27/04/2025
« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu'ils portent sur les choses. » — Épictète
Cette maxime stoïcienne révèle un des fondements de la philosophie antique : la distinction entre le réel et l’interprétation. Épictète, comme d’autres Stoïciens, invite à une révolution intérieure : ce n’est pas le monde qu’il faut changer, mais notre rapport au monde.
1. La distinction entre fait et jugement
Les faits sont neutres. Ils « sont ». Mais notre esprit, lui, ne cesse de les charger de significations. Une insulte, par exemple, n’est offensante que si je la prends pour moi. Une épreuve n’est tragique que si je la juge injuste ou insurmontable.
Autrement dit, entre l’événement et la souffrance, il y a une médiation : le jugement. La pensée stoïcienne nous enseigne ainsi une certaine liberté intérieure : en modifiant notre jugement, nous pouvons modifier notre état d’âme.
2. L'homme comme être interprétant
L’être humain est un être de sens. Il interprète en permanence. Cela peut être une force, car l’interprétation donne une cohérence à notre expérience du monde. Mais cela peut aussi être un piège, si nous confondons nos représentations avec la réalité.
Nietzsche dira plus t**d : « Il n’y a pas de faits, seulement des interprétations. » Il pousse la logique encore plus loin, soulignant combien le monde est filtré par notre subjectivité. La philosophie devient alors une école de lucidité : apprendre à critiquer ses propres jugements pour ne pas être esclave de ses passions.
3. La liberté stoïcienne
Pour Épictète, la vraie liberté réside dans la maîtrise de soi. On ne peut pas empêcher les événements extérieurs, mais on peut toujours choisir notre réponse. Cette pensée rejoint celle de Marc Aurèle : « Ce n’est pas la mort ou la douleur qui est redoutable, mais la peur de la mort ou de la douleur. »
C’est une philosophie de la responsabilité : si mon trouble vient de mon jugement, alors j’ai le pouvoir de me libérer du trouble. Cela exige un exercice constant de discernement, une discipline intérieure que les Stoïciens appellent askêsis.
En somme, cette phrase invite à un renversement de perspective : au lieu d’accuser les circonstances, interrogeons notre façon de les percevoir. La philosophie devient alors une thérapie de l’âme, une libération du faux, une éducation au vrai.