21/06/2025
https://lepharmaciendefrance.fr/la-trahison/
La pharmacie s'associera à cette mobilisation.
Explications : Chronologie des souffrances économiques des pharmaciens d’officine depuis 13 ans.
Depuis plus d’une décennie, la profession de pharmacien d’officine traverse une crise profonde, multifactorielle et durable. De manière chronologique et synthétique, les causes structurelles et conjoncturelles qui mettent en péril notre métier — pourtant pilier du système de santé de proximité. Le pharmacien est un docteur spécialisé dans le médicament et un acteur de soins de premier recours, aujourd’hui menacé par une paupérisation croissante et un risque réel de disparition.
1. Évolution défavorable du cadre économique et réglementaire
Encadrement des remises et instabilité des modèles de rémunération : La mise en place des honoraires à la boîte, couplée au plafonnement des remises — régulièrement gelé ou revu à la baisse par les autorités — a entraîné une érosion progressive de nos marges. Cette dynamique provoque une baisse significative de la rémunération des titulaires comme de leurs collaborateurs, fragilisant durablement l’équilibre économique de l’officine.
Marge dégressive lissée : Ce système punit les pharmacies traitant des volumes importants, notamment pour les médicaments onéreux, avec des marges parfois inférieures à 0,5 %. Exemple concret : une marge brute de 97 € HT pour un médicament vendu 35 000 €, avec une TVA de 700 € à reverser.
TVA supérieure au bénéfice : Dans de nombreux cas, la TVA collectée sur les médicaments onéreux dépasse le bénéfice net effectivement perçu par l’officine, fragilisant gravement sa trésorerie.
Il s’agit là d’une aberration économique propre au secteur pharmaceutique, que l’on ne retrouve dans aucun autre domaine commercial.
2. Chute des volumes de prescription et érosion du chiffre d’affaires
Moins de prescriptions : La désertification médicale, la réduction du temps de consultation disponible, les politiques de « rationalisation des traitements » — souvent téléguidées par les caisses d’assurance maladie sous couvert de santé publique et d’un meilleur accès aux soins — ainsi que la montée en puissance des téléconsultations déconnectées du territoire, contribuent à une baisse notable du flux d’ordonnances en officine.
Cette évolution, loin d’améliorer la qualité des soins, fragilise la continuité thérapeutique et expose les patients à un risque croissant de prises en charge incomplètes, inadaptées, voire délétères.
Chiffre d’affaires en trompe-l’œil, marges en chute libre : Les chiffres d’affaires officinaux reculent, ou sont artificiellement gonflés par la dispensation de médicaments très coûteux issus des sorties hospitalières.
Mais ces produits génèrent des marges extrêmement faibles, voire déficitaires, et ne permettent en rien d’assurer la viabilité économique de l’officine.
Parallèlement, les charges fixes (salaires, énergie, logistique) augmentent sans cesse, tandis que les ventes réelles stagnent ou diminuent.
Les prêts deviennent de plus en plus difficiles à rembourser, et l’effet ciseau s’installe durablement.
Pire encore : cette perte de rentabilité n’est compensée par aucune mesure concrète. Au contraire, elle est souvent contrebalancée par l’attribution de tâches supplémentaires, chronophages, mal rémunérées, et trop souvent déconnectées des besoins réels du terrain.
3. Harcèlement administratif par les caisses d’assurance maladie
Contrôles et indus à répétition : Les rejets pour erreurs mineures, les redressements fréquents et les demandes de justificatifs chronophages usent moralement les équipes officinales.
Climat de suspicion généralisé : Le pharmacien n’est plus vu comme un professionnel de confiance, mais comme un acteur potentiellement déviant, constamment contrôlé.
4. Malaise professionnel et désaffection étudiante depuis 10 ans
Baisse des vocations : Près de 30 % des titulaires peinent à recruter des adjoints ou n’arrive pas faute de moyens ou faute de candidat.
Conditions de travail dégradées : Horaires à rallonge, multitâche, pression administrative… le quotidien est devenu lourd et usant.
