A la Source
“Dans une vie, il est des routes que l’on emprunte et d’autres que l’on laisse de côté. Ces chemins, nous nous en détournons en nous disant qu’ils ne nous attirent pas pour le moment, qu’ils ne nous mèneront pas là où nous le souhaitons. Mais il est des sentiers que l’on se promet- plus ou moins convaincu - de suivre un autre jour, à un autre moment, peut-être même, dans une autre vie. Cette deuxième vie, celle qui nous choisit plus que nous la choisissons, elle se tapit, parfois longtemps, dans l’ombre de nos questionnements, dans les fougères de nos peines, dans les désillusions cruelles qui nous saignent les veines, dans les regards que l’on cherche sans savoir, dans les soirées qu’on ne voudrait jamais voir se finir, dans les mots que l’on nous dépose sur le cœur et qui nous bercent comme une symphonie envoûtante et singulière. En fait, familière. Cette vie, elle attend les bras ouverts et s’agrippe à nous.
Lorsque au détours d’un désarroi qui nous obsède et nous étouffe, il nous est possible de se tourner vers cette existence qui nous connait et que l’on reconnait être nôtre, nous nous appuyons sur le désaveu qui nous délivre enfin de l’artificiel, du superflu, de l’acceptable, du convenu, des semblants. Vient alors l’effroyable. Vient l’heure de regarder dans le miroir. Vient le moment d’observer que le temps ne nous a pas oubliés, mais que les désirs dont nous nous cachions ont, eux aussi, œuvrer sur le reflet.
L’image, de l’autre côté, ne ment pas, ne ment plus. Elle hurle plus qu’elle ne console. Elle désarme plus qu’elle ne sourit. Elle secoue plus qu’elle ne caresse. Elle nous parle vrai. Cette image, c’est tantôt le miroir qui la renvoie. C’est aussi parfois le regard de l’enfant que l’on a serré contre soi dans ses premières secondes de vie et qui pourtant nous est étranger. C’est le sentiment de ne ressembler à personne, de n’appartenir qu’à soi, de ne tenir à aucun fil quand l’univers tout entier semble avoir cousu toutes les autres particules qui le constituent les unes aux autres, nous abandonnant au statut satellitaire. C’est aussi le feu qui nous consume de ne pouvoir expliquer pourquoi tel discours, tel propos, tel signifiant nous enflamme et nous détruit. C’est finalement la répétition, la sur-écriture de cette même histoire rejouée sans fin malgré nous qui vient signer la demande et nous amène à franchir le porte de l’analyste.”