18/06/2025
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Réformer, oui. Étouffer, non.
On parle beaucoup des changements imposés aux médecins : plafonnement des suppléments, obligation du tarif conventionné pour les patients bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM), et des règles encore plus strictes en pratique libérale qu’en milieu hospitalier.
Pour eux, c’est nouveau.
Pour nous – kinésithérapeutes, logopèdes, infirmiers, sages-femmes – c’est notre réalité depuis presque toujours.
Nous avons été les premiers à travailler sous ces contraintes :
– Suppléments pour les patients BIM interdits.
– Avantages INAMI réservés aux conventionnés à 100 %.
– Remboursement réduit de 25 % pour les patients de soignants non-conventionnés.
– Conventionnement partiel interdit : c’est tout ou rien.
– Liberté tarifaire de plus en plus encadrée, voire neutralisée.
Et tout cela dans un système qui exige toujours plus, sans offrir les moyens de suivre.
Notre pouvoir d’achat recule, malgré la charge croissante du travail.
L’indexation ne suit plus. Les coûts explosent : loyers, matériel, logiciels, énergie, assurances…
Mais nos honoraires restent figés, nos marges comprimées, et notre liberté professionnelle de plus en plus restreinte.
On prétend défendre l’accessibilité des soins, mais les mesures sont toujours imposées au détriment des prestataires, et sans jamais commencer par mieux contrôler les abus structurels ailleurs.
Résultat : on bride les professionnels sérieux et engagés… tout en laissant passer le reste.
Depuis des années, nous subissons un système qui s’alourdit, se complexifie, et surtout, s’éloigne de la réalité du terrain :
– Digitalisation absente ou dysfonctionnelle (pas d’accords électroniques, facturation numérique quasi impossible, envois papier toujours requis).
– Administration permanente : prescriptions, notifications, rapports justificatifs, nomenclature obsolète…
– Cabinets aux normes exigés même lorsque l’activité se fait principalement au domicile des patients.
Dans ces conditions, peu de kinésithérapeutes indépendants peuvent exercer exclusivement leur métier à temps plein dans le cadre conventionné.
Beaucoup adoptent un statut mixte ou développent des activités complémentaires : cours collectifs, Pilates, ostéopathie, bien-être…
Ce n’est pas toujours un choix de diversification, mais souvent une nécessité pour maintenir un revenu viable.
Ce glissement hors du cadre remboursé traduit une réalité inquiétante : le système ne permet plus de vivre simplement de la kinésithérapie.
Et pendant que les conditions se durcissent, la profession perd en attractivité.
Comment encourager la relève à embrasser un métier exigeant, peu valorisé, mal rémunéré et administrativement étouffant ?
Beaucoup se découragent dès les premières années. D’autres changent de voie ou s’expatrient. Une fuite silencieuse, mais bien réelle.
Ce n’est plus simplement une crise sectorielle.
C’est une crise de cohérence, et de société.
On laisse des abus coûter des millions dans d’autres domaines sans réaction.
Mais étrangler les soins de première ligne ? Ça, on le fait sans hésiter.
Nous ne refusons pas les réformes. Nous refusons de continuer à les subir sans dialogue, sans vision, et sans respect pour les soignants de terrain.
Nous demandons un système de santé cohérent, durable et humain.
Un système dans lequel les professionnels peuvent vivre de leur métier, et soigner dans des conditions dignes.
Nous n’avons plus le luxe d’attendre.
Si rien ne change, ce ne sont pas seulement les soignants qui quitteront le système, mais aussi les générations futures qui n’y entreront plus.
Et au bout de cette chaîne, les patients en paieront le prix :
délais de rendez-vous rallongés, hausse des coûts, accès inégal aux soins…
C’est la santé de tous qui est en jeu.
👉 Nous partageons quelques idées d’actions concrètes en commentaire.
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