03/23/2022
Publication de Julie Picard
PÉROU – MARS-AVRIL 2022
J’ai écrit un texte pour les gens qui aiment lire et qui ont du temps. Il est assez long.
Jour 11, je sais je n’ai pas été très loquace depuis mon arrivée. Sincèrement, comme responsable du groupe, il y a toujours un problème à régler, une situation à gérer, un suivi à faire, une planification à prévoir. Aussi, je dois m’assurer que tous les membres du groupe sont bien et faire mon possible pour apporter les correctifs, lorsque c’est possible. Ce qui prend presque tout mon temps et m’en laisse peu pour écrire mes aventures. Toutefois, je dois dire que mes 2 co-responsables frôlent la perfection. La chimie est parfaite! On partage les tâches ensemble et c’est très aidant.
Malheureusement, hier une de nos compagnes a décidé de retourner au Canada. La chaleur et l’intensité de la mission dépassent ses attentes. C’est Mario, le président d’IISF (Infirmier et infirmière sans frontière), qui s’occupe de tous les arrangements pour le rapatriement. Il est un amour. Il s’occupe de tout et va accompagner notre compagne jusqu’à l’aéroport, pour s’assurer que tout se passe bien.
Comment se passent nos journées?
Lorsque nous sommes au camp de base, nous nous levons avec la radio du village. Il y a des haut-parleurs partout dans le village et à 6 :00 précis, tous les matins de la semaine, nous avons droit aux nouvelles du village pendant une heure. Je peux vous dire que les haut-parleurs ont du power. C’est plus fort qu’une discothèque, dans tout le village. Tellement fort qu’on a de la difficulté à se parler entre nous. Le monsieur, toujours le même, roule ses Rrrrrr et étire la fin de plusieurs mots, Buenossssssss Diasssssss. À virer fou!
Un petit mot sur le camp de base. C’est une école d’infirmières et d’agriculture qui est financé en partie par IISF. Les installations sont étonnantes, récentes, confortables et bien entretenue. Do**he dans chaque chambre avec eau chaude, toilette séparée dans chaque chambre également, ventilateur au plafond, air climatisé, laveuse, sécheuse, etc. On déjeune à 7:00. Notre cuisinière Rosa, nous fait des repas incroyables. La nourriture est au-delà de nos espérances à tous. Le directeur de l’école, Sr Herman va à Iquitos (environ 1hr de bateau) régulièrement faire l’épicerie et rapporte ce dont on a besoin en plus de nos demandes spéciales. Les Péruviens ne mangent pas de rôties. Juste un genre de petit pain hamburger, non grillé et sans rien dessus. IISF a donc fait acheter des grille-pains pour nous et de la confiture aux fraises. Toutes nous avons nos pots de beurre de peanuts et de Nutella. Ils ne boivent pas vraiment de café. Mais nous avons du bon café chaque matin avec du lait, ce qui est un luxe extrême dans la jungle.
Après le déjeuner, nous partons généralement pour plusieurs jours. On doit apporter nos tentes, nos matelas à gonfler, la nourriture, nos bagages personnels sachant que nous partons pour la jungle très profonde (lingettes humides, chasse moustiques, masques, gants, etc.). Il n’y a pas de do**he, pas d’électricité ou seulement qq heures par jour, dépendamment de l’endroit ou nous allons.
Notre groupe est divisé en 2. Nous faisons des villages différents et des horaires différents. Jusqu’à maintenant mon groupe a été chanceux. La semaine dernière nous avons pu installer nos tentes pendant 4 jours à la même place, dans un local appartenant à IISF à Santa-Cécilia, à environ 3 heures de bateau. Accès à 2 do**hes et 2 toilettes, une cuisine organisée. Mais pas de moustiquaire, donc des moustiques durant les heures de repos et de repas. La nuit nous étions dans les tentes. Deux heures d’électricité par jour et de l’eau on and off. C’est pourquoi, une journée nous avons pris notre do**he sous la pluie avec nos costumes de bain. Tellement rafraichissant et amusant! En jungle profonde, nous avons une cuisinière qui nous accompagne. Notre quotidien est fait de riz, de viande, d’un concombre géant coupé en petit morceau et arrosé de jus de lime et d’un verre de jus de fruit frais (ça c’est à se rouler par terre). Mais, jamais de dessert. Aucun sucre. Difficile pour moi la petite québécoise habituée à son dessert à tous les repas. Malgré ça on mange tellement que je doute que je perdrai quelques Kg.
