11/12/2022
DE L’HÉRITAGE DES ANCIENS PHILOSOPHES – 3/3
Chaque auteur aborde l’oeuvre d’un aspect différent.
Bien qu’ils emploient des symboles et des noms différents, ils font toujours référence aux mêmes corps, aux mêmes principes, et aux mêmes opérations. C’est toute cette variété qui rend l’étude des anciens écrits un véritable travail d’hercule, et à ce sujet nous devons citer le merveilleux travail qu’à fait fulcanelli, en dépouillant la science par une approche différente, jamais faite auparavant, tout en conservant la rigueur et la tradition qu’exige la transmission initiatique.
Quant à l’étude des auteurs, la seule façon de faire sortir de ce labyrinthe et de lever le voile d’Isis, c’est de trouver le point commun ou se rejoignent tous les bons philosophes.
Comme le dit le Sancelrien Tourangeau, il faut concilier en esprit tous les auteurs ; et Limojon de St-Didier confirme avec raison que “Comme c’est une vérité constante (en parlant de la science hermétique), qui entend parfaitement un véritable Philosophe, les entend asseurement tous.”
Ce n’est pas parce qu’on n’a pas soi-même réussi ou entendu correctement les Philosophes, qu’il faut créer une pseudo-science alternative à partir de ses propres conclusions, qui plus est si le travail en laboratoire n’a rien donné.
Voyons un peu ce que les philosophes nous disent sur la manière d’entendre les anciens.
Poursuivons toujours avec Limojon de St-Didier :
“Les Philosophes n’ont point de moyen plus asseuré, pour cacher leur science à ceux qui en sont indignes, et la manifester aux Sages, que de ne l’expliquer que par des allegories dans les points essentiels de leur art; c’est ce qui fait dire à Artéphius, que cet art est entièrement cabalistique, pour l’intelligence duquel, on a besoin d’une espece de revelation; la plus grande pénétration d’esprit, sans le secours d’un fidele ami, qui possède ces grandes lumières, n’estant pas suffisante, pour démêler le vray d’avec le faux; aussi est-il comme impossible, qu’avec le seul secours des livres, et du travail, on puisse parvenir à la connoissance de la matière, et encore moins à l’intelligence d’une pratique si singulière, toute simple, toute naturelle, et toute facile qu’elle puisse estre.
Je vous asseure que je me suis terriblement rompu la teste, pour tacher de trouver le point essentiel dans lequel ils (les philosophes) doivent tous s’accorder, bien qu’ils se servent d’expressions si différentes, qu’elles paroissent mesme fort souvent opposés. Les uns parlent de la matière en termes abstraits, les autres, en termes composés : les uns n’expriment que certaines qualités de cette matière; les autres s’attachent à des propriétés toutes différentes : les uns la considèrent dans un estat purement naturel, les autres en parlent dans l’estat de quelques uns des perfections qu’elle reçoit de l’art; tout cela jette dans un tel labyrinthe de difficultés, qu’il n’est pas estonnant, que la pluspart de ceux qui lisent les Philosophes, forment presque tous des conclusions différentes.”
Le Sancelrien Touraneau, dans ses lettres :
“je m’étonne, depuis qu’il a plu à la Divine Providence de m’ouvrir les yeux, comment j’ai pu être tant d’années à employer en lectures, et tant de temps pour comprendre une chose si aisée, n’y ayant pas un seul des vrais Philosophes qui ne parle clairement, n’enseigne la première matière et ne la nomme suffisamment pour la faire comprendre les uns d’un façon, les autres d’une autre, suivant les différentes opérations par ou elle passe.”
Arnaud de Villeneuve, dans le rosaire des philosophes :
“Nombreux étaient ceux, même au sein de la corporation, qui se plaignaient de la «langue nébuleuse» de l'alchimie. Et ce que les alchimistes nous révèlent de leurs moyens d'expression n'est pas fait pour nous faciliter la tâche. «Lorsque nous disons ouvertement les choses, nous ne disons en fait rien du tout. Mais, lorsque notre langage est chiffré et mis en images, nous voilons la vérité. »
Dom Pernety, dans son Dictionnaire :
“Les Philosophes n'expriment point le vrai sens de leurs pensées en langage vulgaire, & il ne faut pas les interpréter suivant les idées que présentent les termes en usage pour exprimer les choses communes. Le sens que présente la lettre n'est pas le leur. Ils parlent par énigmes, métaphores, allégories, fables, similitude, & chaque Philosophes les tourne suivant la manière dont il est affecté.
Un Adepte Chymiste explique ses opérations philosophiques en termes pris des opérations de la Chymie vulgaire; il parle de distillations, sublimations, calcinations, circulations, &c., des fourneaux, des vases, des feux en usage parmi les Chymistes, comme ont fait Géber, Paracelse, &c. Un homme de Guerre parle de sièges, de batailles, comme Zachaire. Un homme d'Église parle en termes de morale, comme Basile Valentin dans son Azoth. Ils ont en un mot parlé si obscurément, en des termes si différents, & en des styles si variés qu'il faut être au fait pour les entendre, & qu'un Philosophe serait très souvent embarrassé pour en expliquer totalement un autre.
Les uns ont varié les noms, changé les opérations; les autres ont commencé leurs livres par le milieu des opérations, les autres par la fin; quelques-uns ont entremêlés des sophistications; celui-là a omis quelque chose, celui-ci a ajouté du superflu.”
Fulcanelli, dans le mystère des cathédrales :
“Comment établir une concordance satisfaisante entre tant d’images diverses, de textes contradictoires ? c’est pourtant le seul moyen que nous ayons de reconnaitre la bonne route parmi tous ces chemins sans issue, ces impasses infranchissables, qui nous sont proposés et tente le néophyte impatient de cheminer.
Le disciple en tirera plus de profit (en parlant de ses ouvrages), à condition, toutefois, qu’il ne méprise point les œuvres des vieux philosophes, qu’il étudie avec soin et pénétration les textes classiques, jusqu’à ce qu’il ait acquis assez de clairvoyance pour discerner les points obscurs du manuel opératoire.”
Nous voyons donc que les auteurs nous ont bel et bien laissé un héritage précieux. Leur leg sont une porte d’entrée sur l’égrégore alchimique, mais cela ne suffit pas. Il faut une certaine préparation spirituelle, il faut être dénué d’orgueil, d’avidité et d’autres sentiments du même genre, et il faut surtout être amoureux de Dieu, de la connaissance, et de son prochain; car le Grand-Œuvre s’intègre dans le grand processus de Réintégration individuelle, mais aussi collective et universelle.
Un homme ne devient illuminé que pour illuminer son prochain et participer à des œuvres d’ordre supérieures et divines. C’est pourquoi les philosophes enseignent que la connaissance de nos principes s’acquiert par révélation, que la méditation et la prière, ou Théurgie, sont une part essentielle de la démarche initiatique et hermétique.
Toute démarche réellement initiatique nécessite l’intervention d’un élément non-humain. L’éveil spirituel, le véritable éveil sur les plans divins, ne peut se faire qu’avec la présence de cet agent inconnu et divin.