
22/08/2025
L'arbre :
Elle est entrée avec un pas calme… presque trop calme.
J’ai senti, avant même qu’elle ne parle, que son cœur portait une lourde vérité.
Elle s’est tenue non loin de moi, et ses mots ont glissé jusqu’à mes racines.
Elle sait que son temps terrestre touche à sa fin.
La médecine des hommes ne peut plus rien pour elle.
Mais son énergie… son énergie vibrait d’acceptation, avec aussi cette peur — la peur de l’inconnu — que chaque être vivant, végétal, minéral ou animal, riche ou pauvre, célèbre ou oublié, connaîtra un jour.
Elle avait déjà fait ses valises.
Dedans, il n’y avait que de l’amour.
Désormais, elle cherchait dans le monde minéral un soutien pour cultiver la sérénité, même face à cette échéance inévitable.
Je lui ai offert une caresse invisible.
Je voulais lui dire que, même si le temps terrestre est compté, l’essence, elle, voyage bien au-delà des racines et des saisons.
En silence, je l’ai remerciée pour ce courage rare.
Elle nous rappelait l’importance des instants, des moments de partage et d’insouciance, et que la vie est aussi éphémère qu’un papillon se posant sur mon feuillage.
Le fauteuil :
Elle ne s’est pas assise sur moi.
Beaucoup viennent chercher le réconfort de mon assise ; elle, c’était autre chose.
Elle n’était pas venue s’enfoncer dans la ouate de mes coussins, mais puiser dans les vibrations profondes et patientes du monde minéral.
Je l’ai observée. Sa voix était calme, comme celle de ceux qui ont fait la paix avec leurs tempêtes intérieures. En parlant à mes gardiens, Erica et John, elle a déposé une vérité lourde comme une pierre : elle sait que son temps ici est compté, le diagnostic médical est sans appel.
Elle portait cette lumière rare, celle que l’on ne retrouve que chez ceux qui ont déjà accepté.
Et soudain, c’est moi qui aurais voulu m’asseoir...
Comment voit-on le lever et le coucher de soleil, les visages aimés, ceux qui devront poursuivre la route sans nous, lorsque l’on sait que nos pas s’arrêtent bientôt ? Est-ce un regard plus sacré que celui que nous posons chaque jour, distraits, sur ce qui nous est donné comme une évidence ?
L'arbre lui aurait offert l’ombre et l’ancrage.
Moi, je n’avais à lui offrir que mon vieux cuir patiné et la mémoire pleine d’histoires.
Mais si elle s’était assise, je lui aurais promis de garder, dans mes plis, la trace de sa présence, et de ne jamais oublier le courage silencieux qui, ce jour-là, a traversé la pièce.