
26/08/2025
Une réponse à un commentaire vis-à-vis d’une approche non médicale utilisée pour accompagner le dépassement des addictions.
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Il y a quelques jours, suite au partage d’une formation visant à transmettre une méthode pour accompagner le dépassement des addictions, ce commentaire est apparu :
“90 % de réussite annoncée, 15 000 heures de « recherche personnelle », un cocktail d’hypnose, PNL, sophro et coaching vendu comme traitement de l’addiction… Si ce chiffre était vrai, les hôpitaux et les CSAPA l’auraient déjà adopté pour en finir avec l’alcool, la cocaïne et les opiacés.
Mais en France, le traitement des addictions relève de l’addictologie médicale et psychologique, encadrée par le Code de la santé publique. Promettre de « dépasser les addictions » quand on n’est ni médecin ni psychologue, ça s’appelle surtout de l’exercice illégal de la médecine… et de la publicité trompeuse. Bref : une dépendance en plus — celle à votre formateur.”
Après avoir lu ce commentaire, j'ai d'abord pensé qu'une réponse directe n'était pas nécessaire, car la tonalité du message impliquait assez clairement que l’intention de son auteur n’était certainement pas celle de la curiosité et de l’échange…
Mais en y réfléchissant, j'ai ressenti le besoin de déconstruire les préjugés qu'il soulève. Car si une réserve envers les approches thérapeutiques non médicales est compréhensible, il est tout aussi important de questionner les limites de notre propre système de santé.
D’un côté, je veux bien entendre que l’absence de règlementation des pratiques thérapeutiques laisse la place à des dérives vis-à-vis desquelles il est important de rester vigilant : les “thérapeutes-gourouïsants”, la psychologie de comptoir, l’obscurantisme et la fantaisie de certaines pratiques.
Mais si on veut prétendre à une entière objectivité, n’est-il pas juste d'examiner aussi les limites et les zones d'ombre du système de santé, qui peuvent s’avérer tout aussi néfastes pour la santé publique ?
• Les réflexes médicamenteux trop systématiques qui tendent à remplacer une addiction par une autre, sans prendre le temps d’en comprendre la source
• Les entretiens médicaux de moins de 20 minutes qui se réduisent à un bref échange et un renouvellement d’ordonnance
• Les délais de prise en charge liés à une pénurie de personnel médical, notamment dans les CSAPA et les hôpitaux
• Les “diagnostics-étiquettes” qui tendent à enfermer les personnes dans leur maladie qui devient leur nouvelle identité
• Le prisme physique / biologique prédominant qui laisse trop peu de place à la part psychosomatique et émotionnelle
D’autre part, en France, la théorie (scientifique notamment) est parfois trop largement privilégiée par rapport à l’expérience et la pratique. On considère le savoir comme plus important que le savoir-être et le savoir-faire.
En d’autres termes, on valoriserait l'expérience d'une personne qui a passé cinq ans à théoriser sur un sujet devant celle d’une personne qui l'a vécu, intégré et surmonté après des années ? Soyons bêtement disciplinés, ou soyons sérieux et restons ouverts ?
Maintenant, l’idée ne sera jamais de remplacer le travail de la médecine. Mais d’y contribuer, par le fruit d’apports extérieurs qui offrent un regard neuf.
Aujourd’hui, il m’est impossible de remettre en cause ou d’effacer le fruit de mon expérience. D’une part en tant que personne ayant souffert de multiples addictions pendant près de 15 ans, autant sur un plan personnel que familial, et ayant dépassé toutes celles qui me concernaient. Et d’autre part en tant que thérapeute ayant accompagné de nombreuses personnes à sortir de cette ornière efficacement et de manière pérenne.
Si accompagner des personnes avec toutes les clés, tous les outils et toute la force acquis durant la traversée de ce long chemin de croix, si une telle vocation était illégale, réfutée et empêchée par la médecine, c’est que cette dernière serait devenue une église qui aurait perdu son sens commun au profit de l’adage “on a toujours fait comme ça”, sacrifiant ainsi toute chance d’évoluer au profit du dogme.
Mais je sais que ce n’est pas le cas. Beaucoup de médecins et de personnel d’hôpital s’ouvre continuellement aux pratiques extérieures au domaine médical. Seulement, cela prend du temps. Car comme toute structure très importante, au même titre que l’État, l’Éducation, le domaine médical a beaucoup d’inertie et donc moins d’agilité. Pourrait-on demander à un éléphant de faire un triple lutz ?
Une pratique de soin non conventionnelle comme l’ostéopathie, fondée en 1874 aux États-Unis a dû attendre l’année 2002 en France, pour être reconnue par l'État comme une profession à part entière. Une pratique qui, bien que socialement intégrée, soulève encore des réserves pour le domaine médical.
Autre exemple avec le jeûne thérapeutique, popularisé au début du XXe siècle, pourvu d’incroyables résultats concrets et qui pourtant peine à être intégré dans la sphère médicale, du fait de la difficulté pour la science à établir des patterns intelligibles avec des chiffres alors que des myriades d’expériences de guérison sont témoignées.
Il n’y a donc aucune corrélation entre le fait qu’une thérapie puisse fonctionner et son intégration dans les pratiques médicales actuelles.
Moralité : Bien sûr qu’il est sain d’avoir des réserves sur de nouvelles formes thérapeutiques. Bien sûr qu’il est important de prendre le temps de choisir une approche thérapeutique et un ou une thérapeute qui nous inspirent toute confiance. Seulement, être vigilant ne peut et ne doit pas être un synonyme d’être fermé.
La curiosité et l'esprit critique ne sont pas l'apanage de l'approche scientifique. L'expérience doit être reconnue à sa juste valeur, car le savoir n'est, après tout, que le simple fruit de l'expérience vécue et observée.