16/05/2025
âšGuĂ©rison Familliales âš
« ïżŒAvant de vous parler concrĂštement de ce quâest une Constellation Familiale, jâaimerais vous raconter lâhistoire de Gustave⊠Une histoire personnelle, profonde, qui mâa permis de comprendre Ă quel point nos blessures familiales peuvent traverser les gĂ©nĂ©rations sans quâon en ait conscience.â
Pour clore en partie ce voyage intĂ©rieur, jâai façonnĂ© une couronne de deuil ïżŒen porcelaine que jâai fait cuire chez une cĂ©ramiste ,ïżŒsymbole de mĂ©moire et de paix. Ce geste artisanal mâa permis dâhonorer Gustave et de poser un acte de rĂ©conciliation avec mon passĂ©. ïżŒ
ïżŒâ„ïžGustave.
Lâenfant de la Meuse.
Lâenfant de mon sang.
Il sâappelait Gustave Leclercq.
Il avait 14 ans.
Un fils, un frÚre, un élÚve.
Et un jour glacial de fĂ©vrier 1870, la Meuse lâa pris.
Je lâai entendu pour la premiĂšre fois Ă neuf ans.
Un bruit de couloir. Un secret soufflé sans suite.
« câest le petit qui saitïżŒ noyĂ©. »
On disait quâil avait six ans.
Mais les souvenirs étaient flous, fragmentés.
Et moi, ce nom ne mâa jamais quittĂ©e.
Il a planté une graine.
Et jâai voulu comprendre.
Pourquoi ? Comment ? OĂč ? Ă cause de quoi ?
Je nâai pas lĂąchĂ©.
Jâai fouillĂ©. Longtemps.
Jâai Ă©pluchĂ© les archives, les actes, les journaux, les cartes.
Et peu Ă peu, les piĂšces du puzzle ont pris place.
Ce que jâai dĂ©couvert mâa bouleversĂ©e.
Gustave avait Ă©tĂ© renvoyĂ© de lâĂ©cole pour un simple re**rd.
Ce jour-lĂ , il nâest pas rentrĂ© chez lui.
Il est allé jouer au bord de la Meuse.
On a retrouvé son cartable posé sur la berge.
Plus t**d, en retraçant les archives, jâai retrouvĂ© lâadresse exacte de son domicile et lâĂ©cole quâil frĂ©quentait.
Alors jâai calculĂ©.
à pied, dans le froid de février, il lui fallait environ une demi-heure de marche pour rejoindre sa classe.
Et Ă cette Ă©poque, il nây avait ni gants chauffants, ni manteaux doublĂ©s, ni bus scolaires.
Seulement le vent, la boue, le gel sur les doigts dâun petit garçon qui avançait seul.
Je lâimagineâŠ
Les joues rougies par le froid.
Les mains gelées.
Le souffle qui sortait en vapeur blanche.
Son cartable bien serré contre lui.
Peut-ĂȘtre une miche de pain dans la poche.
Et malgré tout ça⊠il arrive.
Il arrive Ă lâĂ©cole.
Et câest lĂ que mon cĆur se serre.
Car ce qui me dĂ©chire le plusâŠ
Câest dâavoir imaginĂ© tout ce chemin parcouru dans le froid,
avec lâespoir de pouvoir, enfin, se rĂ©chauffer un peu.
Entrer dans une piĂšce plus chaude,
entendre des voix humaines,
sentir que la journée pouvait commencer malgré la fatigue.
Mais non.
Il a été renvoyé.
Il a dĂ» repartir dehors.
Encore une fois seul, transi, puni.
Et puis⊠la Meuse.
On ne saura jamais sâil a glissĂ©, sâil a jouĂ© trop prĂšs du bord, sâil a Ă©tĂ© poussĂ©.
Mais ce que je sais, câest que ce jour-lĂ , il nâavait pas beaucoup de chances.
Lâeau de la Meuse en fĂ©vrier est glaciale.
à cette température, il faut à peine quelques minutes pour que les membres se tétanisent.
Le corps cesse de répondre.
Impossible de se débattre.
La panique sâinstalle.
Le cĆur sâaccĂ©lĂšre.
Et dans le bruit assourdissant de lâeau trouble,
commence lâengloutissement.
Un silence intérieur.
Un cri que personne nâentend.
Un enfant qui se noie dans lâindiffĂ©rence dâun monde trop froid.
Un jour, durant des vacances, jâai participĂ© Ă une journĂ©e de canyoning.
Je me suis lancĂ©e dans lâeau dâun saut.
Jâai ouvert les yeux sous lâeau.
Lâeau Ă©tait trouble. FoncĂ©e. InquiĂ©tante.
Et lĂ âŠ
La panique.
Mon souffle sâest coupĂ©.
Je suis remontée à la surface, haletante, prise dans une peur viscérale.
Mon mari est venu prĂšs de moi.
Il mâa dit doucement :
« Calme-toi. »
Mais je tremblais.
Je pleurais.
Et jâai murmurĂ©, sans comprendre pourquoi :
« Je me noyais⊠je me noyais⊠Câest encore lâhistoire de Gustave. Il est lĂ . »
Je le sentais.
Comme un fantÎme plus petit que moi, tout contre mon épaule.
Il murmurait doucement Ă mon oreille :
« Raconte mon histoire. Cette douleur doit ĂȘtre rĂ©parĂ©e. Tu es la seule Ă pouvoir mâaider. »
Et il avait raison.
