09/21/2025
Une gestionnaire RH m'a questionné sur le workaholisme. Je me dit que vous aimeriez probablement avoir les réponses également, donc les voici :
1. Comment dĂ©finir clairement le workaholisme : en quoi se distingue-t-il dâun simple engagement professionnel ou dâune forte motivation au travail ?
Le workaholisme est une solution illusoire aux difficultés de la vie.
2. Quâest-ce qui caractĂ©rise cette relation compulsive au travail, et pourquoi parle-t-on dâune vĂ©ritable dĂ©pendance comportementale plutĂŽt que dâun simple excĂšs de stress ?
Le terme ''compulsion'' renvoie à la répétition d'un comportement (ici celui de travailler) qui est hors de contrÎle et conduit à une certaine détresse.
Le terme ''dépendance comportementale'' renvoie à un sentiment de vide intérieur qui est comblé artificiellement par l'excÚs de travail.
Ensemble, ces deux éléments appauvrissent l'expérience de vie de la personne.
3. Le workaholisme touche souvent des profils perfectionnistes ou trÚs performants. Quels mécanismes psychologiques expliquent que ce type de personnes soit plus à risque ?
C'est l'obtention d'avantages secondaires (revenu, reconnaissance, etc.) qui piÚge le workaholique dans une boucle infernale. Lorsque je parle du perfectionnisme, je dis souvent que c'est comme chercher le coin dans un cercle. Or, il n'y a pas de coin dans un cercle. Donc l'esprit est occupé à quelques choses d'externes, ce qui permet d'éviter de ressentir ce qui ne va pas à l'intérieur. Cela est un avantage secondaire invisible.
4. Contrairement au burn-out, souvent subi et reconnu comme un problĂšme, le workaholisme est parfois perçu positivement par lâindividu et son entourage professionnel. Comment expliquer ce paradoxe ?
Selon les phases de l'évolution du stress adaptatif, il y a (1) l'alarme, (2) la résistance, (3) l'épuisement. Le workaholique peut s'apparenter à la résistance qui est encore capable de contribuer. Le burn-out peut s'apparenter à l'épuisement des ressources et à l'incapacité de continuer à contribuer. Probablement que les gens ont commencé à normaliser le problÚme à l'épuisement et qu'ils acceptent encore de se maltraiter dans la résistance. Pour ma part, en thérapie je recommande de se mettre rapidement à l'écoute des alarmes pour répondre aux vrais besoins.
5. Quel rĂŽle la culture dâentreprise joue-t-elle dans lâalimentation ou la dissimulation du workaholisme (valorisation des longues heures, reconnaissance liĂ©e au prĂ©sentĂ©isme, pression implicite, etc.) ?
Il est vrai que le milieu a une grande influence sur la santĂ© mentale des individus, mais dans notre sociĂ©tĂ© il y a des lois qui protĂšgent le droit de refuser de l'aide. Donc a mon avis, le workaholisme pourrait se dĂ©velopper mĂȘme dans un milieu sain.
6. Quels sont les signes précurseurs qui permettent de détecter un rapport au travail devenu problématique, tant pour la personne que pour son ou sa gestionnaire ?
Le principale critĂšre que je regarde Ă ce sujet en thĂ©rapie est : l'appauvrissement du champ expĂ©rientiel. Autrement formulĂ©, c'est le retrait progressif des autres sphĂšres d'activitĂ©s. Par exemple, la personne arrĂȘte d'aller s'entraĂźner, puis ne va plus au dĂźner de groupe, puis fait des heures supplĂ©mentaires de maniĂšre chronique, puis elle oublie les activitĂ©s familiales, etc. Il y a appauvrissement des expĂ©riences et tout est centrĂ© sur le travail. Par contre, il faudrait que cette perte soit associĂ©e Ă une souffrance pour qu'on parle de problĂšme, autrement, cela peut ĂȘtre un choix de vie temporaire et sain.
7. Quels effets à long terme le workaholisme peut-il avoir sur la santé psychologique et physique, mais aussi sur la qualité des relations interpersonnelles, au travail comme à la maison ?
Fatigue chronique, impatience, colĂšre, conflits, isolement...
8. Comment un.e gestionnaire peut-il éviter de renforcer involontairement cette dynamique, par exemple en récompensant ou en valorisant des comportements compulsifs liés au travail ?
Le ou la gestionnaire doit avoir un bon rapport au travail, car on ne peut pas partager ce qu'on ne possĂšde pas. Donc en agissant sur lui-mĂȘme (comme la premiĂšre rĂšgles du secourisme d'urgence), le ou la gestionnaire s'assure de voir claire dans les besoins de son personnel.
9. Quelles approches ou stratĂ©gies de prĂ©vention peuvent ĂȘtre mises en place dans les organisations pour mieux distinguer lâengagement sain du workaholisme nocif ?
Je ne sais pas, je n'ai pas d'expertise sur les recommandations organisationnelles. La réalisation de certains mandats demande parfois d'accepter un milieu de travail toxique ou dangereux. C'est une question de choix éclairé.
10. Enfin, quels conseils donneriez-vous aux gestionnaires qui veulent aborder le sujet avec un.e employé.e sans stigmatiser ni banaliser cette problématique ?
- Lister les avantages secondaires obtenus par l'excĂšs de travail.
- Lister les pertes de champs d'activité pour favoriser le travail.
- Présenter le schéma des phases du stress : alarme, résistance, épuisement.
- Ne pas s'improviser thérapeute et offrir des ressources professionnelles au besoin.
Voila, votre avis?
ATTENTION : ce contenu est de nature éducative et il simplifie donc un sujet autrement complexe. Je réalise ici de la vulgarisation et il ne faut pas prendre ces informations comme un relevé complet de la documentation scientifique. Pas facile la vulgarisation ...
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