13/06/2025
Belle, une belle histoire.
Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de Belle, une brebis rousse d’Ardenne. Pas tellement d’un point de vue ostéopathique, je ne vais pas vous exposer de chaîne dysfonctionnelle, mais vous parlez de ressentis, d’émotions et de résultats.
Je pense qu’on a tous, ostéopathe animalier, une histoire comme celle-ci, une histoire qu’on retiendra, une histoire qui fait du bien. On rencontre des cas plus difficiles que d’autres, parfois on essuie des échecs, parfois on culpabilise et on aurait voulu pouvoir faire plus, pour l’animal, pour son propriétaire... mais, il arrive que ce ne soit tout simplement pas de notre ressort.
J’ai été appelée pour Belle, une brebis qui, malencontreusement, s’est emmêlée dans des fils de clôture, elle s’est débattue et fortement étranglée. Elle a été retrouvée quasi à l’agonie avec un garrot autour d’un membre antérieur, au point qu’une fois libéré, celui-ci est resté froid 24h. Après le passage et les soins du vétérinaire, Belle reste couchée et ne parvient pas à se relever. Un week-end passe et la situation ne change pas, Belle ne sait plus se mettre debout, ce qui n’est pas bon signe... C’est là que sa propriétaire décide de m’appeler, une dernière chance pour Belle, brebis de compagnie. Celle-ci me touche, elle me rappelle Lola, ma propre brebis de compagnie que j’ai eue plus jeune, également accidentée. Et je me revois, dans son abri, maintenant une compression sur une plaie béante au niveau de la gorge, poser un regard sur le vétérinaire, ce regard qui dit « Sauvez Lola ».
Dans ces situations, il arrive qu’intérieurement, je panique, surtout quand elle fait émotionnellement écho en moi. Par où commencer ? Comment vais-je faire pour l’aider ? Puis-je seulement l’aider ? Et la réponse est simple, comme pour tous les autres animaux, avec bienveillance et en mobilisant toutes mes connaissances et mon savoir-faire, en faisant de mon mieux. Je me raccroche au protocole appris à l’école, pour me rassurer, pour me donner un cadre, une méthode, une marche à suivre, pour ne rien oublier et pour travailler dans la globalité, peu importe le problème présenté.
Lors de la séance, Belle essaie de se relever à deux reprises mais sans succès, elle parvient tout juste à se hisser sur les genoux. Je me mets dans ma bulle, je travaille avec douceur, empathie et bienveillance. Je suis l’attraction des tissus mais, parfois je doute de moi, de mes ressentis. Puis, je me rappelle de cette phrase que m’a dite une prof « fais confiance en tes doutes ! ». Alors je ferme les yeux, je continue et j’essaie de me faire confiance, je dois faire confiance à la Vie que je ressens au bout de mes doigts. Mes intentions sont bonnes et ma main est douce, je ne peux pas lui faire de tort.
J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai mené à bien la séance mais, en quittant les lieux, je n’y crois pas vraiment, j’ai peu d’espoir. Et pourtant le lendemain, elle est debout ! Incroyable m’écrit sa propriétaire. Et ces mots illuminent ma journée, je ressens une bouffée de soulagement et de joie en les lisant. Je me sens légère et j’ai la sensation d’avoir accompli quelque chose de bien, d’avoir réellement pu aider Belle.
Je la revois 15 jours plus t**d, pour gagner en confort et travailler sur les quelques séquelles restantes, un port de tête de travers et des difficultés de rumination. Elle a tendance à se mettre en hyperflexion de la nuque lorsqu’elle fait remonter du foin/herbe depuis l’estomac vers la bouche. Et cela ne m’étonne pas. Lors de l’étranglement, l’œsophage n’a pas dû être épargné. La position qu’elle prend est celle qu’on demande de prendre aux personnes âgées qui font des fausses routes à fin de favoriser la voie digestive. En fait, c’est logique !
Lorsque j’arrive, la propriétaire a préparé un collier au cas où Belle ne veut pas se laisser toucher, maintenant qu’elle a retrouvé sa mobilité, elle risque de ne pas accepter la séance. Mais, ni elle, ni moi n’avons envie de le lui mettre sachant que ses cervicales ont déjà beaucoup souffert lors de l’accident. Belle est couchée sur un bon matelas de foin et semble paisible alors, on décide d’essayer sans moyen de contention. Et à notre grande surprise, Belle ne bouge pas. Elle me laisse m’installer en assis tailleur près de sa tête et ne montre aucune intention de fuite lorsque je pose les mains sur son corps. Me reconnait-elle ? Ou est-ce mon intention qu’elle reconnait ? Cette séance a été magique et innovante pour moi. Magique par l’ambiance qui régnait autour de nous, une atmosphère tellement sereine et paisible qu’elle avait un effet de détente sur moi-même. Belle avait les yeux mi-clos, parfois la tête basse, le menton en appui sur le sol et parfois, un regard qui me scrutait. Et innovante, parce que j’ai proposé un travail sur le péristaltisme de l’œsophage, une première pour moi. Et cela a fonctionné, Belle ne semble plus avoir de séquelles de cet accident. Lorsque je finis la séance et qu’avec la propriétaire nous nous relevons, Belle se lève aussi, elle nous accompagne. Elle vient poser sa tête contre ma jambe, je m’accroupis et profite de ce moment qui m’emplit le cœur de joie et de douceur. Comme un signe de reconnaissance, quel beau cadeau !
J’ai le sentiment d’avoir vraiment pu aider Belle et ce qui est beau, c’est qu’elle et son histoire vont m’aider chaque fois que j’aurai des doutes et des échecs, il me suffira d’y repenser.
Merci à ses propriétaires pour leur confiance et leur rapidité d’appel.
