13/08/2025
Refuser le mystère
Le mental veut comprendre.
Le Tao se laisse traverser.
Il y a ceux qui pratiquent avec leur cœur.
Et ceux qui veulent tout comprendre avec leur tête.
Ce n’est pas un jugement. C’est un constat.
Le mental occidental adore mettre des mots sur tout.
Classer. Expliquer. Contrôler.
“Pourquoi l’énergie circule comme ça ?”
“Quel méridien est activé dans ce mouvement ?”
“Et à quelle fréquence vibre ce point ?”
Mais plus on avance dans le Nei Gong,
moins ces questions ont d’importance.
Parce que le Tao ne s’explique pas. Il se révèle.
« Celui qui sait ne parle pas.
Celui qui parle ne sait pas. »
— Lao Tseu, chap. 56
Refuser le mystère, c’est croire que le monde peut tenir dans une fiche technique.
Mais la voie du Tao n’est pas une carte. C’est un voyage.
Elle ne se comprend pas : elle s’incarne.
« La Voie n’est pas faite pour être possédée,
mais pour être suivie dans le silence. »
— Livre de la Cour Jaune
Dans la pratique du Nei Gong,
tu n’as pas besoin de tout savoir.
Tu as besoin d’écouter l’invisible.
Tu n’as pas besoin de voir l’énergie.
Tu dois apprendre à te faire traverser par elle.
Comme la flûte vide laisse passer le souffle.
« Le saint homme embrasse le mystère.
Il avance comme s’il ne savait rien.
Et pourtant, tout s’ordonne autour de lui. »
— Tchouang Tseu
Il ne s’agit pas d’être ignorant,
mais d’honorer ce qui dépasse la compréhension.
Là où les lois de l’univers s’écrivent en poésie,
pas en algorithmes.
Dans le Huangdi Neijing, l’Empereur Jaune dit à son médecin Qi Bo :
« Le Sage ne cherche pas à guérir,
mais à harmoniser ce que l’on ne voit pas.
Il soigne l’avant de la maladie. »
C’est là le cœur du mystère :
on agit avant que les choses ne se manifestent.
Et pour cela, il faut entrer dans le monde de l’intuition.
Et le Yi Jing ajoute :
« Le sage ne juge pas les signes, il les contemple.
Il ne cherche pas à deviner,
mais à se rendre disponible au changement. »
Refuser le mystère,
c’est refuser la nature même de la transformation intérieure.
Car ce n’est pas toi qui change.
C’est le Tao qui te transforme, si tu le laisses faire.
Le Lǐ Jì (Livre des Rites) nous enseigne que le rite le plus pur
est celui dans lequel l’intention est claire,
mais l’action reste simple.
Autrement dit :
Ne fais pas pour comprendre.
Fais pour honorer.
« Ce n’est pas l’explication qui sauve,
c’est la confiance silencieuse. »
— Mencius
Et c’est souvent là que l’on trébuche.
On pratique pour “obtenir” un résultat.
Mais le Tao n’est pas une méthode.
C’est un lien invisible entre le visible et l’invisible.
Et il n’apparaît qu’à ceux qui ne veulent plus tout contrôler.
« Le Tao, une fois nommé, n’est plus le Tao.
Le nom est la porte de dix mille choses,
mais c’est dans le non-nommé que réside le mystère. »
— Lao Tseu, chap. 1
Alors, oui…
Tu peux lire. Étudier. Te former.
Mais n’oublie jamais de laisser un coin de ton esprit dans l’obscur.
Car c’est là,
dans le mystère,
que le vivant te parle.