09/11/2024
La question que j'entends le plus souvent ces temps-ci en tant que nutritionniste est "Le jeûne intermittent là, est-ce que c'est bon?". 🧐
Le professeur et chercheur Benoit Arsenault a épluché les études sur le sujet 🙏 et je vous invite à lire ce qu'il a rédigé sur cette populaire tendance en nutrition.
Un extrait : “Dans l’immense majorité des cas, les professionnels de la santé ou « coaches » qui proposent le jeûne intermittent le font sans une évaluation approfondie de l’apport nutritionnel préalable de leurs patients ou clients et sans évaluer les possibles risques de ces protocoles de restriction calorique. Même si les études sur le jeûne intermittent ont documenté peu de risques pour la santé physique des gens, ces études … n’ont pas évalué les possibles effets néfastes de cette diète, notamment sur la santé psychologique. Or, des décennies de recherche sur la restriction calorique démontrent que ceux-ci sont bien réels.”
Je savais que le jeûne intermittent avait des effets assez limités sur le poids corporel et les marqueurs de santé, mais après avoir épluché la littérature sur le jeûne intermittent au cours de l’été et réalisé à quel point les études sur le sujet étaient décevantes, je me suis permis d’écrire ce texte d’opinion que La Presse a accepté de publier.
Puisqu'on ne peut pas ajouter le lien, je le retranscris ici :
Perte de poids, gain d’énergie, amélioration de la fonction cognitive, diminution du risque de maladies cardiovasculaires et de cancers, et même prolongement de l’espérance de vie : la liste de prétentions d’auteurs, d’influenceurs, de médecins et d’autres professionnels de la santé qui, à l’unisson, vantent les vertus du jeûne intermittent sur la santé ne cesse de s’allonger. Le jeûne intermittent gagne en popularité à la vitesse grand V et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Pas même la science.
Le jeûne intermittent est une méthode d'alimentation qui alterne entre des périodes de jeûne et des périodes de prise alimentaire. Contrairement aux autres diètes populaires qui dictent ce que vous devez manger et en quelle quantité, le jeûne intermittent prescrit la période durant laquelle vous mangez. Pour plusieurs adeptes, le jeûne intermittent est attrayant parce qu’ils n’ont pas nécessairement à revoir la qualité ou la composition de leur alimentation, ou à supprimer certains groupes d’aliments; il faut seulement restreindre la fenêtre de temps au cours de laquelle on s’autorise à manger. Comme les autres diètes amaigrissantes, son but est de consommer moins de calories pour perdre du poids.
Soutenus par les résultats d’une poignée d’études contradictoires sur des modèles animaux, comme le ver, la mouche à fruit et la souris, les possibles bénéfices du jeûne intermittent sur la santé humaine n’étaient pas bien connus au moment où la popularité de ce nouveau régime a explosé il y a une dizaine d’année. Depuis, les scientifiques du monde entier ont répondu à l’appel du public et ont documenté les effets du jeûne intermittent sur la santé humaine. Ses effets sur la perte de poids et les marqueurs de santé ont été étudiés en profondeur dans plusieurs types de populations. Les résultats de ces études en ont surpris plusieurs. Ceux-ci ont été compilés dans des méta-analyses qui ont conclu que la perte de poids moyenne des personnes ayant suivi un protocole de jeûne intermittent, comparée à celle des personnes qui n’étaient pas sous un protocole de restriction calorique, n’était que de 1 kg en moyenne. La perte de poids était même attribuable en plus grande proportion à la perte de masse maigre (masse musculaire, densité osseuse et perte d’eau) qu’à la perte de masse grasse !
Dans l’immense majorité des cas, les professionnels de la santé ou « coaches » qui proposent le jeûne intermittent le font sans une évaluation approfondie de l’apport nutritionnel préalable de leurs patients ou clients et sans évaluer les possibles risques de ces protocoles de restriction calorique. Même si les études sur le jeûne intermittent ont documenté peu de risques pour la santé physique des gens, ces études, qui ont pour l’immense majorité duré quelques semaines ou quelques mois dans des conditions contrôlées, n’ont pas évalué les possibles effets néfastes de cette diète, notamment sur la santé psychologique. Or, des décennies de recherche sur la restriction calorique démontrent que ceux-ci sont bien réels.
Certaines personnes ont, de façon anecdotique, « réussi » à perdre du poids avec le jeûne intermittent. Même si cette méthode peut avoir plus de bénéfices que de conséquences dans certains cas précis, pour une majorité de personnes, les protocoles de restriction calorique, comme le jeûne intermittent, ne remplissent pas leurs promesses et causent fréquemment un sentiment d’échec et de culpabilité, une perte d’estime de soi et une perturbation de la relation avec les aliments et le corps.
Ce régime s’inscrit en tous points dans le culte de la minceur qui obsède les Québécoises et les Québécois depuis beaucoup trop longtemps. Or, faut-il le rappeler, la minceur n’est pas un gage de santé.
Comme scientifique, je suis préoccupé par le déclin de la condition physique et de la santé cardiométabolique des Québécoises et des Québécois. À la lumière des résultats des meilleures études scientifiques effectuées au cours des 10 dernières années, force est de constater que l’amélioration de la qualité de l’alimentation présente beaucoup plus de bénéfices que la restriction calorique, que celle-ci prenne la forme du jeûne intermittent ou d’une autre diète à la mode.
Si on veut vraiment bâtir un Québec en santé, changeons notre approche : écoutons et apprécions les signaux que notre corps nous envoie. Cessons d’orienter nos choix alimentaires vers l’atteinte d’un chiffre irréaliste sur la balance dicté par la culture des diètes. La condition cardiorespiratoire est de loin le principal déterminant de notre espérance de vie en santé. Pas le poids sur la balance !
La quête de la santé physique et psychologique et du bien-être ne passe pas par la restriction des calories, mais plutôt par une amélioration de la qualité des aliments que nous consommons et l’adoption d’un mode de vie physiquement actif. Et si, collectivement, on commençait cette quête en fournissant à notre organisme les calories et les nutriments nécessaires pour soutenir un mode de vie actif qui nous permet de nous accomplir, de nous dépasser, de nous amuser et de bénéficier des dizaines de bénéfices que procure l’activité physique sur la santé ?