17/11/2025
L’amitié repose toujours sur une forme d’équilibre, un échange qui circule dans les deux sens, presque comme une respiration à deux. Quand cet équilibre se rompt, même de manière subtile, la relation commence à se transformer.
Il est facile d’imaginer deux amis de longue date soumis tous les deux aux turbulences et souffrances que la vie peut infliger à quiconque.
Le premier avance avec une quête de paix intérieure, d’harmonie et d'équilibre avec les autres tout en respectant son individualité. Dans ses liens, il cherche la clarté, l’écoute mutuelle, la confiance, un rapport où chacun se sent respecté et libre.
Le second, lui, porte en silence un autre monde intérieur. Dominateur malgré lui, anxieux au plus profond, jaloux, égocentrique, possessif. Il masque ses failles derrière une façade solide, croyant qu’être vulnérable serait se mettre en danger. Pourtant, cette façade transpire dans sa manière d’être : il prend plus qu’il ne donne, exige plus qu’il n’accueille, surveille au lieu de faire confiance.
Pendant des années, leur amitié a tenu, portée par les souvenirs, la loyauté, la force de ce qu’ils ont traversé ensemble. Mais avec le temps, un décalage s’installe. Le premier ami ressent une fatigue douce mais tenace, lui qui cherche l’équilibre sent que le lien lui coûte plus qu’il ne lui apporte.Il se sent alors écrasé par l’intensité affective de l’autre, par sa manière subtile d’attirer l’attention sur sa domination évidente , par ses attentes implicites.
De son côté, le second ami ressent confusément que quelque chose lui échappe. L’harmonie qu’il aimerait maintenir lui glisse entre les doigts et creuse un fossé intérieur. Il entendra alors son ami lui dire quelque chose comme : “tu te trompes, ce n'est que ton ressenti…”
Pourtant les conséquences, à long terme, deviennent inévitables :
— des malentendus qui s’accumulent,
— une tension diffuse dans les échanges,
— un sentiment d’injustice pour l’un,
— un sentiment d’abandon pour l’autre.
Et pourtant, malgré ces déséquilibres, demeure une vérité : ils s’aiment en tant qu’amis. Mais aimer ne suffit pas toujours. L’amitié, pour être vivante, a besoin de réciprocité, d’ajustements, de lumière. Sans ce 50-50, elle se met à boiter.
L’évolution intérieure de chacun n’a pas suivi le même rythme. L’ amitié n’est pas condamnée, mais elle nécessite ce que toutes les amitiés profondes exigent un jour ou l’autre : un moment de vérité, un retour au juste milieu, là où chacun peut exister pleinement, sans domination, sans peur, sans masque.