11/09/2021
Les évènements tragiques du mois de juillet en province de Liège ont amené de nombreux travailleurs sociaux à venir en aide aux personnes sinistrées par les inondations.
Plusieurs collègues du « champ psy » se sont demandés ce qu’ils allaient pouvoir dire aux sinistrées. Ils pensaient nécessaire d’être formés « aux troubles post-traumatiques ».
En aucun cas, la possibilité de la psychanalyse ne fût ni évoquée, ni même envisagée. Or, la psychanalyse est née avec la question du traumatisme dès 1895 dans l’Esquisse d’une psychologie scientifique. Freud y relate la cure d’une jeune femme, Emma qui présentait une phobie des magasins suite à un évènement traumatique.
Dans ce cas, Freud déplie la scène traumatique en deux temps et le deuxième temps est la conséquence d’une énigme rencontrée par le sujet dans le premier.
Freud isolera le concept « d’après coup traumatique ».
Le trauma percute le sujet à un moment où il n’a pas les mots pour saisir ce qu’il lui arrive. La lecture de l’évènement traumatique est à repérer au niveau de l’histoire singulière du sujet.
L’autre apport considérable de Freud se trouve dans « Au-delà du principe de plaisir » de 1920.
Dans cet ouvrage, Freud, au contact des « traumatisés » de la grande guerre et des jeux répétitifs des enfants, remet en cause sa théorie sur le principe de plaisir.
Ce sera le grand tournant de la psychanalyse et le plus difficile à accepter pour ses élèves, car Freud démontre là que l’homme n’agit pas pour son bien !
On pourra nous reprocher que ces notions sont datées et que depuis, la science a fait des progrès. Mais la psychanalyse, elle aussi, a continué à vivre et à se développer.
C’est à ce titre que le livre de Sonia Chiriaco, le désir foudroyé, sortir du traumatisme par la psychanalyse, est un témoignage important pour toute personne qui s’intéresse à la question du trauma. La thèse principale du livre qui n’est rien d’autre que le pari de la psychanalyse, est de toujours supposer un sujet derrière la victime : « un sujet pétri par l’histoire qui l’a précédé, par les signifiants qui le désignent et ce, même s’il semble avoir disparu sous le trauma (…) plutôt que l’événement lui-même, il met en évidence ce que le sujet en aura fait. Et personne d’autre que lui ne saura le dire à sa place ».
Le traumatisme renvoie à la radicale solitude du sujet, à une déchirure dans son monde sans qu’il y soit préparé :
« Cet événement inassimilable renvoie le sujet à la détresse fondamentale du tout petit enfant, fragile et sans défense quand il se retrouve seul, loin de l’Autre protecteur dont il dépend absolument. Il laisse apparaître un abîme insondable. Le traumatisme est par excellence la rencontre avec l’impossible ».
Sonia Chiriaco introduit son livre par l’histoire d’une jeune femme qui perdit tout dans l’incendie de sa maison. Après le traumatisme, les pleurs, les récits, les cauchemars, l’angoisse, elle ne retrouva plus jamais sa gaieté et ce qui faisait sa joie de vivre.
L’analyse pu révéler que sa plus grande perte était une photo d’elle, enfant, souriant à la personne qui l’avait prise en photo, son père disparu quelques années auparavant sans qu’elle ne le pleure.
Cette photographie était tout ce qui la rattachait à son bonheur perdu, elle était sa réserve de libido qui lui permettait de tenir dans la vie.
Avoir isolé ce point lui permit d’entamer un travail de reconstruction psychique qui lui permit de sourire à nouveau à ses proches.
Entreprendre une psychanalyse est avant tout un acte qui permet de se confronter aux conséquences de son énonciation et d’être responsable de ce que l’on dit.
Cela entraine de ne plus se confondre avec le statut de victime, de trouver son implication subjective derrière l’événement traumatique et de pouvoir ainsi se reconstruire à partir de ses propres signifiants.
« Ce travail amène à repérer les identifications, à les desserrer, à rendre moins douloureuses les expériences vécues ; il amoindrit la valeur mortifère des événements et des mots qui ont blessé. Alors seulement, le sujet pourra se réconcilier avec sa jouissance la plus intime que l’analyse lui aura fait approcher ».
L’auteur illustre ses propos à partir des témoignages de personnes traumatisées qui auront fait le pas d’entreprendre une analyse et ainsi sortir de « l’horreur un jour rencontrée . »
Julien Wiliquet