08/16/2025
Dans une aile tranquille de pédiatrie, dans un hôpital de San Francisco à la fin des années 90, une infirmière s’arrêta devant une chambre, les yeux embués de larmes.
À l’intérieur, un petit garçon atteint d’un cancer en phase terminale riait aux éclats.
Vêtu d’une blouse d’hôpital trois tailles trop grande, un stéthoscope autour du cou et une ridicule nez rouge, Robin Williams le faisait rire si fort qu’il en oubliait momentanément la douleur.
Pas de caméras, pas de presse, pas de cortège.
Juste Robin, faisant des voix, grimaçant, imitant des personnages de dessins animés, créant de la joie à partir de rien.
Ces visites n’étaient jamais programmées par Hollywood.
Elles étaient organisées en privé, grâce au personnel hospitalier qui le connaissait en silence comme bien plus qu’un acteur ou un comédien.
Souvent, il appelait anonymement, demandant s’il y avait des enfants qui pourraient bénéficier d’une visite.
Bien des fois, il arrivait seul, parfois avec un sac de marionnettes, ou déguisé en personnage, allant jusqu’à reprendre la voix inoubliable de Madame Doubtfire.
Les enfants, parfois trop faibles pour se redresser, souriaient, riaient, ou murmuraient une petite blague.
Les parents, bouleversés, regardaient leurs enfants rire à nouveau — parfois pour la première fois depuis des semaines — alors qu’ils vivaient leurs derniers jours.
Une infirmière se souvient d’une visite en 2003, quand Robin passa plus d’une heure avec un patient leucémique de dix ans à qui il ne restait que quelques jours.
Le père de l’enfant avait été stoïque pendant des semaines, refusant de pleurer devant son fils.
Ce jour-là, alors que Robin faisait semblant de diriger une invisible symphonie de perfusions et chantait une absurde ballade lyrique au rythme des bips du moniteur cardiaque, l’homme craqua enfin.
Il pleura. Non de douleur, mais de soulagement.
Robin ne parla jamais de ces visites en interview.
Même ses plus proches amis et collaborateurs de longue date en apprirent l’existence par d’autres.
Certaines familles tentèrent de le remercier publiquement, mais il refusa toujours.
Il croyait que ces moments appartenaient à l’enfant, pas à lui — encore moins à une histoire publique.
Pour Robin, ces visites n’étaient ni un acte de charité, ni une performance.
C’était une connexion humaine, brute, sans filtres.
En 2006, lors d’une halte à Denver pour un spectacle, il conduisit plus d’une heure afin de rencontrer une adolescente en phase terminale dont le film préféré était Aladdin.
Elle avait grandi en récitant les répliques du Génie, et lorsque Robin entra dans la chambre et se mit à improviser avec cette voix inoubliable, son visage s’illumina.
Sa mère écrivit plus t**d que Robin resta bien plus longtemps que prévu, parlant avec sa fille comme avec une vieille amie, écoutant autant qu’il amusait.
Il fallait une immense force émotionnelle pour franchir ces portes.
Ce n’étaient pas des plateaux de cinéma.
Pas de réécritures, pas de reprises.
Les enfants s’éteignaient, l’air était chargé de douleur — et pourtant, il trouvait toujours une façon d’allumer une flamme d’espoir, fût-elle brève.
Jamais il ne se pressait.
Il s’asseyait par terre, partageait une glace, tenait des mains fragiles.
Après, il restait souvent seul dans sa voiture, longtemps, parfois en larmes, parfois au téléphone avec un ami, juste pour entendre une voix familière.
En 2010, le personnel hospitalier de plusieurs villes savait que si Robin était de passage, un appel pouvait arriver.
Mais personne n’en parlait, parce qu’il ne le voulait pas.
Il ne s’agissait ni de titres de journaux, ni d’éloges.
Il disait souvent aux infirmières que si, pendant dix minutes, il pouvait faire oublier à un enfant où il se trouvait, alors ça valait tout.
Ses visites ne guérissaient pas les maladies, ne changeaient pas les diagnostics.
Mais elles accomplissaient autre chose.
Elles offraient une étincelle de joie dans l’ombre du déclin.
Elles adoucissaient les instants les plus durs pour des familles en deuil.
Elles rappelaient à tous — patients, parents, infirmières, et même à Robin lui-même — que le rire gardait son pouvoir, jusque sur le seuil de l’adieu.
Parfois, la guérison ne vient pas de la médecine.
Elle naît de ce sentiment d’être encore vivant, ne serait-ce qu’un instant, quand tout autour dit le contraire.