Lâan dernier, nous avons dĂ©mĂ©nagĂ©.
Nous avons inscrit notre fils dans une Ă©cole⊠juste en face de la Meuse (coĂŻncidence ?)ïżŒ
Comme Gustave.
Et cette annĂ©e-lĂ , mon fils avait exactement le mĂȘme Ăąge que Gustave.
Et moi, lâĂąge du pĂšre de Gustave quand il a dĂ» enterrer son enfant et dĂ©clarer son dĂ©cĂšs Ă la Commune.ïżŒ
Quelques jours avant de retrouver lâarticle de journal, je passais des nuits terribles.
Je me rĂ©veillais avec une tristesse immense, sans savoir dâoĂč elle venait.
Je répétais à mon fils :
« Ne va pas prĂšs de la Meuse en sortant de lâĂ©cole. Rentre vite. »
Je me fĂąchais.
Je ne comprenais pas pourquoi.
Puis, une nuit, jâai ouvert ma boĂźte dâarchives.
Et jâai vu la date.
Nous Ă©tions Ă deux jours prĂšs de lâanniversaire de la mort de Gustave.
CâĂ©tait une mĂ©moire.
Une onde.
Un cri quâon nâavait jamais entendu.
Cette nuit-lĂ , jâai retrouvĂ© lâarticle.
Et quand jâai lu les mots, jâai su.
Et jâai pleurĂ©.
Pas seulement comme moi.
Mais comme sa mĂšre.
Jâai senti sa douleur me traverser, vive, dĂ©chirante.
Jâai pleurĂ© un enfant qui nâĂ©tait pas le mien,
mais dont lâhistoire Ă©tait ancrĂ©e dans mon sang.
Jâai senti son pĂšre, droit, tremblant, obligĂ© dâavancer,
de signer un acte, dâĂȘtre fort.
Parce que les temps étaient durs,
et que la douleur ne pouvait pas prendre trop de place.
Jâai aussi compris pourquoi je nâai jamais aimĂ© le carnaval.
Il tombait toujours en février.
Mais dans ma lignĂ©e, fĂ©vrier, câĂ©tait le mois du deuil.
Et puis, jâai dĂ©couvert comment on honorait les morts en 1870.
Le corps était posé sur la table à manger.
Les voisins venaient, apportaient Ă manger.
On priait. On veillait.
Des bougies. Des fleurs de lys.
Pas seulement pour la beauté.
Mais aussi pour masquer lâodeur du corps qui commençait Ă se dĂ©composer.
Et ces priÚres, ces veillées, elles duraient souvent une semaine entiÚre.
Plusieurs fois par jour.
On priait avec ferveur, ensemble, en silence ou en larmes.
Pas seulement pour accompagner le défunt.
Mais aussi pour sâassurer quâil trouve la paix.
Quâil ne revienne pas hanter les vivants.
Parce que dans ces croyances anciennes, si le deuil nâĂ©tait pas fait correctement,
si les Ăąmes nâĂ©taient pas apaisĂ©es,
elles pouvaient revenir.
Errer. Sâaccrocher.
CâĂ©tait profondĂ©ment spirituel.
Un mélange de peur, de respect et de foi.
Une maniĂšre de garder le lien avec lâinvisible,
tout en protégeant ceux qui restent.
Ma plus grande dĂ©ception, câest de ne pas avoir de photo de lui.
Mais jâai la chance dâavoir un portrait de ses frĂšres, de ses sĆurs, de ses parents.
Souvent, je lâimagine.
Et parfois, avant de mâendormir, je lui demande de venir me voir dans mes rĂȘves.
Parce que les histoires de famille, quâelles soient joyeuses ou dramatiques,
contiennent des pépites.
Elles nous façonnent.
Elles nous traversent.
Elles nous expliquent.
Aujourdâhui, Gustave repose dans le caveau familial.
Il en a été le premier occupant.
Il a retrouvé sa place.
Et moi, je lâai rĂ©intĂ©grĂ© dans mon arbre gĂ©nĂ©alogique.
Il ne sera plus jamais une rumeur.
Ni une absence.
Il est un nom. Une vie. Une douleur.
Et surtout : une transmission.
Parce que cette histoire, mĂȘme si elle ne mâappartient pas directement,
elle vit dans mon souffle.
Elle palpite dans ma peau.
Elle me traverse.
Et aujourdâhui, je lâhonore.
Pour lui.
Pour moi.
Pour ceux qui nâont jamais Ă©tĂ© Ă©coutĂ©s.
Et peut-ĂȘtreâŠ
Pour vous, qui lisez, et sentez au fond de vous quâil y a aussi,
dans votre lignée, une mémoire oubliée
qui attend quâon lui rende sa voix.
Et aujourdâhui encore, quand je traverse le pont de la Meuse,
je ne peux mâempĂȘcher de mâarrĂȘter un instant.
De fermer les yeux.
De respirer profondément.
Et de murmurer tout bas :
« Je te vois, Gustave. Maintenant, jâai entendu ton histoire. »
đđŒ ïżŒïżŒ Avez-vous dĂ©jĂ eu le sentiment que des schĂ©mas familiaux ou des non-dits influencent encore votre vie aujourdâhui ? đ„
ïżŒSi vous avez aimĂ© mon histoire, ou si elle vous touche, nâhĂ©sitez pas Ă partager la page de Trans-humance đïżŒ
Ă vite â„ïž
Jennifer pour Trans-humance