12/11/2025
Chronique décembre 2025
« Un centre de réchauffement? On ne veut pas de ça par ici! »
Chaque année, dès qu’on évoque la possibilité d’ouvrir un centre de réchauffement dans la Péninsule acadienne, les mêmes réactions reviennent :
« On ne veut pas ça ici! »
« Ça va attirer du monde de l’extérieur! »
« Ce n’est pas notre problème! »
Mais avant de rejeter cette idée, prenons un moment pour comprendre ce qu’est réellement un centre de réchauffement, et pourquoi nous en parlons.
Contrairement à ce que certains imaginent, un centre de réchauffement n’est ni un refuge permanent ni un lieu désorganisé. Ce n’est pas un endroit où l’on « ramasse » simplement des gens dans la rue. Il s’agit d’un espace temporaire, sécuritaire et supervisé, ouvert uniquement durant les mois où le froid peut devenir dangereux, voire mortel. Sa mission est simple : empêcher des personnes de geler. Ce besoin de base ne devrait jamais être un luxe, surtout dans une communauté comme la nôtre, où l’entraide fait partie de nos plus grandes valeurs. Et si nous jugeons normal d’avoir des refuges pour animaux, il devrait aller de soi d’en avoir un pour des êtres humains.
Un centre de réchauffement ne s’adresse pas seulement aux personnes en situation d’itinérance. Il peut répondre aux besoins de plusieurs, car tout le monde n’a pas accès au chauffage électrique, à une génératrice, au bois en quantité suffisante, ni aux ressources financières pour y parvenir. Pensons, par exemple :
• aux familles qui traversent des difficultés financières et pour qui chaque kilowatt compte, malgré le froid;
• aux ménages ou individus incapables de payer leur facture d’électricité avant les grands froids, ou dont le service ne peut pas être rétabli à temps;
• aux personnes touchées par des pannes d’électricité imprévues et prolongées.
Donc non, les centres de réchauffement ne sont pas uniquement pour les gens à la rue, et ils ne sont pas destinés à des inconnus : ce sont nos voisins, nos proches, les gens de nos communautés. Et demain, cela pourrait être n’importe lequel d’entre nous. Un centre de réchauffement, c’est une aide dont tous pourraient bénéficier.
L’idée que ce type de centre attirerait « du monde de l’extérieur » est un mythe. Les personnes en grande précarité sont déjà présentes dans nos communautés, mais trop souvent invisibles. Actuellement, celles et ceux qui ont besoin d’un endroit pour se réchauffer doivent se rendre à Bathurst ou à Miramichi, où les centres sont souvent au maximum de leur capacité, car chaque région a, malheureusement, sa réalité. Et surtout, si un projet de centre de réchauffement est proposé, c’est parce que les intervenants, les organismes et les travailleurs de première ligne constatent ce besoin chaque jour sur le terrain. Lorsqu’ils tirent la sonnette d’alarme, notre rôle comme communauté n’est pas de détourner le regard, mais de travailler ensemble.
Ouvrir un centre de réchauffement dans la Péninsule acadienne n’est pas attirer un problème, c’est reconnaître une réalité et y répondre avec humanité.
La vraie question n’est donc pas : « Voulons-nous un centre de réchauffement? »
Mais bien : « Sommes-nous prêts à laisser nos gens passer l’hiver dans le froid? »
Et si, cette année, nous choisissions enfin la réponse la plus simple et la plus humaine?