
20/05/2025
La peur de revenir dans le moi souffrant
Vous dites que vous allez mieux.
Que vous avez tourné la page.
Que le passé est le passé.
Que cela ne sert à rien de remuer.
Qu’il vaut mieux avancer.
Et vous le croyez.
Ou du moins… vous voulez y croire.
Mais si vous êtes honnête avec vous-même, vous sentez qu’il y a un endroit en vous qui reste figé. Un endroit que vous contournez à chaque fois que vous frôlez le silence, la nuit, l’immobilité. Un endroit que vous évitez.
Pourquoi ?
Parce qu’il contient l’ancien vous.
Celui qui a souffert.
Celui qui a eu honte.
Celui qui a crié dans le vide, ou n’a jamais osé crier. Celui que vous avez enterré pour survivre.
Vous ne fuyez pas votre passé. Vous fuyez la sensation de retomber dedans !
Vous ne craignez pas tant les souvenirs que l’émotion qu’ils transportent.
Vous craignez de revenir à ce que vous avez mis tant d’années à contenir.
Ce n’est pas l’événement que vous redoutez.
C’est ce qu’il a figé en vous.
Ce que vous n’avez jamais osé regarder en face
– La peur brutale
– La solitude
– La confusion
– La perte d’estime
– Le sentiment d’avoir été trahi, abandonné, dévasté
Et vous vous dites :
"À quoi bon revenir là-dedans ? C’est du passé."
Mais ce n’est pas parce que vous ne regardez plus la plaie qu’elle est refermée.
L’oubli n’est pas une guérison
Vous avez reconstruit.
Une vie. Un rôle. Une posture. Une stabilité.
Mais ce que vous n’avez jamais digéré…
reste vivant.
Pas au premier plan.
Pas dans la parole.
Mais dans vos réactions, vos freins, vos défenses.
Dans ce que vous évitez.
Dans la façon dont vous vous censurez sans vous en rendre compte.
Vous vous êtes éloigné du “moi souffrant”.
Mais vous ne l’avez jamais vraiment quitté.
Il est là, dans un coin de votre mémoire cellulaire, de votre système nerveux, de votre corps.
Et tant que vous ne le regardez pas,
il gouverne à votre insu.
Ce que vous évitez… vous dirige
La vérité, c’est que ce moi souffrant que vous ne voulez plus approcher…
vous pilote depuis l’ombre.
Il influence vos choix de relation.
Votre manière d’aimer.
Ce que vous tolérez.
Votre niveau d’exigence.
Votre rapport au risque, à la vulnérabilité, à la réussite. Et plus vous l’ignorez, plus il devient puissant. Parce que vous lui avez laissé le territoire sans surveillance.
Vous n’avez pas à revivre. Vous avez à revisiter
La peur de revenir dans le moi souffrant est légitime. Vous avez peur de vous effondrer.
De perdre tout ce que vous avez construit.
De ne pas savoir comment “en sortir”.
Mais il ne s’agit pas de revivre ce qui vous a brisé.
Il s’agit de le revisiter avec un nouveau regard.
Avec l’adulte que vous êtes devenu.
Avec les ressources que vous avez acquises.
Avec la capacité de rester, cette fois, présent à vous. Ce n’est pas un retour en arrière.
C’est une récupération d’identité.
Ce que vous récupérez en traversant ce seuil :
– Votre énergie restée figée dans le trauma
– Votre pleine présence
– Votre justesse émotionnelle
– Votre liberté de choix
– Votre souveraineté intérieure
En allant au contact de ce moi blessé, vous ne perdez rien. Vous récupérez ce que vous avez abandonné trop tôt. Et c’est cela, la vraie libération.
Donc,
Vous n’avez pas à rester dans la douleur pour guérir. Mais vous ne pouvez pas guérir en la niant. Ce moi souffrant n’est pas votre faiblesse. C’est la version de vous qui a survécu en silence.
Et peut-être qu’il est temps de l’écouter, sans en avoir peur.
De lui faire une place.
Pas pour s’y installer.
Mais pour se réintégrer.
Vous ne serez jamais entier tant que vous laisserez une partie de vous à la porte.
Ce n’est pas en tournant la page que l’on guérit.
C’est en relisant les lignes qu’on avait surlignées en noir.
[Texte écrit par Rafael Arieli ]
Crédit photo : Salvatore Labs