Reconversion et décrochage : De nombreux titulaires et adjoints jettent l’éponge ou quittent le métier, parfois pour des domaines complètement différents. Beaucoup ne parviendront jamais à revendre leur licence.
Gâchis étatique : L’État forme des universitaires pendant 5 à 7 ans, à grands frais pour la collectivité, pour ensuite les laisser quitter l’officine ou la profession, faute de perspectives.
Quel immense gaspillage de compétences, de vocation… et d’argent public.
5. Missions nouvelles mal rémunérées et tensions interprofessionnelles
Tâches mal valorisées : Tests, vaccinations, entretiens… Ces missions, pourtant essentielles à la santé publique, sont chronophages, faiblement rémunérées, et exacerbent les tensions entre professionnels de santé.
Elles divisent là où elles devraient rassembler, en opposant des confrères qui devraient au contraire coopérer.
Par une mécanique insidieuse d’« ubérisation » de la santé, le travail est déplacé de l’un — jugé trop coûteux — vers un autre, souvent plus précaire, prêt à réaliser les mêmes tâches pour moins cher.
Exemple édifiant : un acte vaccinal est facturé 30 € chez le médecin, sans charge administrative particulière ; 9,61 € chez l’infirmier, hors déplacement et sans lourdeur administrative ; et seulement 7,50 € chez le pharmacien, alors même que celui-ci assure la fourniture du vaccin, la traçabilité complète des doses, l’alimentation du DMP et l’archivage réglementaire.
Ce nivellement par le bas appauvrit l’ensemble des professionnels concernés, au lieu de valoriser chacun à la hauteur de ses compétences et responsabilités.
La seule gagnante est l’Assurance Maladie, ainsi que ses technocrates négociateurs.
Aucune reconnaissance statutaire : La montée en responsabilités n’est accompagnée d’aucune revalorisation statutaire ou salariale.
6. Contrôles ARS et paradoxe du pharmacien obligatoire
Inspections toujours plus strictes : Les exigences en matière de qualité, de traçabilité et de sécurité se multiplient, avec des coûts entièrement supportés par les officines.
Par exemple, la traçabilité des numéros de série est devenue obligatoire, mais le système informatique mis en place est défaillant et génère de nombreuses fausses alertes auprès de l’organisme de tutelle, ce qui en réduit a néant l’efficacité.
Obligation de présence de pharmacien et de personnel selon le chiffre d’affaires : Cette exigence impose des embauches que de nombreuses officines ne peuvent, ou ne pourront bientôt plus, assumer.
Paupérisation des salariés : Faute de rentabilité, les pharmaciens salariés et collaborateurs désertent la profession ou sont mal rémunérés, ce qui appauvrit encore davantage la filière.
Cette situation engendre des tensions entre pharmaciens et préparateurs, du fait de la proximité des salaires malgré une différence importante dans la durée et la nature des études.
On observe ainsi une perte de reconnaissance de la valeur des diplômes et une remise en cause du sens même des formations.
7. Fermetures massives et endettement
3 000 fermetures en 10 ans : Et jusqu’à 3 000 supplémentaires vont disparaître d’ici 2030 (5ans)
Endettement des jeunes titulaires : De nombreuses installations reposent sur des modèles économiques non viables.
Ainsi, certains jeunes pharmaciens récemment installés se retrouvent rapidement confrontés à des situations financières ingérables, entraînant un véritable naufrage économique et social aux conséquences lourdes.
Disparition du maillage local : Les fermetures en zones rurales compromettent gravement l’accès aux soins de proximité.
8. Précarisation et dérives
Glissements déontologiques : Certaines officines, étouffées par les difficultés financières, cèdent à la fraude ou à des pratiques illicites. On observe une augmentation notable de ces cas devant les instances disciplinaires.
On nous laisse deux options : tomber avec dignité ou s’en sortir en se salissant. C’est l’absurdité d’un système qui condamne quoi qu’il arrive. ou une variantes plus ironique et pharmaceutique Choisis ton poison : l’honnêteté qui t’enterre ou la survie qui te déshonore. Quelle belle perspective.
