05/06/2022
Lors d'un de mes suivis de grossesse, j'ai demandé à ma sage-femme pourquoi on ne regardait pas les seins avant la naissance. Sa réponse a été qu'on ne veut pas stresser la mère inutilement, que presque toutes les femmes ont ce qu'il faut pour allaiter et qu'on doit leur faire confiance pour trouver le chemin de l'allaitement au même titre que pour la naissance.
J'ai honnêtement beaucoup de difficulté avec cette approche.
Pour beaucoup de femmes, l'allaitement est un projet qui revêt une aussi grande importance que la grossesse ou l'accouchement. Bien sûr que d'avoir confiance en ses capacités est une première étape importante dans la mise en place de ce projet.
Et ce n'est pas toujours suffisant.
J'ai rencontré une femme qui se démenait corps et âme pour donner le sein à son nouveau-né. Après une naissance par césarienne, une montée de lait tardive, une pression incroyable pesait sur ses épaules pour qu'elle "réussisse" à nourrir son enfant. Les infirmières à l'hôpital et en visite à domicile lui donnaient des conseils contradictoires, sa belle-soeur se mêlait de la partie et sa mère insistait pour qu'elle mette son fils au biberon parce que « c'est ben plus simple de même ». Tous ces facteurs nuisaient au démarrage de l'allaitement, mais il y avait autre chose qui clochait.
J'ai été appelée 10 jours après la naissance pour une consultation urgente. Une simple observation m'a permis de voir que cette mère avait une hypoplasie mammaire. Elle n'avait pas une petite poitrine, loin de là. Mais sa forme était révélatrice : les glandes mammaires étaient visiblement manquantes un peu partout dans le sein. Cela expliquait la très faible prise de poids de son bébé et ses longues périodes de sommeil, le peu de transformation de la poitrine de la mère durant la grossesse ainsi que la montée de lait tardive.
Cette femme rêvait d'allaiter encore plus que de mettre son enfant au monde naturellement. Elle se voyait nourrir son bébé jusqu'au sevrage naturel. Quand je lui ai expliqué qu'elle ne pourrait pas donner le sein exclusivement et sans doute pas sur une aussi longue période qu'elle l'espérait, qu'elle aurait besoin de médication, du dispositif d'aide à l'allaitement et que, malgré tout, elle devrait compléter avec de la formule, elle a été complètement anéantie. Honte, culpabilité, incompétence... Ce sont les mots qui sortaient quand elle parlait d'elle-même.
De tous les professionnels de la santé qui avaient croisé sa route en pré et postnatal, personne n'avait remarqué l'hypoplasie mammaire.
Le pire dans toute cette histoire, c'est que ce début de postnatal, qui s'est révélé éprouvant et décourageant, aurait pu se passer tellement différemment si on avait regardé ses seins pendant la grossesse pour constater l'hypoplasie mammaire. On aurait pu ensuite établir des attentes réalistes quant à l'allaitement et mettre en place une stratégie adaptée pour que cela se passe selon les désirs de la mère et avec le plus de douceur possible.
Je comprends également que certaines femmes ont l'anxiété facile et que l'appréhension d'avoir à naviguer avec les défis de l'hypoplasie mammaire soit insupportable.
De mon côté, j'aime bien le diction "vaut mieux prévenir que guérir".
Et toi, aurais-tu préféré être prévenue d'avance ou simplement le découvrir sur le coup ?
Je laisse ici un dessin représentant des seins avec une hypoplasie. Si tu crois que c'est ton cas, que tu es enceinte et souhaite allaiter, n'hésite pas à en parler aux gens qui font ton suivi de grossesse.
Tu peux aussi me contacter pour que nous puissions en discuter et voir les possibilités d'allaitement selon ta situation. 🌸