19/11/2025
Alfredo Zenoni a suivi, au dernier cours de la Section Clinique de Bruxelles, le fil de la notion freudienne de libido à partir du texte « 𝘗𝘳𝘰𝘱𝘰𝘴 𝘥𝘪𝘳𝘦𝘤𝘵𝘪𝘧𝘴 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘤𝘢𝘶𝘴𝘢𝘭𝘪𝘵𝘦́ 𝘱𝘴𝘺𝘤𝘩𝘪𝘲𝘶𝘦 » jusqu’à « « 𝘓𝘢 𝘲𝘶𝘦𝘴𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘱𝘳𝘦́𝘭𝘪𝘮𝘪𝘯𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘢̀ 𝘵𝘰𝘶𝘵 𝘵𝘳𝘢𝘪𝘵𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘱𝘰𝘴𝘴𝘪𝘣𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘱𝘴𝘺𝘤𝘩𝘰𝘴𝘦 ». Voici quelques extraits de ce parcours.
«“𝘗𝘳𝘰𝘱𝘰𝘴 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘤𝘢𝘶𝘴𝘢𝘭𝘪𝘵𝘦́ 𝘱𝘴𝘺𝘤𝘩𝘪𝘲𝘶𝘦” est un texte […] fidèle à ce que Freud avait eu l’occasion de réaffirmer comme le “propre de la psychanalyse”, à savoir la promotion de la notion de 𝘭𝘪𝘣𝘪𝘥𝘰, considérée comme la cause des phénomènes cliniques que la psychanalyse rencontre. »
« Contrairement aux psychiatres et à la psychanalyse américaine de l’époque, dans les années 45-50, Lacan reste dans la ligne de la promotion freudienne de la libido comme dimension proprement 𝘤𝘢𝘶𝘴𝘢𝘭𝘦 des phénomènes psychopathologiques et psychiatriques, même s’il aborde, à l’époque, la libido dans le registre 𝘯𝘢𝘳𝘤𝘪𝘴𝘴𝘪𝘲𝘶𝘦.[…] Freud avait en effet mis en lumière une autre dimension de la causalité des phénomènes qui, sans être de l’ordre d’un accident organique, ni de l’ordre de la pensée, implique le 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 en tant qu’il éprouve, est satisfait ou souffre, ou, pour introduire déjà un terme ultérieur de Lacan, en tant qu’il jouit. »
« Dans “𝘗𝘳𝘰𝘱𝘰𝘴 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘤𝘢𝘶𝘴𝘢𝘭𝘪𝘵𝘦́ 𝘱𝘴𝘺𝘤𝘩𝘪𝘲𝘶𝘦”, même s’il n’a pas encore introduit la triade RSI, Lacan est déjà dans cette dimension spécifiquement humaine, puisque la dimension 𝘪𝘮𝘢𝘨𝘪𝘯𝘢𝘪𝘳𝘦 qu’il met en avant dans la causalité des troubles psychiques est du même ordre que ce que Freud avait isolé avec la notion de 𝘭𝘪𝘣𝘪𝘥𝘰. […] La dimension de l’imaginaire est une dimension libidinale dans la mesure où elle est une reprise de la notion de “narcissisme” introduite par Freud, après celle de pulsion, pour désigner l’état de la libido en tant qu’elle se reporte sur l’individu lui-même ; d’abord sur son corps propre et ensuite sur son moi. (cfr P.116)».
« Le 𝘴𝘵𝘢𝘥𝘦 𝘥𝘶 𝘮𝘪𝘳𝘰𝘪𝘳 permet à Lacan d’accentuer une scission du moi par rapport à lui-même, en même temps que son identification via l’autre. Le moi qui s’aime est une image de soi. Mais comme il se trouve aussi bien différent de cette image de soi, cette image de soi est aussi autre, celle d’un autre que celui qu’il s’éprouve être. Autrement dit, ce qui lui confère une identité est aussi ce qui la lui ravit. »
Freud a repéré, dans cette dimension narcissique de la libido, un moment constitutif, même après avoir déjà introduit les pulsions. Lacan l’a reprise avec la notion de l’imaginaire qui est à la fois une structure, vient à la place de cette prématuration mais qui a aussi une valeur libidinale (P.178) L’imaginaire introduit par Lacan est de l’ordre du narcissisme, de la libido et c’est pourquoi il n’est pas simplement cet imaginaire d’ordre cognitif, mental mais habité par une tension érotico-agressive puisque ce “moi” qui est investi est en même temps “autre que moi, autre que son réel. […] Donc, pour Lacan, c’est la 𝘮𝘦́𝘤𝘰𝘯𝘯𝘢𝘪𝘴𝘴𝘢𝘯𝘤𝘦 𝘥𝘦 𝘴𝘰𝘪 - la connaissance de soi qui est une méconnaissance- et non la conscience, qui est la dimension du 𝘮𝘰𝘪.
Avec le moi, le sujet se voit, se pense, se croit autre qu’il est.”
