08/26/2024
Conseils aux paramédics – de la part des paramédics
(23-08-2024)
J’ai posé les questions suivantes à des paramédics :
Si tu pouvais te donner un seul conseil quand tu commençais ta carrière de paramédic, quel serait-il? Quelle est la chose la plus importante qu’on ne t’a pas enseignée dans le programme de soins préhospitaliers d’urgence?
Leurs réponses offrent un aperçu profond d’une profession qui lutte pour survivre face à des changements sociodémographiques, une demande accrue pour les soins préhospitaliers d’urgence, et des conditions de travail souvent toxiques.
J’ai regroupé leurs réponses par thème.
Santé mentale et physique
Prends soin de toi en premier :
Ta santé physique et mentale passe en premier. Avoir un plan B est une solution à considérer.
Prends bien soin de ta santé physique et mentale et cherche toute l’aide nécessaire sans honte ni gêne.
Il n’y a pas de place pour l’orgueil dans l’ambulance; quand ça ne va pas bien, prends une pause. C’est mieux que de finir ta carrière là, que ce soit physique ou mental—va chercher de l’aide.
Rappelle-toi que tu es humain; c’est correct de ne pas te sentir bien après un appel et de demander de l’aide si nécessaire.
Fais confiance à ta petite voix intérieure... ton instinct a souvent raison.
Apprends à vivre avec nos fantômes, les chocs post-traumatiques, parce qu’on voit des choses en une journée que la personne moyenne ne verra jamais dans toute une vie.
Tu es la personne la plus importante. Travaille sur ton lâcher-prise parce que le système peut te brûler autant, sinon plus, que les appels.
Éloigne-toi des problèmes et trouve un partenaire avec qui tu es content de rentrer travailler.
Pour que ton cerveau et ton corps fonctionnent bien, tu dois prendre le temps de dormir, de te nourrir et de t’amuser. La vie, c’est plus que la job.
Prends soin de toi. Personne n’est à l’abri de l’épuisement, et souvent ce n’est pas forcément pour ce que tu pensais qui te mettrait à genoux. Parfois, ça s’accumule.
N’attends pas pour demander de l’aide. Les vrais irritants de la job sont en dehors du travail. Trouve des moyens de rester calme.
Intégrité professionnelle et respect
« N’oublie jamais que ton patient a besoin de toi et que ces besoins peuvent changer rapidement, alors sois prêt à faire de ton mieux et ne baisse jamais ta garde. Les symptômes que ton patient exprime sont réels pour lui et nécessitent toute ton attention jusqu’à preuve du contraire, même si tu n’es pas d’accord. »
Respect et empathie :
Traite toujours ton patient comme tu voudrais être traité, avec RESPECT.
Aie de la compassion pour chacun de tes patients.
Traite les personnes défavorisées et les personnes âgées comme un membre bien-aimé de ta famille; donne des soins bienveillants comme tu aimerais en recevoir.
Tiens la main de ton patient; ça envoie un message fort de dire « Je me soucie de toi ».
Il faut de la patience avec nos patients, certains vont tester nos limites, mais avoir de la patience pour eux est essentiel.
Professionnalisme :
On ne t’enseigne pas l’intégrité professionnelle. Comment te comporter et te présenter en public.
Pour être reconnu comme professionnel, il faut agir comme un professionnel.
La perception publique de notre travail est excellente, et il faut voir cela comme un privilège qu’il faut maintenir. Ça peut se perdre facilement.
Sois empathique. C’est la seule façon de faire ce travail.
Apprends à te distancier des leaders négatifs; ils sont souvent aussi bruyants qu’inutiles.
Sois gentil.
La patience n’est pas enseignée; personne ne m’a dit de prendre mon temps avec mes patients, de converser avec eux et d’avoir de la patience avec eux.
Nous sommes humains et nous pouvons toujours nous tromper. Accepte tes erreurs et apprends-en, cela ne fera que te rendre meilleur dans ton travail.
