13/08/2025
Un jour, en me réveillant tôt le matin, en pleine nature, j’ai remarqué quelque chose de surprenant. Plusieurs dizaines de fourmis étaient tombées dans une bouteille d’eau de cinq litres, laissée ouverte la veille. Elles ondulaient chaotiquement dans l’eau transparente, comme si chacune luttait pour sa survie.
Au début, j’ai cru qu’elles se noyaient les unes les autres, tentant de se sauver au prix de la mort des autres.
Cette pensée m’a rebutée et je me suis détournée, décidant de ne pas intervenir.
Cependant, au bout de deux heures, la curiosité l’a emporté. Je suis retournée voir la bouteille.
Mon étonnement fut sans limite : les fourmis étaient toujours vivantes ! Mieux encore, elles formaient une véritable île vivante, une sorte de pyramide, où certaines soutenaient les autres, se maintenant ensemble à la surface, comme une colonie soudée.
Je retins mon souffle et me mis à observer. Celles du fond étaient bien immergées, mais pas définitivement. Après un moment, elles étaient remplacées par celles de la couche supérieure, qui descendaient volontairement.
Les plus fatiguées remontaient, calmement, sans précipitation ni bousculade.
Personne ne cherchait à se sauver en premier. Au contraire, chacune semblait s’efforcer d’aller là où c’était le plus difficile. Ce système coordonné d’entraide me toucha profondément.
Je ne pus résister. Je trouvai une cuillère suffisamment fine pour passer par le goulot de la bouteille, et je l’y introduisis délicatement. Voyant le salut, les fourmis commencèrent à sortir une à une, sans agitation, sans panique.
Tout se passait bien, jusqu’à ce que l’une d’elles, affaiblie, retombe dans l’eau sans parvenir à atteindre le bord.
Et puis, il se produisit quelque chose que je n’oublierai jamais.
La dernière fourmi, presque sortie, se retourna brusquement. Elle redescendit, comme pour dire : « Tiens bon, mon frère, je ne te quitterai pas. »
Elle replongea, s’accrocha fermement à la fourmi en détresse, mais ne parvint pas à la sauver seule.
Je ne pus m’empêcher d’intervenir : je rapprochai la cuillère, et elles purent toutes deux sortir, vivantes, ensemble.
Cet épisode m’a émue plus que n’importe quel film ou livre sur l’amitié et le sacrifice.
J’ai ressenti une tempête d’émotions : d’abord, la honte d’avoir cru ces fourmis insensibles ; ensuite, l’étonnement face à leur résilience ; l’admiration devant leur discipline et leur courage… Et enfin, une profonde honte.
Honte pour nous, les humains. À cause de notre indifférence, de la manière dont nous nous perdons les uns les autres dans la poursuite du gain, de la rareté de ceux qui reviennent en arrière pour sauver les plus faibles.
Nous construisons des murs, là où nous devrions créer des ponts vivants.
Si les fourmis, ces minuscules créatures, sont capables d’une telle coordination et d’un tel altruisme, pourquoi sommes-nous si souvent sourds à la souffrance des autres ?
Ce jour-là, j’ai compris une chose essentielle : la véritable force réside dans l’union.
Et si quelqu’un ne sait toujours pas comment bien vivre… qu’il prenne exemple sur les fourmis.
Via Jocelyne Baronne