18/05/2021
Anorexie, Boulimie, Hyperphagie; s'en libérer avec la psychonutrition
Liza Grunder, nutritionniste spécialisée dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaires, explique pourquoi la Psychonutrition est indispensable pour s’en délivrer
A peine entrée dans mon bureau, Sandrine*, assistante administrative de 36 ans me l’annonce: “Vous savez, moi c’est le sucre! Je ne peux pas m’en passer! Le matin ça va, mais plus la journée avance, plus j’y pense et plus je sens que je vais craquer et c’est ce qui arrive immanquablement! J’ai fait un régime sans glucide et j’ai bien tenu pendant 2 mois mais tout est revenu comme avant, il faut m’aider!!”
A l’inverse, Cléa*, 15 ans, ne veut plus manger. Sa maman l’accompagne et se désespère: “ Je ne comprends pas ce qui se passe, depuis quelques mois, elle ne veut presque plus rien manger, elle sélectionne ses aliments, elle maigrit à vue d’œil. Je suis vraiment très inquiète…"
Anorexie, boulimie, hyperphagie, compulsion, dans tous les cas il s’agit bien d’une obsession, d’une perte de liberté, d’une contrainte à consommer ou ne pas consommer certains aliments. C’est comme une force invisible qui prendrait le contrôle sur votre volonté.
Si mettre en place plusieurs collations au cours de la journée peut s’avérer efficace chez certaines personnes, c’est malheureusement rarement suffisant pour guérir de ces troubles qui sont de vraies maladies, invalidantes et handicapantes.
Mal comprises, elles isolent les personnes qui en souffrent s’entendant dire à tort, qu’elles manquent juste de volonté. Comment dès lors oser en parler?
A la fin de l'évaluation de leur situation respective du 1er rdv, je leur fais part de ma décision: autant pour Sandrine que pour Cléa, pas de plan alimentaire! Je regarde avec elles ce qu’elles sont capables de mettre en place mais mon attention est ailleurs. Je leur parle de leur trouble alimentaire et de leur lien aux émotions. Si elles ne travaillent pas dessus ce sera compliqué de s'en libérer.
L’alimentation émotionnelle est une façon de se nourrir en lien avec son ressenti, négatif: coup de blues, stress, angoisses... ou positif: se récompenser pour quelque chose, fêter une bonne nouvelle...
Peu habitué à gérer nos émotions, l’alimentation vient alors prendre le relai.
Sandrine me raconte: “Depuis l'adolescence, je fais ces crises compulsives. Je me souviens très bien, ça a commencé peu de temps après le décès de ma grand-mère. J’étais tellement dévastée que quand je rentrais de l’école je me jetais sur tout ce que je pouvais avaler.”
Pour Cléa c’est différent: “Quand je ne mange pas, je contrôle mon corps et quand je contrôle mon corps, je contrôle mes émotions. ça me permet de les maintenir à l’écart et de moins souffrir.”
La perte de contrôle chez l’une, l'hyper contrôle chez l’autre, les émotions tiennent la première place.
Esclaves de ce comportement compensatoire, s’en sortir peut devenir un vrai chemin de croix et peut prendre jusqu'à plusieurs dizaines d’années si on ne fait pas un accompagnement adéquat.
On comprend que traiter le symptôme n'est pas suffisamment efficace, le travail sur les émotions en lien avec le trouble alimentaire est bien souvent un passage important et obligatoire. Comprendre pourquoi la nourriture sert à combler un ressenti, trouver le lien avec l'élément déclencheur alpha en identifiant les émotions liées au trouble alimentaire, nous permet d'y parvenir. Arrivé à la source, la validation existentielle** vient achever le processus.
Pour Sandrine, le travail est relativement facile puisque l'élément déclencheur est déjà trouvé; la perte de sa grand-mère. Aussi quand elle arrive au 3e rdv elle m'informe :
" Ça fait 2 semaines que je n'ai plus eu de crises mais j'ai peur que ça revienne…" Je la rassure et lui explique que les objectifs atteints sont l’expression de niveaux d’intégration qui sont permanents.
Pour Cléa, il faudra d'abord réintégrer petit à petit ses émotions pour en remonter le fil. Cela prendra un peu plus de temps. Dans une boutade elle me confie: " pendant tout ce temps je me suis évertuée à m'éloigner de mes émotions et vous, vous ne faites que m'en parler, c'est pas très cool"
Malgré son ton humoristique, je tiens à m'assurer que ce ne soit pas douloureux pour elle: "Non, non pas du tout, c'est vrai que j'étais un peu anxieuse à cette idée mais en fait ça fait du bien et si ça me permet de m'en sortir alors oui, c'est clair, je continue!"
Après le 5e rdv, on fait un bilan:
" Je ne suis pas encore sortie de mon trouble anorexique, mais énormément de choses ont changé en moi, c'est incroyable! J'ai retrouvé du plaisir à faire des choses que j'avais mis de côté, je dors beaucoup mieux et je reprends confiance en moi!
Autant chez Sandrine, son problème est apparu suite à un trauma, autant chez Cléa, ce sont les émotions négatives qui lui font tellement mal qu'elle a mis en place ce stratagème inconscient pour ne pas les subir.
Le but de cette thérapie est de permettre à la personne de rencontrer ce qui provoque leur trouble et une fois le processus de la validation existentielle accompli, le symptôme n'a plus lieu d'être et il disparaît. Une éducation nutritionnelle peut alors être mise en place si cela s'avère nécessaire.
*Prénoms fictifs
** La validation existentielle est une reconnaissance de l’être dans son ressenti et qui donne lieu à une réhabilitation de soi. Les symptômes sont considérés comme des indicateurs pour trouver les parts de soi en attente de réhabilitation.
Liza Grunder
https://www.lizagrunder.ch/psychonutrition-tca/