31/07/2025
🩵
Deux années ont passé depuis la fin de ma dernière relation. Jusqu’ici, j’étais resté silencieux. Aujourd’hui, je ressens le besoin de déposer les armes, d’ôter cette carapace que j’ai patiemment façonnée.
Partager son bonheur, lorsqu’on crée du contenu, n’est jamais anodin. Je l’ai fait, par sincérité, par joie, par envie d’exister pleinement. C’était aussi un acte d’espérance. Un message à ceux qui, comme moi, doutent de leur capacité à plaire dès lors que leur corps ou leur quotidien a été redéfini par un accident et une rupture brutale avec la “normalité”.
Cette histoire s’est éteinte comme tant d’autres. Avec sa part d’évidence et de douleur. Mais ma peine, elle, a été observée, jugée, parfois même moquée. Alors j’ai préféré me taire. Vivre l’effondrement dans l’ombre. Non par honte, mais par instinct de survie. Me préserver. Préserver aussi celle que j’ai aimée. Car aimer, même si cela finit, mérite toujours le respect. Le respect du lien, de ce que l’on a partagé, du silence qu’on choisit parfois pour protéger plutôt que blesser. Il n’y a pas de honte à l’échec quand l’intention était sincère.
Mais au-delà de cette histoire, il y a un autre deuil plus vaste, plus insidieux : celui des projections. Une rupture, c’est perdre l’autre, mais aussi l’avenir qu’on avait rêvé à deux. Et quand on vit en fauteuil, ces rêves ont souvent déjà été négociés, contournés, réinventés. Alors quand ils s’effondrent, c’est tout l’édifice qui vacille.
Cela fait bientôt huit ans que je vis assis. Et si le fauteuil ne définit pas qui je suis, il impose malgré moi des limites, des adaptations, un effort de chaque instant. Rien n’est simple. Rien n’est spontané. Même l’amour demande une organisation. Un week-end improvisé devient un casse-tête. Légèreté et mobilité sont des luxes que d’autres ignorent posséder.
Et si la peine amoureuse est universelle, elle ravive en moi d’autres blessures : celle de l’injustice, du déséquilibre, de cette lutte constante pour mériter ce que d’autres obtiennent sans effort. On ne parle pas assez de cette fatigue intérieure, de cette lutte invisible. Elle ne crie pas, elle n’éclate pas, mais elle pèse.
Je me suis longtemps comparé. À ces hommes “valides” qui peuvent séduire sans avoir à justifier leur corps, leur rythme, leurs contraintes. J’ai cru que je ne serai jamais “à la hauteur”. Que je devais faire dix fois plus pour obtenir dix fois moins. Ce sentiment d’injustice ronge, use, isole.
Mais je sais aussi que je ne suis pas seul à ressentir cela. Que d’autres hommes et femmes vivent ces doutes, ce tiraillement silencieux entre l’envie d’aimer et la peur de ne pas être aimés en retour — non pas pour ce qu’ils sont, mais pour ce que leur condition représente.
Aujourd’hui, je vais mieux. Il m’a fallu du temps, du silence, des chutes et des mains tendues. Et à l’heure où la santé mentale est plus que jamais un enjeu crucial, il me semblait juste de déposer ces mots ici. Pour moi. Pour ceux qui se reconnaîtront. Pour rappeler que même dans l’immobilité, le cœur, lui, continue de battre, d’espérer, de chercher la lumière.