12/06/2025
𝗦𝗼𝗿𝗰𝗶𝗲̀𝗿𝗲
Un jour, quelqu'un m'a dit : "𝑃𝑜𝑢𝑟𝑞𝑢𝑜𝑖 𝑡𝑒 𝑞𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓𝑖𝑒𝑠-𝑡𝑢 𝑑𝑒 𝑠𝑜𝑟𝑐𝑖𝑒̀𝑟𝑒 ? 𝐶𝑒 𝑚𝑜𝑡 𝑎 𝑢𝑛𝑒 𝑡𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑛𝑜𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑛𝑒́𝑔𝑎𝑡𝑖𝑣𝑒! 𝑇𝑢 𝑝𝑜𝑢𝑟𝑟𝑎𝑖𝑠 𝑡𝑒 𝑑𝑖𝑟𝑒 𝑔𝑢𝑒́𝑟𝑖𝑠𝑠𝑒𝑢𝑠𝑒 𝑜𝑢 𝑐ℎ𝑎𝑚𝑎𝑛𝑒, 𝑙𝑒𝑠 𝑔𝑒𝑛𝑠 𝑣𝑖𝑒𝑛𝑑𝑟𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑓𝑎𝑐𝑖𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑣𝑒𝑟𝑠 𝑡𝑜𝑖 !"
𝑵𝑶𝑵.
Ce NON, je l'ai senti vibrer à la fois en moi et hors de moi, comme un écho entre mon passé, le passé d'autres femmes, et le présent — pour encore trop d'entre nous. Vibrer pour les années que j'ai perdues à essayer d'être ce que je ne suis pas et à ne pas être qui je suis. Vibrer pour celles qui sont mortes d'avoir été marginales, dérangeantes parce que libres, effrayantes parce que compétentes. Vibrer pour celles qui ont encore peur de leur puissance, et se brident par peur d'être rejetées.
Je suis une sorcière et j'assume la part d'ombre que porte ce mot, tout comme j'assume mes propres parts d'ombre. Je me revendique sorcière comme je pourrais me revendiquer humaine, dans mon intégralité. Le beau, le moche, le lisse, l'irrégulier, le confortable, le dérangeant. Je secoue volontairement les gens, poussée par mon envie de les libérer; j'essaie de les confronter à ce qui leur fait peur. Je sais qu'au fond, ce qu'ils craignent chez moi leur fait d'abord peur à l'intérieur d'eux-mêmes. Et s'il y a une chose dont je suis certaine, c'est que vivre sa vie en ayant peur de soi, c'est dommage.
Je m'affiche comme sorcière car je considère qu'il est crucial de se réapproprier ce mot et sa force. Pour que les femmes puissent redevenir les puissantes guérisseuses qu'elles peuvent être, il faut mettre à bas le cliché existant de la soignante : celui de la vierge dévouée, pure et soumise qui, dépourvue de désirs personnels, se sacrifie pour les autres dans le déni complet d'elle-même et de ses propres besoins... jusqu'au jour où elle n'a plus rien à donner et s'éteint sans bruit, sans déranger personne.
La réaction instinctive de la majorité face à un homme puissant, c'est le respect. Face à une femme ? La méfiance. Pour que le pouvoir dans les mains d'une femme ne fasse pas peur, il faudrait donc qu'elle soit sainte, blanche, bienveillante jusqu'au bout des ongles et soumise à des règles dictées par d'autres. Elle devrait choisir entre pouvoir et souveraineté.
On pourrait penser que l'archétype de la sorcière fait peur parce qu'il est associé à la malveillance. En réalité, beaucoup d'autres archétypes sont malveillants et ne suscitent pas la même réaction épidermique. Je pense que ce qui dérange particulièrement dans le cas de la sorcière, c'est qu'elle s'autorise à décider par elle-même si elle sera bienveillante ou non, selon son bon jugement et le respect qu'on lui porte. Elle n'est soumise qu'à elle-même. À croire que cette liberté autoproclamée fait plus peur que le sadisme systématique d'un sociopathe dépourvu d'empathie.
Sorcières, sortez du placard à balais. Il est temps.