09/29/2025
Partout au Canada, les agriculteurs posent des questions difficiles sur l'accès à l'échographie à la ferme. Il est temps d'en parler ouvertement.
Dans cet article, j'explique pourquoi notre programme de formation a été créé, ce qui est autorisé par la loi et comment les producteurs et les vétérinaires peuvent collaborer pour améliorer la santé de leurs troupeaux.
En 2012, notre entreprise s’est lancée avec un objectif simple et précis : offrir aux vétérinaires canadiens un accès aux meilleures échographes portatives, robustes et conçues en Europe et en Amérique du Nord spécifiquement pour un usage vétérinaire. Jamais nous n’aurions imaginé qu’un jour nous mettrions en place un programme national de formation en échographie reproductive destiné aux producteurs laitiers et bovins. Mais au fil du temps, quelque chose a changé, et ce n’est pas parce que nous cherchions à bouleverser ou à manquer de respect à la profession vétérinaire. Bien au contraire.
Peu de temps après notre lancement, nous avons commencé à recevoir des demandes discrètes, presque chuchotées, de la part d’éleveurs laitiers : « Est-ce qu’un producteur peut acheter une de ces machines ? » Au départ, nous ne savions pas trop quoi répondre. Notre entreprise avait été créée pour servir les vétérinaires. Mais les appels ont continué à affluer, provenant de producteurs laitiers sérieux, qu’ils soient de petite ou de grande taille, cherchant à mieux gérer leurs troupeaux en intégrant un diagnostic de gestation rapide et à la ferme dans leurs stratégies de reproduction.
À mesure que la demande augmentait, nous avons compris qu’il ne s’agissait pas d’une requête isolée, mais bien d’un besoin réel et croissant parmi les producteurs progressistes. Cela nous a poussés à lire les lois vétérinaires provinciales, à consulter des vétérinaires du ministère de l’Agriculture, à échanger avec des associations vétérinaires provinciales, ainsi qu’avec des vétérinaires praticiens et des professeurs de médecine vétérinaire dans les meilleures universités canadiennes. Nous savions que si nous voulions répondre à cette demande, nous devions le faire avec intégrité, dans le respect des règles et en toute transparence.
Nous avons appris qu’au Canada, les producteurs sont légalement autorisés à utiliser des appareils d’échographie sur leurs propres animaux, à condition de ne pas les utiliser sur des animaux qui ne leur appartiennent pas. En d’autres termes, un producteur laitier ou le responsable de troupeau qui vérifie la gestation de ses propres vaches ne contrevient pas aux règles, pourvu qu’il comprenne ses limites, agisse en conséquence et accorde la priorité au bien-être et à la sécurité des animaux.
Cela a soulevé une nouvelle question : si les producteurs vont le faire, et il est clair que beaucoup le font, pourquoi personne ne les aide-t-il à le faire correctement ?
Soyons honnêtes. Pendant des années, les fournisseurs d’équipements d’échographie au Canada ont vendu directement aux producteurs. Le tout de manière discrète, sans suivi, formation ni support. Les producteurs nous appelaient après avoir acheté une machine d’occasion auprès d’un vétérinaire, commandé un appareil en ligne ou acheté une machine auprès d’un fournisseur d’échographie qui se contentait de l’expédier sans aucune instruction ni orientation. Certains essayaient d’apprendre par eux-mêmes grâce à des vidéos YouTube. D’autres bénéficiaient du soutien de vétérinaires qui les aidaient à se former. Et certains faisaient face à de l’opposition, certains se voyant même dire que leur vétérinaire les abandonnerait s’ils poursuivaient l’utilisation de l’échographie à la ferme.
Cela ne nous convenait pas.
Nous avons ressenti la responsabilité de faire plus que simplement vendre un appareil. Si les producteurs allaient acheter des échographes, et ils le faisaient, il était de notre devoir de leur garantir un accès à une formation de qualité, de s’assurer qu’ils sachent utiliser le matériel de manière sûre, correcte et éthique, et qu’ils connaissent les limites entourant son utilisation.
C’est ainsi qu’est né notre programme de formation, non pas dans le but de remplacer les vétérinaires, mais de les compléter. Nos cours sont dirigés par des vétérinaires canadiens respectés et très expérimentés, incluant des thériogénologues certifiés et des instructeurs issus des principales universités vétérinaires. Chaque formation comprend un examen des informations pertinentes des lois vétérinaires et souligne l’importance de collaborer avec un vétérinaire, et non de contourner leur rôle.
Nous encourageons les producteurs à inclure leur vétérinaire dans la démarche. Nous soulignons qu’aucun équipement ne peut remplacer l’expertise étendue et approfondie d’un vétérinaire, et qu’il ne devrait pas essayer de le faire. En fait, certains de nos meilleurs résultats en formation sont obtenus lorsque vétérinaires et producteurs travaillent en équipe, utilisant l’échographie pour détecter les gestations plus tôt, planifier les protocoles de reproduction de manière plus efficace et réduire les inefficacités reproductives.
Nous reconnaissons que tout le monde ne partage pas ce point de vue. Un petit nombre de vétérinaires, mais très vocal, s’oppose à toute implication des producteurs dans l’utilisation de l’échographie à la ferme. Certains ont choisi de ne pas faire affaire avec nous à cause de cela, tandis que d’autres fournisseurs continuent de vendre des appareils aux producteurs sans formation ni transparence. C’est leur choix, mais nous croyons que les producteurs méritent mieux qu’une boîte livrée à leur porte sans aucune orientation. Nous estimons qu’ils méritent une formation, un soutien et la possibilité de prendre des décisions éclairées et responsables pour leur troupeau.
