
31/08/2025
Accident d’ambulances : pourquoi tant de haine ?
Il suffit de lire les commentaires sous un article de presse en ligne pour mesurer le pouls d’une société. Et parfois, le thermomètre explose. Prenons un exemple tristement banal : un accident d’ambulance. Peu importe la gravité, qu’il s’agisse d’une simple carrosserie froissée ou d’un drame, le scénario est toujours le même. Avant même que les faits soient établis, avant même qu’on sache si l’ambulancier est responsable ou non, surgit un torrent de fiel.
On pourrait croire à une indignation légitime, à un débat constructif. Mais non : ce qui déferle, c’est la haine brute, parfois même la jubilation malsaine. Comme si voir une ambulance accidentée offrait à certains internautes un défouloir parfait, l’occasion rêvée de régler un compte imaginaire avec une profession qu’ils fantasment plus qu’ils ne la connaissent.
Et c’est toujours le même réquisitoire :
• « Les ambulances ne sont pas prioritaires. »
• « Ils roulent vite juste pour jouer les cow-boys. »
• « Ils foncent parce qu’ils veulent finir leur service plus tôt. »
• « De toute façon, ils ne sont même pas formés à la conduite ! »
Alors oui, reconnaissons-le : la formation à la conduite spécifique, en France, est quasiment inexistante pour les ambulanciers. Oui, certains abusent, comme dans toutes les professions. Mais est-ce une raison valable pour se réjouir d’un accident ? Pour applaudir virtuellement une tôle froissée, au risque d’oublier qu’à l’intérieur, il y a peut-être des blessés, des vies brisées ?
Le paradoxe est frappant : lorsqu’un bus scolaire a un accident, personne n’ose ironiser. Lorsqu’un camion de pompiers se renverse, la compassion est immédiate et on sort les médailles. Lorsqu’un taxi ou un VTC percute un mur, pas un mot de haine. Mais l’ambulance, elle, traîne une image déformée, nourrie par l’éternel débat de sa « fausse urgence » et par une profonde méconnaissance du métier. Comme si ces véhicules blancs n’étaient pas là, justement, pour transporter des patients qui, eux, n’ont rien demandé.
Et il faut aussi pointer du doigt un autre élément : certains journalistes n’hésitent pas à souligner « l’implication d’une ambulance » dans leurs titres racoleurs, attisant d’emblée les clichés. Quant aux modérateurs des réseaux sociaux, ils ferment trop souvent les yeux sur des commentaires qui relèvent clairement de la haine gratuite. On laisse prospérer ce cirque numérique où tout est permis, sauf la nuance.
Alors pourquoi tant de haine ? Peut-être parce que l’ambulancier nest pas assez héroïque pour susciter l’admiration, mais suffisamment visible sur la route pour déclencher l’agacement. Une cible parfaite.
Reste que, derrière chaque ambulance cabossée, il y a des travailleurs, des malades, des familles. Et se réjouir de leur malheur en dit plus long sur l’état moral de cette profession.
Bastien B