10/21/2024
Merci au Dre Sylvie Demers pour toutes ces recherches et pour la santé des femmes 🙏🙏🙏
RÉACTION DE LA DRE SYLVIE DEMERS AU SUJET DU GUIDE DE L'INESSS SUR L'HORMONOTHÉRAPIE
Voici le texte d'opinion soumis (section: Faites la différence) par Dre Sylvie Demers au Journal de Montréal mercredi matin (16 oct.) à des fins de publication pour la Journée mondiale de la ménopause (18 oct.). Le texte (non publié) résume la position de Dre Demers concernant le rapport de l'INESSS (publié le 23 septembre dernier).
Une version similaire de ce texte avait été soumise comme texte d'opinion à La presse le 2 octobre dernier. Voici la réponse de La Presse en date du 7 octobre :
Merci pour votre lettre concernant l’article de notre collègue Louise Leduc du 24 septembre dernier qui portait sur le nouveau guide de l’INESSS.
Sans prendre parti, la journaliste a fait le compte-rendu d’un guide signé par un très grand nombre d’experts issus de différentes disciplines. Cette question continuera d’être débattue et nous suivrons l’évolution des connaissances sur ces enjeux.
Nous ne publierons malheureusement pas votre lettre cette fois-ci, mais nous vous assurons que nous allons continuer de suivre le sujet. Merci encore de nous avoir proposé votre lettre, nous l’avons transmise à nos reporters qui s’intéressent à cette question.
Salutations cordiales.
LE TEXTE D’OPINION NON PUPLIÉ!
ENTRETENIR LE DOUTE ET LA CONFUSION SUR L’HORMONOTHÉRAPIE: À QUI CELA PROFITE-T-IL ?
Dans La Presse du 24 septembre dernier, un article de la journaliste Louise Leduc intitulé Faut-il prendre ou ne pas prendre d’hormones à la ménopause ? m’a laissée perplexe.
Cet article portait sur la sortie, la veille, du rapport de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), comprenant des outils pour la prise en charge des manifestations cliniques liées à la périménopause-ménopause par l’hormonothérapie. Ce rapport était une demande du ministre de la Santé Christian Dubé à la suite du documentaire-choc Loto-Méno de Véronique Cloutier ayant entraîné un immense mouvement des femmes demandant l’accès à une hormonothérapie féminine bioidentique.
Dans ce contexte, il aurait été intéressant que la journaliste mentionne que l’INESSS reconnaît que l’hormonothérapie féminine bioidentique - composée d’hormones structurellement identiques aux hormones produites par le corps féminin (soient l’estradiol-17β et la progestérone) - serait plus sécuritaire et bénéfique que l’hormonothérapie classique – et encore davantage si l’estradiol-17β est donnée par voie transdermique (gel ou timbre). L’hormonothérapie féminine bioidentique est donc désormais le premier choix à privilégier en hormonothérapie. Un autre point majeur, également passé sous silence, est une forme de reconnaissance de l’expertise de ceux que l’INESSS appelle les « collègues expérimentés » leur permettant de prescrire l’hormonothérapie au cas par cas - même si les femmes ont des contre-indications à l’hormonothérapie. Enfin, de bonnes nouvelles !
Après avoir traité personnellement - depuis plus de 23 ans - plusieurs milliers de femmes avec l’hormonothérapie féminine bioidentique de type estradiol-17β transdermique et progestérone orale micronisée (à doses adéquates), je peux vous affirmer haut et fort que je ne connais aucun médicament qui offre autant de bienfaits sur la qualité de vie et la santé des femmes à court et à long terme… ainsi que sur les finances publiques. Aucun.
Non sans une certaine déception, je constate que la journaliste a surtout axé son discours sur les risques possibles de l’hormonothérapie féminine bioidentique, même si aucun de ces risques n’est démontré scientifiquement. Entretenir le doute (on n’est pas totalement certain de l’absence de tout risque) favorise le statu quo, c’est-à-dire le maintien de la peur de l’hormonothérapie – même bioidentique. Si nous faisions preuve d’un même « excès de prudence » pour tous les médicaments, je me demande bien honnêtement quels médicaments pourraient être prescrits.
Rappelons qu’en 2002, à la suite de la désastreuse médiatisation du premier volet de l’étude WHI, l’hormonothérapie est alors devenue, du jour au lendemain, associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires, d’AVC et de cancer du sein. Plusieurs milliers de Québécoises, forcées de cesser l’hormonothérapie, ont subi des dommages incommensurables. Nous savons que les risques associés à l’hormonothérapie sont en grande majorité attribuables aux progestines, et dans une moindre mesure aux estrogènes oraux – et non à l’estradiol-17β transdermique et/ou la progestérone.
La journaliste, en se référant à un tableau de l’INESSS, rapporte un risque augmenté de cancer du sein avec l’hormonothérapie bioidentique si elle est débutée après l’âge de 60 ans. Il y a là une erreur de l’INESSS car les données proviennent majoritairement de femmes prenant une progestine combinée à l’estradiol-17β. Aucune progestine n’est bioidentique.
En 2017, dans une méta-analyse (la plus importante à ce jour) des études cliniques contrôlées et observationnelles en hormonothérapie, les chercheurs concluent que les estrogènes ou l’ajout de progestérone aux estrogènes, n’augmentent pas le risque de cancer du sein. En revanche, l’ajout de progestines accroit le risque, et ce risque augmente avec la durée de la prise. Même son de cloche du côté des contraceptifs. Récemment, en 2023, dans une méga-analyse, une augmentation du risque de cancer du sein variant de 25 à 32 % a été observée avec tous les contraceptifs contenant une progestine - sans estrogènes - incluant les stérilets !
Les professionnels de la santé assistant à mes formations sont agréablement surpris du grand nombre d’études scientifiques comparant les différents types d’hormonothérapie, et constatent le non-sens des nombreuses restrictions sévères et crève-cœurs encore imposées aux femmes – même celles prenant l’estradiol-17β transdermique et la progestérone. Cela est aberrant. Quand va-t-on mettre le focus sur les progestines – de loin les plus grands coupables des risques de l’hormonothérapie ? Qui profite de cette confusion ?
Malheureusement, sauf pour les femmes consultant un « collègue expérimenté » en hormonothérapie (les collègues expérimentés, prenant de nouvelles patientes, pratiquent généralement au privé), plusieurs Québécoises continueront de souffrir et d’être infantilisées parce qu’elles n’y ont pas accès, faute notamment de moyens financiers. De plus, la préménopause, étape étant si importante pour débuter l’hormonothérapie et affectant tellement de femmes, est encore totalement occultée.
Bref, en dépit de belles avancées, les outils fournis par l’INESSS n’amélioreront pas l’accès à l’hormonothérapie bioidentique pour la majorité des Québécoises. En ce sens, c’est globalement un constat d’échec.
Dre Sylvie Demers, MD PhD
Médecin clinicienne-chercheure depuis 28 ans, biologiste et docteure en médecine expérimentale (spécialisation : génétique moléculaire humaine)
Expertise de pointe en hormonothérapie féminine, masculine et transgenre