Cela est particulièrement pertinent à une époque où le Canada fait face à une pénurie de vétérinaires pour les grands animaux. Beaucoup des vétérinaires avec qui nous échangeons sont surchargés et étirés au maximum. Ils cherchent des moyens d’avoir un impact plus significatif pour leurs clients. Ils savent que le travail reproductif, bien qu’important, n’est pas toujours le meilleur usage de leur temps. Soutenir les producteurs dans l’apprentissage des vérifications de troupeau de base, dans le respect des règles, peut permettre aux vétérinaires d’offrir des soins plus spécialisés et stratégiques à leurs clients. D’autre part, il est très rare que les producteurs nous disent qu’ils souhaitent investir dans l’échographie à la ferme pour se passer de leur vétérinaire ou réduire leurs factures vétérinaires ; c’est presque toujours dû à des difficultés pour obtenir le service nécessaire ou avec la fréquence requise, ou encore à un réel et vif intérêt pour la reproduction de leur troupeau.
Aujourd’hui, le Canada fait face à une grave pénurie de vétérinaires pour les grands animaux. La plupart des provinces comptent un vétérinaire pour 9 000 à 40 000 animaux. En Saskatchewan, ce ratio atteint près de 40 000 grands animaux par vétérinaire (mvma.ca). Un éditorial de Saskatoon en 2025 a souligné une pénurie généralisée de vétérinaires dans les pratiques cliniques et mixtes, et l’Université de Guelph rapporte que les zones rurales et le nord de l’Ontario continuent de souffrir de déficits critiques en matière de couverture vétérinaire pour les animaux de ferme.
L’Association canadienne des médecins vétérinaires confirme une pénurie nationale jusqu’au moins en 2031. La pression est particulièrement aiguë dans les pratiques rurales et en production animale.
Dans ce contexte, soutenir les producteurs afin qu’ils apprennent de manière responsable les bases de l’échographie n’est pas une menace, mais une solution pratique. Scanner jour après jour peut sérieusement fatiguer le corps des vétérinaires : épaules, poignets, dos. Nous avons entendu de la part des vétérinaires eux-mêmes que permettre à des clients de confiance de réaliser les contrôles de gestation de routine peut préserver leur santé physique, tout en leur laissant le temps de gérer des cas nécessitant une expertise plus pointue et de voir un plus grand nombre de clients.
La vérité, c’est que notre industrie évolue. Les producteurs ont toujours été des personnes très autonomes par nature, et ils disposent aujourd’hui de moyens technologiques sans précédent, étant également désireux d’adopter des outils qui les aident à mieux gérer leurs exploitations. Notre objectif n’est pas de diminuer le rôle des vétérinaires. Notre but est d’élever les standards quant à la manière dont l’échographie sur ferme est introduite, soutenue et mise en œuvre en toute sécurité, grâce à une éducation appropriée, une prise de décision éclairée et une compréhension claire des limites de la médecine vétérinaire.
Fait intéressant, lorsque certaines exploitations apprennent à réaliser elles-mêmes les contrôles de gestation par échographie, cela ne se limite pas à permettre une gestion plus rapide du troupeau : cela donne également au vétérinaire davantage de marge pour offrir un soutien plus pointu et à forte valeur ajoutée à l’exploitation. Cela peut même offrir à leur corps surmené un repos bien mérité. Plusieurs vétérinaires nous ont confié que scanner jour après jour est très éprouvant pour les épaules, et certains ont plaisanté en disant qu’aider un client à apprendre à scanner pourrait bien leur sauver le bras ou prévenir un syndrome du canal carpien. En fait, un nombre croissant de cliniques vétérinaires commencent à explorer comment former des clients de confiance à effectuer les contrôles de gestation de base, tout en continuant à guider, soutenir et intervenir lorsque cela est nécessaire.
Nous sommes également fiers de partager que toutes nos formations ont été approuvées par le RACE pour l’obtention de crédits de formation continue destinés aux professionnels vétérinaires. Bien que le processus d’approbation ait été exigeant, nous savions qu’il était essentiel de garantir l’intégrité de notre programme éducatif et de favoriser l’adhésion des vétérinaires.
Nous accueillons parfois des professionnels vétérinaires à nos cours, qu’il s’agisse de jeunes diplômés souhaitant gagner en confiance dans le cadre du suivi sanitaire des troupeaux, ou de praticiens en médecine mixte désireux de perfectionner leurs compétences en échographie reproductive bovine. Nous avons récemment ajouté des cours avancés sur le Doppler, conçus exclusivement pour les vétérinaires, et proposons désormais des formations à travers le Canada, notamment en Alberta, en Ontario, en Nouvelle-Écosse, et, nouveauté cette année, en français au Québec.
Aux producteurs qui lisent ceci : si vous envisagez d’utiliser l’échographie, discutez-en avec nous, et surtout avec votre vétérinaire. Parlez de vos objectifs. Posez des questions. Renseignez-vous sur ce qui est permis et ce qui ne l’est pas dans votre province. Engagez-vous à le faire correctement. C’est exactement pour cela que nous sommes là pour vous accompagner.
Aux vétérinaires : nous respectons le travail que vous accomplissez. Nous reconnaissons votre rôle essentiel dans le succès à long terme des exploitations laitières au Canada. Nous croyons également qu’en renforçant la relation entre vétérinaires et producteurs, tout le monde en sort gagnant — y compris les animaux.
Il est temps d’arrêter de chuchoter à ce sujet et de commencer à en parler ouvertement, honnêtement et de manière constructive.
LaitCanada