
12/05/2023
Concernant la consommation d’alcool pendant la grossesse, les recommandations au Canada sont généralement bien connues de tous (par les professionnels de la santé comme dans la population en général), soit que la consommation d’alcool est à proscrire durant toute la grossesse. Mais lorsqu’on parle de consommation d’alcool durant l’allaitement, il semble y avoir un flou… On entend parfois que la mère doit attendre un certain nombre d’heures avant d’allaiter son petit après avoir consommé de l’alcool. Qu’elle doit jeter son lait. Qu’elle est mieux d’exprimer du lait avant en prévision des boires de son bébé durant laquelle elle consommera de l’alcool, ou même de donner des préparations commerciales pour nourrisson à son enfant durant cette période.
Dans le livre « Breastfeeding Made Easy » du réputé docteur espagnol Carlos Gonzales, pédiatre et collaborateur à la Ligue La Leche, on explique bien le rapport entre l’alcool consommé par la mère et celui présent dans son lait. À l’aube du début du temps des fêtes, il est important de bien comprendre celui-ci, afin de faire un choix éclairé.
La réponse courte à la question « Une mère allaitante peut-elle consommer de l’alcool lorsqu’elle allaite » est : Oui.
Peut-elle en consommer sans modération?: Non. D’ailleurs, PERSONNE ne devrait consommer d’alcool sans modération. Cela vaut tout particulièrement pour une mère responsable de prendre soin d’un bébé ou d’un enfant.
Comme l’explique très bien Dr. Gonzales, la concentration d’alcool dans le sang est à peu près la même que celle du lait maternel. Ainsi, une mère présentant un taux d’alcool dans le sang de 0,05% (la limite légale pour conduire dans plusieurs pays d’Europe) nourrira son bébé d’un lait contenant 0,05% d’alcool. Comme le sang, le lait se filtre continuellement. Donc, au fil du temps, simultanément à la descente du taux d’alcool dans le sang de la mère, son lait deviendra de moins en moins alcoolisé (le taux d’alcool dans le lait descendrait même un peu plus vite que celui du sang). Le lait accumulé « dans les seins » n’est pas statique; il est en constante transformation. Tout comme le sang n’est pas immobile dans nos veines!
Il peut faire peur à certaines mères (et à leur entourage) de nourrir un enfant au « lait alcoolisé ». Cependant, il est important ici de relativiser : Légalement, dans plusieurs pays, un breuvage contenant moins de 0,5% d’alcool est considéré sans alcool. On parle ici de 10 fois plus d’alcool qu’un breuvage contenant 0,05% (le lait de la mère dont nous parlions plus haut, qui aurait bu assez d’alcool pour présenter un taux d’alcool dans le sang de 0,05%). Pour qu’une mère produise un lait considéré par la loi « alcoolisé », il lui faudrait produire un lait à plus de 0,5% d’alcool. Le sang de cette mère devrait donc être à 0,5% d’alcoolémie, ou plus. Hors, pour un très grand buveur comme pour un buveur occasionnel, à 0,5% d’alcoolémie sanguine, c’est le coma éthylique. Le corps ne peut tout simplement pas fonctionner à un tel taux d’alcoolémie sanguine. Le sang d’un personne en état d’ébriété (grand buveur ou buveur occasionnel, sans distinction) pourra atteindre 0,2% ou 0,3% d’alcool, mais réalistement, le sang d’une mère buvant modérément n’atteindra que rarement 0,05%.
Aussi, étant donné que le bébé ne boit que quelques dizaines de millilitres de lait par boire, l’alcool dans ce lait se retrouve en quelque sorte « dilué » dans son petit corps. Le taux d’alcoolémie sanguine du bébé ne se trouve donc pas à être égal à celui de la mère, mais, dans tous les cas, de beaucoup inférieur.
On peut donc dire que de boire de l’alcool n’est pas incompatible avec l’allaitement. Nul besoin, donc, de compter ses consommations ou de donner un substitut de lait maternel à son enfant lorsqu’on a bu de l’alcool. Certes, nous partons du prémisse que la modération a bien meilleur gout, et qu’en effet, allaiter un enfant en ayant bu une quantité plus ou moins grande d’alcool comporte ses risques : bébé plus somnolent, baisse du réflexe d’éjection chez la mère, etc. Une mère sachant sa production déjà fragile, ou allaitant un bébé prématuré ou présentant une problématique particulière aura tout intérêt à bien réfléchir à la question. Il faut aussi, bien entendu, considérer que le sommeil de la mère pourrait être perturbé (à considérer lorsqu’on pratique le partage du lit), ainsi que son niveau de vigilance.
Ceci dit, nous parlons ici d’une consommation d’alcool occasionnelle. Du lait maternel contenant de l’alcool, quotidiennement, n’est certainement pas l’idéal, et une mère présentant un problème de consommation d’alcool a tout intérêt à demander de l’aide.
Gardons bien en tête aussi que lorsque nous sommes responsable d’un enfant, il n’y a pas que le taux d’alcool dans le lait qui prime; Être alerte et réceptif demeure la priorité numéro un!
Nous devons aussi respecter la mère qui choisi de s’abstenir de boire complètement en période d’allaitement. Comme dans tous les domaines, nous avons toutes nos limites, et devons les respecter.