« La patience. Il faut de la patience. De la patience avec les partenaires qu’on n’apprécie pas beaucoup, car avant d’en avoir un stable, on en a 800 différents. De la patience avec nos appels, peu importe l’heure, peu importe si on dort (7/14) ou qu’on mange, peu importe la nature de l’appel (urgent ou non). De la patience avec nos patients, certains vont tester nos limites, mais avoir de la patience pour eux est essentiel. De la patience pour nos appels, avant de faire une urgence, on va peut-être en faire 40 non-urgents. De la patience pour nos chefs, ils font de leur mieux avec ce qu’ils ont, eux aussi sont à bout de souffle avec tous les paramédics qui n’ont pas de patience. Bref, la patience n’est pas enseignée; personne ne m’a dit de prendre mon temps avec mes patients, de leur faire la conversation et d’avoir de la patience avec eux. »
Carrière et développement professionnel
Planifie pour l’avenir :
Planifie d’avoir une profession avec un bon fonds de pension : ex. Regop.
Puisque tu fais ça à temps partiel, profite-en pour continuer tes études dans un autre domaine, car il va falloir changer éventuellement.
Garde-toi un plan B juste au cas...
Lis la littérature gouvernementale sur le système de santé, les rapports des commissions d’enquête pour voir l’état des lieux du système.
Implique-toi dans ce qui t’intéresse : syndicat, employeur, projets, peu importe. Beaucoup parlent, peu agissent. Bâtis ton bonheur et n’attends pas que quelqu’un d’autre le fasse pour toi. Priorise ta santé mentale/physique en dehors du travail.
Garde-toi un plan B (d’autres études).
Trouve quelque chose comme un certificat/bac après ta probation et fais-le à temps partiel, plan B.
Reste à l’école, deviens médecin.
Informe-toi sur les conditions de travail des temps partiels avant de faire trois ans de cégep, parce que les conditions pour ceux qui commencent le métier sont vraiment mauvaises, et ça ne s’améliore pas avec le temps, même avec un poste à temps plein.
Recherche de mentorat et apprentissage continu :
« Comme dans tout, il y a la théorie et la pratique. Trouve quelqu’un d’expérience qui partagera ses connaissances et répondra aux incertitudes des nouveaux. Quelqu’un qui expliquera pourquoi, dans certaines situations, on doit agir différemment. »
Apprends que le meilleur outil que nous possédons est notre cerveau, pas un protocole écrit par une cravate derrière un bureau après une compilation de statistiques.
Les anciens, soyez patients et partagez; les jeunes, soyez objectifs et profitez humblement des cheveux gris—vous y gagnerez tous, et la population aussi.
Écoute les plus vieux; c’est comme ça qu’on apprend.
Commence par les bases avant d’attendre plus. Porte l’uniforme correctement, utilise une terminologie médicale précise lorsque tu interagis avec d’autres professionnels, sois rigoureux dans l’évaluation et la documentation des conditions des patients, maîtrise les bases, etc.
Réalisme et défis du métier
« N’attends pas de félicitations de ton employeur pour un travail bien fait; il faut le faire entre nous, sinon tu vas attendre longtemps..........Bon travail les paramédics! »
Les dures réalités :
Tu feras BEAUCOUP de gériatrie.
Le gouvernement nous reconnaît à peine.
Les services de santé ne veulent pas de nous, et la sécurité publique non plus.
Certains professionnels de la santé vont nous regarder de haut.
Les résidences vont vous utiliser comme taxis deluxe gratuits, en disant que c’est votre job, et c’est tout.
La population va vous utiliser pour avoir une civière en arrivant à l’hôpital ou pour passer plus vite à l’hôpital, ce qui est faux.
La job est puissamment imparfaite.
Tu ne vas pas sauver des vies tous les jours. Mais tu auras la chance d’aider quelqu’un chaque jour.
Ce n’est PAS toujours des appels d’urgence! Parfois, tu te demandes pourquoi ils ont appelé le 911, et il n’y a rien.
Sauver des vies et faire une différence, ça ne se fait pas juste en ressuscitant un patient en arrêt cardiaque.
Tu ne vas pas forcément sauver des vies. Mais tu peux faire une petite différence dans plusieurs vies.
