
13/07/2025
Lettre ouverte à mes patients
« Arrêtez de demander votre Prakṛti : vous êtes Ātma.
Cessez de vous identifier à cet amas de doṣas qui s’est constitué en vous… malgré vous. »
Sat Nam,
Je vous partage ceci comme on place un miroir devant un visage endormi.
Non pas pour flatter une image, mais pour révéler ce que vous êtes au-delà des apparences, des déséquilibres, des diagnostics et des humeurs.
Vous venez souvent à moi avec cette question :
« Quelle est ma Prakṛti ? Quelle est ma Nature ? »
Mais je vous réponds :
Vous n’êtes pas Vāta.
Ni Pitta.
Ni Kapha.
Vous êtes Ātma.
Une etincelle éternelle, cachée sous des couches de conditionnements, de maladies, de karma et de croyances.
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Le véritable Soi, Atma (ou Ātman), est décrit par Charaka comme :
• śāśvataḥ – éternel
• arujāḥ – sans maladie
• ajarāḥ – sans vieillissement
• amarāḥ – immortel
• akṣayaḥ – inaltérable
• alodyaḥ – inébranlable
• abhedyaḥ / accheddyaḥ – indivisible, impénétrable
• avyaktaḥ – non manifesté
• anādi-nidhanaḥ – sans début ni fin
• sarvagaḥ – omniprésent
• sarva-śarīra-bhṛt – soutien de tous les corps
• viśva-rūpaḥ – forme de l’univers
• viśva-karmā – artisan cosmique
• cetanā-dhātuḥ – essence de la conscience
• atīndriyaḥ – au-delà des sens
• nitya-yuk – toujours présent
• sānūśayaḥ – porteur de traces profondes
• sa eva – Il est cela.
Voici donc qui vous êtes !
Vous en souvenez-vous ?
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Arrêtez donc de demander votre Prakṛti.
Vous n’êtes pas votre Prakṛti.
Vous êtes Ātma. Cessez de vous identifier à cet amas de doṣas, de mémoires et de distorsions que vous portez malgré vous.
Oui, vous avez un corps (śarīra).
Oui, ce corps manifeste des symptômes.
Oui, les doṣas sont déséquilibrés, et cela demande à être accompagné.
Mais intrinsèquement, vous n’êtes ni votre corps, ni ses déséquilibres.
Vous êtes ce qui l’habite : Ātman, la conscience libre, éternelle, inaltérable.
Ce qui ne naît pas.
Ce qui ne meurt pas.
Ce qui observe.
Ce qui sait.
Ce que vous appelez “vous” est en fait un agrégat.
Une Prakṛti, c’est-à-dire une nature corporelle et mentale… forgée lors de la rencontre de trois éléments :
- Ātman,
- śukra (semence paternelle),
- et ārtava (ovule maternel).
Cette fusion a codé un être, avec ses caractéristiques, ses mémoires, ses penchants, ses forces, ses blessures.
Mais ce n’est qu’un véhicule… Pas le conducteur.
L’Aṣṭāṅga Hṛdayam nous rappelle ceci par une image percutante :
« De même que le poison présent dans un serpent ne fait pas du serpent un poison en soi, les doṣas présents dans le corps ne sont pas votre essence. »
Les doṣas sont là. Ils peuvent être en excès, en défaut, ou même dormants.
Ils sont les messagers du dérèglement.
Pas votre identité.
La médecine ayurvédique véritable ne consiste pas à raffiner votre persona physiologique.
Elle cherche à dissiper les voiles, à décrasser les couches, à vous reconduire vers votre réalité première : Ātman.
Alors oui, identifiez les déséquilibres.
Oui, prenez soin du corps et du mental.
Mais ne vous confondez pas avec eux.
C’est en cessant de vous définir par vos conditionnements que commence la vraie vie, la vraie guérison.
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Chaque fois que vous vous définissez par une constitution ou un trouble,
vous oubliez que le guérisseur intérieur, la clarté, la paix, la lumière,
ne dépendent pas des doṣas — mais de la reconnexion à ce que vous êtes déjà.
Ce que l’Ayurveda nous enseigne véritablement n’est pas comment digérer un aliment… mais surtout comment digérer le faux-soi, les attachements, les illusions.
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Alors je vous le dis avec tendresse et vérité : cessez de réduire votre être à une typologie.
S’il vous plaît, cessez de vouloir vous classer pour mieux vous comprendre.
Commencez à vous souvenir.
Car tant que vous chercherez à corriger la surface sans écouter la profondeur, la racine ne sera pas atteinte.
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Votre chemin n’est pas de devenir moins Vāta ou plus Pitta équilibré.
Votre chemin est de redevenir ce que vous avez toujours été : Ātman.
Un être de lumière, de silence et de conscience.
Et si le soin ne commence pas par là, il ne commence nulle part; il ne sera qu’un pansement.
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Armanda Dos Santos
Au service de la Noblesse en vous