28/11/2025
Elle domptait les chevaux sauvages en nageant à leurs côtés dans le Rio Grande — née en exil, Johanna July dressait les chevaux pieds nus et n’obéissait à personne.
Johanna naît vers 1860 à Nacimiento de los Negros, un village isolé du nord du Mexique où la liberté s’est obtenue au prix de tout ce que ses ancêtres avaient connu.
Son peuple — les Black Seminoles — descendait d’Africains réduits en esclavage ayant fui, et de Seminoles, un peuple autochtone. Ensemble, ils avaient créé des communautés en Floride, cultivé la terre et fondé des familles.
Mais après les terribles guerres séminoles des années 1830–1840, lorsque le gouvernement américain força les peuples autochtones à l’Ouest et récaptura les Noirs pour les réduire à nouveau en esclavage, les Black Seminoles fuirent au sud, traversant le Rio Grande vers le Mexique.
Le Mexique leur offrit ce que les États-Unis ne leur offriraient jamais :
la citoyenneté, des terres, et la promesse qu’aucun d’eux ne serait jamais renvoyé en esclavage.
C’est dans ce monde-là que Johanna grandit :
un monde où survivre signifiait s’adapter, où l’identité était complexe, où « chez soi » n’existait que là où l’on pouvait défendre sa liberté.
🇺🇸 Le retour aux États-Unis
En 1870, l’armée américaine fit appel à eux.
Elle avait besoin de scouts capables de connaître les terres rudes entre le Texas et le Mexique, des gens capables de suivre les pistes, de traduire, de survivre là où les soldats blancs échouaient.
Les Black Seminoles acceptèrent, espérant un revenu stable et une chance de revenir sur le territoire américain.
En échange, on leur promit de la terre près de Brackettville et la citoyenneté.
En 1871, la famille de Johanna traversa à nouveau le Rio Grande et s’installa près de Fort Duncan.
Son père, Ned Phillips, dressait les chevaux pour l’armée.
Sa mère, Jennie Bruner, gérait le foyer.
Et Johanna, elle, tomba amoureuse des chevaux.
🐎 Une fille hors normes
Dans la culture Black Seminole, les rôles étaient stricts :
les femmes au foyer, les hommes s’occupaient des animaux.
Mais Johanna n’avait aucun goût pour la couture ou la cuisine.
Elle voulait être dehors, avec les chevaux — sentir la puissance d’un animal de 500 kilos apprendre à lui faire confiance.
Un vieux scout séminole, Adam Wilson, lui apprit à monter :
pas à la manière « respectable » des dames, mais à cru, jambes nues, avec juste une corde autour de l’encolure du cheval.
Elle portait des robes colorées qu’elle cousait elle-même, de longues tresses, des boucles d’oreilles dorées qui brillaient sous le soleil texan.
Et surtout : elle restait toujours pieds nus, même à cheval.
Quand son père mourut peu après sa sortie de l’armée, Johanna — encore adolescente — reprit son travail.
Elle gardait les chèvres et le bétail.
Et commença à dresser les chevaux pour l’armée et les ranchs du coin.
🌊 Sa méthode révolutionnaire
Les hommes dressaient les chevaux par la force :
on les attachait, on les jetait au sol, on leur imposait la selle dans un tumulte de cris et de peur.
C’était brutal, dangereux, et cela brisait l’animal.
Johanna fit tout autrement.
Elle menait un cheval sauvage jusqu’au Rio Grande.
Dans l’eau, elle nageait à ses côtés.
Le cheval s’habituait peu à peu à sa présence.
Puis, épuisé par le courant, il perdait sa force pour ruer.
À ce moment-là, Johanna attrapait doucement sa crinière et m***ait sur son dos.
Quand ils atteignaient l’autre rive, quelque chose d’essentiel avait eu lieu :
le cheval avait compris que cette humaine n’était pas une menace, mais un partenaire.
La confiance naissait dans le fleuve.
Sa réputation grandit.
L’armée et les ranchers la recherchaient spécifiquement.
On la connaissait dans tout le sud du Texas comme l’une des meilleures dresseuses de chevaux de la frontière — une grande femme noire, pieds nus, capable d’apprivoiser les mustangs les plus sauvages sans jamais briser leur esprit.
💔 Le mariage
Vers 18 ans, Johanna fit un choix plus difficile que n’importe quel cheval :
elle épousa un homme nommé Lesley.
Ils s’installèrent à Fort Clark.
Et Johanna découvrit vite que le mariage était une prison :
Lesley voulait une épouse traditionnelle.
Elle essaya — vraiment — mais elle n’avait pas été élevée pour la vie domestique.
Quand elle échouait, Lesley devenait violent.
Alors un jour, simplement, elle partit.
Elle m***a sur son poney, retourna chez sa mère à Fort Duncan et ne revint jamais.
À une époque où les femmes n’avaient presque aucun droit, où la violence conjugale était ignorée, où quitter son mari signifiait l’isolement social,
Johanna choisit sa liberté.
🐎🌾 La vie qu’elle voulait
Elle se remaria deux fois : d’abord avec Alexander Wilkes, puis avec Charles Lasley.
Avec Charles, elle dirigea une affaire florissante : bétail, chevaux, peaux.
Mais le cœur de sa vie ne changea jamais :
les chevaux, la terre, et la liberté.
Vers 1910, elle s’installa à Brackettville, dans une petite maison sur une colline près du cimetière.
Elle y vécut trente ans — toujours pieds nus, toujours à cheval, toujours indépendante.
En 1937, une femme nommée Florence Angermiller l’interviewa pour le Federal Writers’ Project.
Grâce à cet entretien, nous avons aujourd’hui quelques-unes des rares paroles directement laissées par Johanna.
🕊️ La fin d’une vie libre
Johanna July mourut le 18 janvier 1942, à environ 82 ans.
Elle fut enterrée dans le cimetière des scouts séminoles avec d’autres Black Seminoles qui avaient servi l’armée américaine et bâti des vies dans ces terres rudes entre deux nations.
Sa pierre tombale ne raconte pas tout :
ni le courant du Rio Grande,
ni la crinière mouillée d’un cheval sauvage,
ni le moment où un mustang choisissait de lui faire confiance.
Elle ne dit rien non plus du mari qu’elle a quitté,
ni de la méthode douce qu’elle inventa,
ni de la vie farouche et libre qu’elle mena.
Pourtant, sa légende perdure :
celle d’une femme pieds nus, Black Seminole,
qui apprivoisait les chevaux par la confiance,
qui choisissait la liberté plutôt que la sécurité,
et qui prouva que la force ne nécessite jamais la cruauté.
Johanna July n’a jamais cherché la célébrité.
Mais en vivant une vie entièrement à elle,
elle a montré à quoi ressemble la vraie liberté quand on a assez de courage pour la revendiquer.
