12/16/2025
Québec devait annoncer cette semaine la conclusion d’une entente de 100 millions de dollars avec l’entreprise albertaine qui gère le Mont-Sainte-Anne. Mais le début de saison catastrophique à la station a poussé le gouvernement à mettre l’annonce sur la glace.
C’est ce qu’a déclaré lundi le ministre responsable de la Capitale-Nationale, Jean-François Simard. « Cette semaine, jeudi ou vendredi, nous devions annoncer la conclusion définitive de cette entente », a-t-il dit en entrevue au FM93 à Québec.
ANNONCE REPORTÉE
« On avait finalisé cette entente. Mais compte tenu des évènements… Ce matin, les représentants d’IQ [Investissement Québec] et du ministère de l’Économie rencontraient Murray Edwards pour mettre les points sur les i… », a ajouté le ministre.
Murray Edwards est ce milliardaire albertain qui détient Resorts of the Canadian Rockies (RCR). Le Mont-Sainte-Anne appartient toujours à l’État. Mais l’entreprise possède un bail emphytéotique sur la station de ski alpin jusqu’en… 2093.
La gestion de RCR est critiquée depuis des années. L’entreprise est accusée de sous-investir et de laisser cette montagne, que plusieurs considèrent comme la plus belle au Québec pour le ski alpin, dépérir.
L’ancien chalet de la Crête a été fermé en 2012. Depuis, il a été laissé à l’abandon. Il a finalement été démoli en octobre.
En 2020, un arrêt brusque de la télécabine a fait 21 blessés puis, deux ans plus t**d, une cabine vide est tombée au sol.
Cette année, les skieurs espéraient tourner la page : RCR et le gouvernement Legault avaient annoncé en grande pompe une entente d’investissement il y a un an, qui prévoyait 100 millions, dont la moitié proviendrait des coffres de l’État.
C’est cette entente qui vient d’être finalisée et que Québec entendait dévoiler cette semaine. Enfin, les skieurs de la région pouvaient s’attendre à de bonnes nouvelles.
OUVERTURE SUSPENDUE
Mais coup de tonnerre : d’abord prévue pour la fin de semaine du 6 décembre dernier, l’ouverture de la station a été reportée une première fois. Les remontées étaient affectées par des problèmes d’alimentation électrique.
La direction a repoussé l’ouverture au 13 décembre. Puis le coup de grâce est survenu vendredi soir, quand la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) a ordonné la fermeture de quatre remontées mécaniques.
La décision de la Régie, particulièrement sévère envers RCR, semble avoir ébranlé le gouvernement.
« Nous allons attendre les résultats des travaux de la RBQ. Le gouvernement ne décaissera aucun montant de l’entente sans ceux-ci. Toutes les options sont actuellement à l’étude pour la suite », a fait savoir le cabinet du ministre Simard. Ces résultats de la RBQ pourraient être connus dès mercredi.
L'ÉVICTION : UNE AVENUE RISQUÉE
Ces nouveaux déboires de RCR ont relancé les critiques à son endroit. Plusieurs abonnés ont tenté dans les derniers jours de se faire rembourser leur laissez-passer de saison. Selon les témoignages de plusieurs d’entre eux sur les réseaux sociaux, la station a refusé.
INTERVENTION DU PQ
Le Parti québécois a convié les journalistes au pied des pentes lundi matin pour demander que Québec évince RCR.
« Que le gouvernement du Québec mette ses avocats avec le mandat de reprendre le Mont-Sainte-Anne », a lancé le député péquiste de Jean-Talon, Pascal Paradis. « Resorts of the Canadian Rockies a fait la preuve à de multiples reprises qu’elle ne peut pas être un opérateur du Mont-Sainte-Anne. »
La question d’une éventuelle éviction divise la communauté de la Côte-de-Beaupré. Québec a souvent répété que ce processus serait pratiquement impossible.
Les gens d’affaires, la MRC de la Côte-de-Beaupré et le maire de Beaupré ont souvent réitéré dans le passé que Québec est condamné à s’entendre avec RCR.
« S’il y a une expropriation, ça pourrait durer plusieurs années, ça peut arriver que la station soit arrêtée sans activité pendant plusieurs années », avertit le porte-parole de l’Alliance Affaires Côte-de-Beaupré, Patrice Drouin.
Le cofondateur de Gestev a ouvert il y a quelques années Auberge et Campagne près de la station.
ANULATIONS ET PERTES
« Il y a beaucoup de contrecoups. En 2022, quand la station a fermé, on a perdu beaucoup de nos réservations, immédiatement, dit-il. Là, cette année, le téléphone sonne pour nous demander si c’est vrai ce qu’ils entendent et s’ils doivent venir. Les nouvelles réservations ne rentrent pas. »
M. Drouin connaît un propriétaire de chalets locatifs qui vient tout juste de perdre 20 000 $, parce qu’un club d’entraînement de jeunes skieurs a annulé ses réservations, les remontées mécaniques étant fermées.
L’homme d’affaires comprend la grogne des familles qui paient pour des laissez-passer de saison. Mais il croit qu’une éviction pourrait avoir des conséquences encore plus désastreuses.
« J’aimerais qu’on nous explique une fois pour toutes ce qui en est de l’expropriation. Est-ce possible ? Si elle était possible avec des conséquences et des coûts, qu’on nous l’explique », demande M. Drouin au gouvernement.
Les prochains jours seront donc cruciaux. La Régie va-t-elle permettre la réouverture des remontées ? Comment s’est déroulée la rencontre avec Murray Edwards ?
« Le contenu de ces échanges demeure de nature confidentielle et nous ne pouvons en partager les détails », a indiqué un porte-parole d’IQ lundi.