« Le risque de la folie, dit Lacan, n’est “pas dû à quelques fragilités de l’organisme mais il se mesure à l’attrait même des identifications où l’homme engage à la fois sa vérité et son être”. C’est-à-dire que la folie est une virtualité permanente de la condition humaine, “𝘜𝘯𝘦 𝘧𝘢𝘪𝘭𝘭𝘦 𝘰𝘶𝘷𝘦𝘳𝘵𝘦 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘴𝘰𝘯 𝘦𝘴𝘴𝘦𝘯𝘤𝘦”, dit encore Lacan. […] Cette folie du moi atteint ses formes cliniques lorsque l’identification se produit, dit-il, “sans médiation”. Lorsqu’elle est immédiate. »
« Lacan est à la recherche d’une médiation par rapport à cette identification immédiate.[…] Sa conclusion de “𝘗𝘳𝘰𝘱𝘰𝘴 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘤𝘢𝘶𝘴𝘢𝘭𝘪𝘵𝘦́ 𝘱𝘴𝘺𝘤𝘩𝘪𝘲𝘶𝘦” est que grâce à 𝘭’𝘪𝘮𝘢𝘨𝘦 𝘥𝘶 𝘱𝘦̀𝘳𝘦, un monde de personnes vient remplacer un monde de pur semblable. Puis, se dévoile à lui que la condition humaine est une condition d’𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘭𝘢𝘯𝘵. Avec l’introduction du 𝘴𝘺𝘮𝘣𝘰𝘭𝘪𝘲𝘶𝘦 , un autre statut de cette fonction de médiation dans la libido narcissique s’impose dès lors à lui. »
L’opérativité du symbolique apparaît dans “𝘓𝘢 𝘲𝘶𝘦𝘴𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘱𝘳𝘦́𝘭𝘪𝘮𝘪𝘯𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘢̀ 𝘵𝘰𝘶𝘵 𝘵𝘳𝘢𝘪𝘵𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘱𝘰𝘴𝘴𝘪𝘣𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘱𝘴𝘺𝘤𝘩𝘰𝘴𝘦”, précédé du 𝘚𝘦́𝘮𝘪𝘯𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘓𝘪𝘷𝘳𝘦 𝘐𝘝 qui introduit la notion de 𝘱𝘩𝘢𝘭𝘭𝘶𝘴 autour de laquelle la relation entre l’imaginaire et le symbolique va s’articuler.
« Le 𝘱𝘩𝘢𝘭𝘭𝘶𝘴 occupe une situation à part dans l’imaginaire. C’est une image du corps mais au moment où elle intervient dans la dialectique, elle est négativée en tant qu’image. Il s’agit d’une partie du corps qui incarne en elle-même sa propre négativation. Dès que le phallus apparaît, il disparaît. C’est le point de l’imaginaire qui est caractérisé à la fois par une présence et une absence et qui, par son absence, devient 𝘴𝘪𝘨𝘯𝘪𝘧𝘪𝘢𝘯𝘵 (c’est-à-dire, ce qui reste d’une chose quand il n’y a plus de chose).[…] Rayé en tant qu’image, le 𝘱𝘩𝘢𝘭𝘭𝘶𝘴 devient le 𝘴𝘪𝘨𝘯𝘪𝘧𝘪𝘢𝘯𝘵 𝘥𝘶 𝘥𝘦́𝘴𝘪𝘳 , un semblant qui se répartit entre 𝘭’𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘤𝘩𝘦𝘻 𝘭𝘢 𝘧𝘦𝘮𝘮𝘦 et 𝘭’𝘢𝘷𝘰𝘪𝘳 𝘤𝘩𝘦𝘻 𝘭’𝘩𝘰𝘮𝘮𝘦 . »
« Le phallus permet de désigner l’objet qui symbolise le désir de la mère, qui sinon, resterait énigmatique ou pourrait même s’éclore sur l’enfant comme son objet fantasmatique. Dès lors que le phallus a cette fonction de signification de la trame signifiante qui innerve la vie en constituant un point d’arrêt à la fuite éperdue des signifiants, on peut dire que la signification phallique fonde aussi la croyance en une signification au renvoi indéfini des signifiants l’uns à l’autres. »
« En tant que pur sujet du signifiant, le sujet est mort, barré. La dimension du vivant est alors assurée par la connexion du symbolique avec la libido, réalisée par le phallus. […] Le 𝘱𝘩𝘢𝘭𝘭𝘶𝘴 est la résultante d’une 𝘮𝘦́𝘵𝘢𝘱𝘩𝘰𝘳𝘦 qui superpose le 𝘴𝘪𝘨𝘯𝘪𝘧𝘪𝘢𝘯𝘵 𝘕𝘰𝘮 𝘥𝘶 𝘗𝘦̀𝘳𝘦 sur le 𝘥𝘦́𝘴𝘪𝘳 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘮𝘦̀𝘳𝘦 , (également conçu comme signifiant par son alternance de présence/absence). »
« La médiation que Lacan envisage dans le premier temps de son développement sur la libido, pour que la libido ne soit pas complètement aliénante dans une forme de narcissisme, trouve à s’inscrire au niveau des schémas de 𝘓𝘢 𝘲𝘶𝘦𝘴𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘱𝘳𝘦́𝘭𝘪𝘮𝘪𝘯𝘢𝘪𝘳𝘦, avec la mise en évidence de cette médiation que réalise le phallus entre l’aspect négativant du signifiant et l’aspect vivant de la libido. Cette médiation doit être assurée par la vraie fonction de père, partenaire de la mère, qui n’est pas d’opposer la loi au désir mais d’unir la loi et le désir; condition pour que le sujet “𝘴𝘰𝘪𝘵 𝘪𝘥𝘦𝘯𝘵𝘪𝘧𝘪𝘦́ 𝘢̀ 𝘴𝘰𝘯 𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘷𝘪𝘷𝘢𝘯𝘵”, comme dit Lacan. »
Epinglage réalisé par Sophie Boucquey, participante à la Section clinique de Bruxelles et relu par Alfredo Zenoni.