30/07/2025
La gestion de la douleur par l’hypnose
La douleur est un phénomène beaucoup plus complexe, que ne le définit l’Association internationale d’étude de la douleur. En plus des deux composantes, sensorielle et affective, reconnues officiellement, d’autres dimensions (culturelles, sociales, psychologiques) devraient être incluses. En effet, la douleur n’est pas seulement un signal d’alarme révélant une pathologie, mais peut être aussi un moyen de communication pour exprimer un mal-être, un moyen efficace pour communiquer à son entourage que «quelque chose ne va pas», comme par exemple un conflit interne ou externe, une dépression, une angoisse, etc. De plus, une symptomatologie douloureuse permet, dans un certain nombre de situations, le plus fréquemment de manière inconsciente, d’obtenir des bénéfices secondaires, comme par exemple, financiers dans les cas d’une sinistrose, et/ou affectifs lors de difficultés relationnelles.
L’hypnose fait partie du domaine psychosocial de la médecine, son efficacité se base essentiellement sur la qualité de la relation patient-médecin, et n’utilise pas, contrairement aux autres thérapies possibles, d’interventions externes (médicaments, attelles, chirurgie, etc.) pour traiter la douleur. De ce fait, elle aborde le patient probablement de façon plus globale que les autres « thérapies physiques » de la douleur, et tient compte davantage du contexte psychosocial, des attentes, des représentations des patients. Par son approche holistique, l’hypnose peut permettre, en plus de diminuer la composante sensitive du symptôme, d’augmenter la capacité de faire face (coping capacity) à la douleur en favorisant une amélioration de l’hygiène de vie, un sommeil de meilleure qualité, une meilleure alimentation, une meilleure endurance à l’exercice physique. Elle peut transformer un patient passif se comportant en victime, en un patient responsabilisé participant activement à sa prise en charge.
Une hypnose formelle nécessite l’intervention d’un thérapeute formé, qui sélectionne les patients après une anamnèse, un examen approfondi et des examens complémentaires si nécessaire pour confirmer ou infirmer un diagnostic. Il peut être en effet dangereux de pratiquer l’hypnose dans les cas où elle occulte des symptômes pouvant nécessiter un traitement chirurgical (une tumeur cérébrale par exemple) ou médicamenteux (une céphalée d’une méningite).
Le thérapeute doit aussi sélectionner le patient sur son profil psychologique: l’hypnose peut être moins ou pas efficace chez un patient qui retire consciemment ou inconsciemment un bénéfice secondaire de son symptôme douloureux (financier ou émotionnel), ou si le patient a une attente démesurée de l’intervention hypnotique (disparition totale d’une douleur chronique par exemple). Afin de contourner ce type de «résistance», un entretien individualisé peut s’avérer nécessaire pour expliquer le rôle actif et la responsabilité du patient dans ce type de traitement, où l’objectif est une amélioration de la qualité de vie sans nécessairement modifier les bénéfices secondaires.
Une autre cause d’échec est la mauvaise compréhension des besoins du patient par le thérapeute; la douleur pouvant être un symptôme écran d’un «mal-être» plus profond (dépression, conflits, etc.).
Malgré sa nature «non invasive», l’hypnose n’est pas une thérapie douce et nécessite une sélection rigoureuse des sujets avant toute démarche, parfois même une évaluation psychiatrique. La précipitation d’une décompensation psychotique à la suite d’une séance d’hypnose est une des complications les plus redoutées.
Afin de ne pas suggérer des situations angoissantes durant la transe qui pourraient aboutir à des abréactions,5,8 il est également important de connaître le vécu émotionnel du patient, ses souvenirs pénibles et désagréables, ainsi que la présence de phobies ou d’autres troubles psychologiques.
L’hypnose formelle nécessite une approche explicite avec établissement d’un contrat, fixant des objectifs précis, permettant un consentement éclairé du patient. Le contrat et les objectifs seront différents pour chaque situation clinique.
Les patients présentant des douleurs aiguës sont souvent des bons candidats pour une hypnoanalgésie. Par exemple, un jeune brûlé, en raison de l’anxiété générée par la perspective des douleurs lors des changements de pansements ou du stress face aux perspectives des séquelles cicatricielles, sera très réceptif notamment aux suggestions :12
anesthésique, en suggérant par exemple un contact avec de l’eau très froide rendant insensible la partie à débrider ;
de substitution sensorielle ;
de déplacement de la douleur vers un endroit du corps moins vulnérable ;
d’une dissociation de l’esprit et du corps pendant les soins.
Chacune de ces techniques peut être utilisée individuellement ou se combiner ; la difficulté principale étant de formuler des suggestions qui, pour être efficaces, doivent être individualisées pour chaque patient, en fonction du contexte, des antécédents du patient, de ses représentations et surtout de son vécu émotionnel.
Enfin, l’apprentissage de l’autohypnose doit faire partie du contrat afin de rendre le patient plus autonome, plus actif, et de le rendre coresponsable dans le contrôle de ses douleurs.
Dans le contexte de douleurs chroniques, l’approche est différente.
Prenons l’exemple d’un patient très sportif, qui suite à un accident de la voie publique se trouve paraplégique avec des douleurs neurogènes importantes. Ces patients souffrent souvent d’un état dépressif et ont une attitude négative envers les résultats obtenus par toute intervention thérapeutique, y compris l’hypnose. Il est alors important de définir clairement les objectifs du contrat : l’hypnose doit être un moyen d’accompagnement dans la prise en charge globale du patient, afin qu’il apprenne à faire face et à mieux gérer son état douloureux (to cope with).
Les buts de l’hypnose dans cette situation peuvent être :
de gérer la colère, aider à faire le deuil de ses compétences sportives ;
d’augmenter l’endurance, la puissance et la souplesse physique ;
d’améliorer le traitement de la douleur par des techniques de relaxation, de modification comportementale ;
de diminuer la consommation des médicaments ;
d’améliorer le sommeil ;
d’augmenter sa confiance en lui dans la capacité d’assumer sa situation;
de favoriser par un recadrage un nouveau système de valorisation et de reconnaissance ;
de favoriser le retour au travail dans la vie active.
Dans la douleur chronique, il est primordial de fixer d’abord un objectif concret et facilement atteignable afin que le patient prenne conscience de l’impact de cette approche. Par la suite, les objectifs peuvent être élargis et les résultats prolongés par l’autohypnose.
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