Pour ma part, première journée de vaccination, diarrhée durant la nuit précédente, et plusieurs le matin avant de partir. Bing bang dans le ventre en plus. Déclenchement du protocole de diarrhée. Plein de pilules à prendre, signes vitaux et ça y est, j’ai la responsable de la santé du groupe sur le dos. As-tu eu une autre selle? Comment tu te sens? As-tu mal au cœur? As-tu pris ton imodium?... Mais avec ces merveilleuses attentions, j’ai pu monter dans le bateau faire mon 3 heures sans trop de désastre. On est quand même équipé d’une chaudière avec lunette de toilette assortie pour nos petits besoins dans le bateau et dans la jungle. Au diable la pudeur! À l’arrivée, j’ai dormi le reste de la journée dans ma petite tente et au souper de retour « sul piton ». Tout va bien depuis. L’hygiène de la cuisine et de l’eau sont les priorités. Quand une personne est malade, la cuisinière est bouleversée assez pour pleurer à chaud de larme.
Le lendemain matin, un homme passe près de la bâtisse avec un sac. Tout le monde s’attroupe autour. Il y a un serpent dedans. Il vient de l’attraper dans le terrain de soccer devant notre casa. Selon lui il pèse environ 5 kg. Il est de la grosseur de mon avant-bras (énorme! HiHi). Qu’est-ce qu’il va faire avec? Et bien croyez-le ou non, notre traducteur l’a acheté pour 3$ canadien. Il veut nous le cuisiner pour souper.
Ce traducteur est guide péruvien, spécialisé dans le tourisme extrême. Pas trop mon genre, pas le traducteur mais le tourisme extrême. Il nous montre des gens avec des photos de tarentule dans le visage, ou bien d’autres qui se baignent dans l’Amazone (anaconda, piranha et croco en prime).
Nos compagnes, celles de l’autre groupe, ont eu la vie plus dure que nous… Chaque nuit (3) elles ont dû monter leur tente, souvent à la noirceur, attaquées par les bibittes. Le matin, très tôt (4h30) elles se sont levées pour déjeuner, démonter le camp et reprendre le bateau pour un autre village à vacciner. Elles comme nous, on entre dans le village, on s’installe avec du personnel infirmier local et on vaccine jusqu’à ce qu’on ait fait le tour. On remballe tout et on repart pour l’autre village plus loin et on recommence jusqu’à ce que ce qu’il fasse noir. Le personnel Péruvien s’occupe du matériel de vaccination et du maintien de la chaîne de froid pour les vaccins.
Oups, j’ai oublié de vous parler de la température. Comme ma fille Marianne dirait, « il fait 10 000 degrés ». Blague à part, aujourd’hui il faisait 34 à l’ombre, avec 100% d’humidité. Nous sommes toujours trempe à lavette! Quand c’est pas à cause de l’humidité, c’est la pluie. Il pleut tous les jours. Pas des petites pluies de rien, non. Des TROMBES d’eau. Il y a de la boue partout et marcher dans la jungle, monter et descendre du bateau relève toujours de l’exploit. Mais un membre de notre groupe, Denis, n’a pas été chanceux. Il était le premier du groupe à embarquer dans le bateau, les marches (quand il y en a) étaient complètement couvertes de boue. Dernière marche, avant de monter dans le bateau, il glisse la tête la première et se retrouve en partie dans la rivière Amazone. Lunette dans le fond de l’eau. Pour ceux qui ne le savent pas, l’eau de l’Amazone est complètement brune comme du chocolat au lait. On n’y voit rien! D’ailleurs les dauphins roses et les dauphins noirs qui l’habitent sont aveugles. Pourquoi voir quand on ne peut y voir.
Nos 2 traducteurs, n’écoutant que leur cœur, ont fait ni un ni deux et ont sauté dans l’eau pour chercher les lunettes. Savez quoi, ils ont taponné le fond vaseux et ont finalement retrouvé les lunettes. Denis s’en est sorti avec ses lunettes mais ben beurré de bouette.
J’ai encore mille choses à vous raconter. Mais je pense que vous devez aller préparer le souper ou partir pour le travail. Je vous laisse donc et je vous reparle bientôt pour vous raconter nos aventures. Nous partons demain pour 2 jours à Vanillia, 4 heures de bateau. Peut-être plus, dépendamment de la température. La rivière est déchainée et c’est la crue des eaux. On verra bien.
Ah non, la radio hurlante vient de partir, on en a pour une heure de Rrrrrr et de Ooooo. Ce n’est pas juste le matin à 6h00, mais aussi à 17h00. Je vous laisse, je ne m’entends plus penser…