à cet effet, tous les renseignements utiles.
Article 49 Code pénal
Sans préjudice de l'application, le cas échéant, des peines plus fortes prévues par le présent Code et les lois spéciales, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de 25.000 francs à 1 million de francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, Pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un fait qualifié crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne, s'abstient volontairement de le faire.
Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. …
307 bis Code pénal
« Toute personne qui expose autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi Ou le règlement est puni d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amande de 250.000 francs à 1.000.000 de francs ».
Dr Amadou SOW, docsow@yahoo.fr