Perte du monopole officinal : La montée en puissance des plateformes de téléconsultation et de livraison médicale fragilise nos prérogatives historiques.
Plutôt que de réussir à les réguler favorablement ou de construire une collaboration équilibrée, nous avons tenté de les freiner sans succès, ce qui leur a finalement permis de s’imposer et de prendre leur envol.
Des acteurs ainsi que de nombreux autres prestataires affiliés à des grands groupes medicaux profitent aujourd’hui de cette situation au détriment du réseau officinal.
Incohérence sur la prescription : Bien que titulaires d’un doctorat spécialisé dans le médicament et en contact quotidien avec les patients, les pharmaciens se voient interdits de prescrire de nombreux médicaments courants.
Paradoxalement, certaines plateformes de télémédecine en ligne les prescrivent sur la base de simples questionnaires, sans examen approfondi.
Ce déni de notre expertise constitue un non-sens sanitaire majeur et une injustice envers notre profession.
Dérive relationnelle et économique : Un climat malsain s’installe parfois, où certains se réjouissent des difficultés, voire de la faillite, de leurs confrères, considérant cela comme une condition nécessaire à leur propre survie financière.
Cette vision individualiste et conflictuelle fragilise profondément la cohésion professionnelle et menace la solidarité au sein de la communauté pharmaceutique.
Impact géographique sur la rentabilité : Les médicaments étant vendus à un prix uniforme sur l’ensemble du territoire, les marges brutes sont à peu près similaires d’une officine à l’autre.
Cependant, ces marges sont ensuite grevées par des coûts externes liés à la géographie locale, tels que les charges fixes, la démographie ou l’accès aux soins.
Cette disparité entraîne inévitablement la fermeture ciblée d’officines dans certains territoires, fragilisant l’accès aux soins de proximité.
9. Cercle vicieux qualité / exigence / rémunération
Des exigences croissantes, des ressources décroissantes : On nous impose plus de traçabilité, plus de normes, plus de missions, mais avec toujours moins de moyens.
Un modèle intenable :Ce paradoxe crée un climat anxiogène, affaiblit les équipes et bloque tout élan d’amélioration.
Favoriser les dérives : Le sentiment d’absurde et l’épuisement professionnel conduisent parfois à des pratiques déviantes.
De plus, le refus – tout à fait compréhensible – d’assurer certaines missions de santé publique, comme les gardes de nuit, résulte de leur impossibilité physique et humaine, ce qui compromet la continuité des soins.
Règles inadaptées et pénalisantes : Certaines obligations fiscales et réglementaires, uniques à notre secteur, illustrent l’inefficacité du modèle actuel.
10. Démotivation, financiarisation rampante et avenir incertain
Porte ouverte aux fonds financiers :
La lassitude généralisée crée un terrain fertile pour les acteurs financiers qui rachèteront les licences officinales à bas prix.
Création artificielle de rareté :
En raréfiant l’offre, ces groupes exerceront une pression pour augmenter la rentabilité du secteur, à l’image de ce qui s’est observé dans les centres de santé médicaux, les centres dentaires, les cliniques vétérinaires et les laboratoires d’analyse médicale.
Danger pour le bien commun :
Cette privatisation progressive de l’accès aux soins menace gravement l’intérêt des patients.
Le système tendra à devenir inégalitaire : ceux qui ont les moyens pourront se soigner, les autres seront laissés pour compte.
Conclusion
Nous sommes pris dans un cercle vicieux : baisse de rentabilité ➞ surcharge de travail ➞ perte de sens ➞ désaffection ➞ désertification ➞ risque sanitaire, un cercle qu’il faut impérativement briser au plus vite.
Si les représentants du réseau s’attendaient à ce que les propositions du gouvernement lors de la première réunion de concertation sur les plafonds des remises des génériques, hybrides et biosimilaires ne soient pas à leur avantage, les annonces du ministère de la Santé, ce vendredi 20 j...