Environnement de travail :
N’oublie jamais ton lunch froid parce que tu ne sais jamais si tu auras une heure pour dîner sur ton quart de travail.
La chose la plus importante, c’est le partenaire, qui fait toute la différence; ayez confiance l’un en l’autre.
Bien-être personnel et équilibre
« Le mot respect avant tout ce que je fais : respect de mes patients, de notre profession, des intervenants de la santé et autres comme les pompiers, policiers, etc., mais le plus important dans tout ça, c’est surtout de se respecter soi-même pour faire une carrière dans la dignité. »
«Tout le monde vit du stress au quotidien, et nous aussi, en plus de ne pas toujours avoir un travail des plus joyeux et pour lequel notre système nerveux est constamment sollicité (les radios, la tablette, nos ordinateurs, nos cellulaires, le bruit du camion, les mises à jour constantes, travailler dans le froid en plus de gérer les urgences et de travailler avec des gens différents). Il faut des moments de déconnexion. Tu n’es pas un robot. »
Trouver un équilibre :
Il y a une vie en dehors de l’ambulance; prends soin de l’entretenir.
Pour que ton cerveau et ton corps fonctionnent bien, tu dois prendre le temps de dormir, de te nourrir et de t’amuser. La vie, c’est plus que la job.
Travaille ton lâcher-prise parce que le système peut te brûler.
Trouve des moyens d’avoir le plus de plaisir possible.
Garde la flamme vivante!
Ne prends pas ça à cœur; prends ça une heure à la fois.
N’aie pas peur de tenir la main de ton patient.
Aide ton prochain parce que tu pourrais être le prochain.
Sécurité
La sécurité avant tout :
La SÉCURITÉ avant tout dans TOUT!
Fais confiance à ta petite voix intérieure... ton instinct a souvent raison.
Tu es à un appel d’arrêter de travailler; la maladie psychologique est réelle! Le PTSD, le burnout, la dépression, l’anxiété…
« En repensant à ce que j’ai appris à l’école, pratiqué professionnellement, mais malheureusement mal géré avec le temps… Quoi qu’il en soit. Dans les situations de stress élevé et avec plusieurs victimes, on m’a encouragé à mettre de côté le traumatisme et à observer la scène. Cela profite aux victimes (tu sais où tu es nécessaire), aux membres de l’équipe (tu apportes de la force, de l’inspiration et des conseils) et à toi-même (cela te donne du recul et t’alerte sur les menaces potentielles). De la même manière, nous sommes équipés pour éviter certains pièges au fil du temps, mais nous ne le faisons pas toujours. Nous sommes tellement habitués à penser que nous maîtrisons tout que nous manquons l’évidence… et le karma est une vache. Ce à quoi je fais référence, c’est TOI. TOI, la sécurité et le bien-être de tes proches et amis, et le tien. C’est ce qu’on oublie. Peut-être que ce n’est pas assez renforcé dans le milieu académique, qui sait. Pour ma part, j’aurais aimé qu’on me signale les petits caractères sous ma marque ensanglantée… Alors, pour résumer, je dirais au jeune moi de se souvenir de lui-même, et par là de ceux que j’aime, car ce sont eux qui comptent le plus, n’est-ce pas? »
« Quand j’ai commencé, je voulais sauver des vies et pensais ressentir de la satisfaction et de la valorisation principalement dans ces moments-là. La réalité, c’est qu’on est loin de faire des “appels d’urgence” tous les jours, mais j’ai appris à trouver beaucoup de satisfaction et de valorisation à prendre soin de mes patients.
Rassurer un enfant inquiet pour son parent ou grand-parent,
Rassurer une personne âgée qui a peur de ne pas se faire écouter par le personnel soignant,
Voir le soulagement dans le regard de quelqu’un à qui tu as pris le temps d’expliquer ce qui se passe et les prochaines étapes de soins,
Avoir une conversation authentique avec une personne isolée qui vit dans la solitude.
Sauver des vies et faire une différence, ça ne se fait pas juste en réanimant un patient en arrêt cardiaque. »